Metal Métal > Rorcal

Biographie > Doom as fuck

Rorcal est depuis 2006, date de la naissance du groupe, l'un des plus sûrs espoirs d'une scène post-hardcore helvétique foisonnante. Après six mois d'écriture en commun, les membres du quintet enregistrent leur premier effort, un EP baptisé The way we are, the way we were, the way we will be (2007). Quelques mois plus tard, ils s'enferment en studio avec leur compatriotes de Kehlvin pour Ascension avant d'entamer le projet collaboratif Monochrome avec différents musiciens et un réalisateur. En 2008, Rorcal enregistre son premier album long-format, Myrra, mordvynn, marayaa et figure sur la compilation Falling down, aux côtés de Pelican, Knut et Year of no light notamment.

Review Concert : Rorcal, Gnaw + The March + Rorcal au détour (oct. 2010)

Review Concert : Rorcal, DirGeneRorcaLee (nov. 2008)

Interview : Rorcal, L'interview Rorcaline (juin 2009)

Rorcal / Chronique LP > Muladona

Rorcal - Muladona Même si ça pique un peu, je suis bien content de me remettre du Rorcal dans les oreilles car rarement un groupe aura été aussi synonyme de sauvagerie brute et épaisse. Mais pas totalement dénué de finesse. Si la mise en musique de films est un exercice qui pourrait convenir aux Suisses, ils s'essayent à un autre avec Muladona qui est un album pouvant être la bande-son accompagnant la lecture de l'ouvrage éponyme écrit par l'Américain Eric Stener Carlson, un bouquin fantastique où une âme damnée force un mec à écouter d'horribles histoires chaque nuit alors que durant le jour, le gars cherche à éviter les ravages de la grippe espagnole de la fin de la première guerre mondiale. La Muladona est l'incarnation de cette entité, elle est originaire de Catalogne et prend la forme d'une mule à tête de femme et ressemble peu ou prou à la bestiole sur le bel artwork. Voilà pour les présentations, sache encore que bien évidemment la plupart des textes (tous ?) sont issus dudit bouquin, pour autant ne pense pas que cet opus soit un livre audio ou alors tu risques de déchanter. Car pour comprendre les paroles égosillées, c'est assez compliqué. De toute façon, si tu écoutes du Rorcal, ce n'est pas pour l'histoire, c'est surtout pour te prendre une grande claque dans la gueule. Et de ce côté-là, pas de souci, Rorcal fait du sale. Double pédale en mode black pour déboiser, guitares à fleurs de peau pour abraser et chant hurlé pour finir de saturer l'air ambiant, certes, parfois, ça se calme mais la tension ne redescend jamais. Jamais. À tel point qu'écouter l'album en entier d'une seule traite demande un certain effort physique, il faut en effet résister à la tentation de tout arrêter pour pouvoir respirer et laisser ses conduits auditifs récupérer un peu en leur offrant du silence. Mais la Muladona n'est pas forcément de cet avis et il faut éviter de la contrarier...

Rorcal / Chronique Split > Process of Guilt | Rorcal

Rorcal | Process of Guilt Pour aller du Portugal en Suisse, il faut traverser au moins deux grosses chaînes de montagnes, pas étonnant donc de les voir dans le décor de ce split réunissant les fleurons post-hardcore de ces deux contrées... L'une est un asile pour protestants, l'autre est un bastion du catholicisme, là encore, trouver une bande de scouts en pleine cérémonie religieuse n'étonnera personne. Mettre de la couleur dans l'artwork ? Impensable ! Voilà donc à quoi ressemble graphiquement le split Process of Guilt | Rorcal, les aveugles me remercient, les autres me diront qu'ils avaient bien vu et remarqué combien ça claquait.

Les deux groupes ont mis toute leur noirceur dans un triptyque, "Liar : movement" en 3 parties pour Process of Guilt et la suite "IX", "X" et "XI" pour Rorcal qui a pour charge d'ouvrir les hostilités et nous rappelle très rapidement à leurs bons souvenirs, un petit souffle sourd, prends ta respiration et ... bienvenue chez l'équarrisseur, les Suisses sont en mode destruction totale de tout silence et envoie du riff, du growl et de la rythmique insensée sans discontinuer. Une boucherie chevaline de premier ordre avec une viande musculeuse ornée quelques bouts bien gras, "c'est persilé ma bonne dame", paye ton steak et prends également une escalope pour soigner l'oeil au beurre noir qui ne va pas tarder à apparaître après une telle mandale. D'ailleurs, les yeux vont par deux (toutes mes excuses auprès des non-voyants qui liraient cette chronique en braille), voilà "X" pour ne pas faire de jaloux. Et par la même occasion, prouver que ça pouvait aller encore plus vite. "XI" nous assomme avec davantage de lourdeur malgré un tempo toujours loin de la vitesse autorisée, attention, ça sent le retrait de permis direct ! La seule remarque un peu désobligeante qu'on pourrait faire à Rorcal, c'est que ce n'est vraiment pas sympa d'avoir mis la barre aussi haute pour les Process of Guilt qui doivent succéder à cet ouragan de décibels. Pas très fair-play sur ce coup-là...

Avec ses armes, Process of Guilt prend la relève et répond, ce même souffle sourd repasse dans nos oreilles, un larsen l'embellit, une petite phrase hurlée, les Portugais se mettent en place bien plus calmement. Posant l'ambiance peu à peu, leur post-hardcore ne se joue pas au même rythme mais n'en est pas moins pesant et oppressant. En gros, malgré un premier titre presque deux fois plus long, les Ibères envoient deux fois moins de riffs que les Helvètes... La légendaire lenteur suisse en prend donc un sacré coup. Les trois "Liar : movement" s'enchaînent comme s'ils ne faisaient qu'un (le larsen étant un très bon liant), le mensonge est un peu plus dynamique en son coeur avant de lentement mourir telle une bête agonisante dans sa partie finale...

Sur deux registres différents, Rorcal et Process of Guilt abattent les frontières et donnent une belle image de l'Europe post-hardcore qui n'a pas forcément besoin d'accords pour coopérer dans le bon sens, la preuve, ils se sont mis à huit pour sortir ce split, félicitations et merci donc à Cal of Ror Records, Bleak Recordings, Lost Pilgrims Records, Wolves and Vibrancy Records, GPS Prod, Chaosphere Recordings, Nooirax Producciones et Labyrinth Productions.

Rorcal / Chronique LP > Heliogabalus

Rorcal - Heliogabalus Enfer et damnation ils ont osé... Les Suisses de Rorcal dévoilent, après une poignée d'efforts tous plus intenses les uns que les autres, Heliogabalus, un album-concept dépassant la barre des soixante-dix minutes d'un doomcore oppressif et jusque-boutiste, un disque segmenté en quelques 66 pistes (évidemment) et emporté par des riffs d'une lourdeur monumentale, possédés par le malin et porteurs d'une densité sonore déraisonnable. Le mal absolu semble avoir enveloppé le studio et s'être emparé de l'esprit, malade de ses géniteurs, pour accoucher d'une œuvre à nulle autre pareille, catharsis malsaine aux tourments insondables autant que véritable chef-d'œuvre obscur à la noirceur anxiogène. Narrant sur plus d'une heure la décadence de l'Empire romain, cet Heliogabalus est dans les faits le théâtre d'un chaos émotionnel hallucinant, une interminable descente aux enfers dans laquelle on hésite parfois à s'immerger, de peur de ne pas en ressortir indemne. Car affronter la bête, c'est aussi se plonger sans aucun filet de sécurité au cœur des abîmes, dans l'antre d'une créature affamée : ce Rorcal poussé ici dans ses retranchements, décidé à balayer ses propres limites jusqu'aux frontières de la raison. Ultime et abyssal. Doom, drone, post-hardcore, black-metal de par ses atmosphères, complètement déviant par l'effet recherché (et obtenu), l'album s'abandonne dans les tréfonds de l'âme, en explore les recoins les plus inavouables pour en saisir l'essence, déversant au passage des litres de haine saturée directement sur ce qu'il nous reste encore de neurones après le passage des doomsters suisses. Des drones maléfiques qui encerclent l'auditeur, remontant son échine jusqu'à prendre possession de son cortex cérébral, une batterie sentencieuse, un maelström auditif infernal suturé par un "chant" tout en hurlements corrosifs, le cinq majeur helvétique livre ici son album le plus abouti, effrayant et diabolique... Une éclosion de rage, nihiliste et viscérale, déflagratrice et sans la moindre concession. HARD.

NB : packagé dans un digisleeve A6, agrémenté d'un booklet et cacheté à la cire, Heliogabalus, par ailleurs numéro à la main, est également en écoute et téléchargement libre via le lien ci-dessous. Doom it Yourself.

[ch] Download Heliogabalus (278 hits)  External  ]

Rorcal / Chronique LP > Monochrome

Rorcal : Monochrome Rorcal ne fait décidément pas les choses comme tout le monde... Alors que le groupe n'a qu'un EP sous le bras (l'album Myrra, mordvynn, marayaa n'était pas encore finalisé) et vient de partager sa douce folie avec les Kehlvin (Ascension), ils se lancent dans un autre projet dément : Monochrome ou comment allier vidéo, musique et internet. Pour se faire, les Rorcal ont su bien s'entourer intégrant à la création des titres leurs amis Aller (guitariste de Equus), Michael (saxophoniste) et Sydney (chanteuse) et pour l'aspect visuel demandant à Laurent Cupelin de filmer des atmosphères monochromatiques... Ou en tout cas, en noir et blanc pour une bonne partie du court métrage qui n'utilise que la musique du combo/collectif en fond sonore, une vidéo accessible sur internet via un code gravé sur le boitier transparent du CD. A l'image de la musique, ça commence assez calmement par une balade en barque sur un lac avant de s'énerver un tout petit peu (mais moins que la bande son) dans une voiture traversant la nuit suisse... Si on n'entrevoit la lumiere qu'à la fin du film, Monochrome l'album est lui lumineux de bout en bout...
Un seul morceau pour une demie heure de rêve, ou de cauchemar, entre montée post-rock (onirique) et rugueuse descente aux enfers post-hardcore (pour la terreur nocturne), Monochrome est loin d'être d'une seule couleur. Tour à tour, on vit à travers l'éclatante pureté (la voix de Sydney, les douces guitares...) et dans la pénombre (la voix de Junior, les attaques de la distorsion...), le rythme reste souvent posé mais sait se faire léger ou lourd selon le moment et donc l'ambiance. Après ce qui s'apparente une introduction délicieuse, la tension monte quand le saxophone lance ses premières plaintes, bientôt rejoint par cette voix masculine et des guitares puissantes, à la quiétude succède la tension. Rorcal s'amuse ensuite à nous chahuter d'un état à l'autre, ouvrant ou repliant sa musique sur un monde angoissé.
Oeuvre complètement à part, Monochrome ne pourra que ravir les amateurs de Rorcal, si tu en fais partie, dépêche-toi, il n'en reste que quelques uns de disponibles...

Rorcal / Chronique LP > Myrra, mordvynn, marayaa

Rorcal - Myrra, mordvynn, marayaa Rorcal, l'image renvoie à la famille des balénoptères, (d'ailleurs, le terme est directement emprunté au "røyrkval" des langues scandinaves), la musique elle, semble directement immergée dans les profondeurs abyssales des failles océaniques. Voyage à travers les mers, l'oeuvre de la formation suisse est une véritable épopée explorant les mondes sous-marins et son bestiaire empruntant à l'imaginaire collectif. Dans un autre genre, Mastodon avait clairement identifié cette imagerie, ici Rorcal la joue plus en finesse... sur le papier tout du moins. Car musicalement, le quintet genevois impressionne par la lourdeur de son propos dès les premières secondes du premier morceau de Myrra, mordvynn, marayaa. L'"Aurore" s'élève du Chaos, une lumière tente de percer les ténèbres et Rorcal assène ses coups, dans un tempo relativement lent mais avec une régularité telle qu'il est quasi impossible de reprendre son souffle. Les deux genoux à terre, on se prend quelques 10 minutes d'une ode à la sauvagerie doom/post-hardcore implacable et sans concession.
Guitares lancinantes, bloc métallique que rien ne peut entamer, des atmosphères oppressantes à la noirceur indicible, le temps des deux premières pistes de l'album, Rorcal sème la destruction partout où il passe. Les territoires musicaux explorés par le groupe, affiliés au mouvement post-hardcore, ont beau avoir longtemps été défrichés par de nombreux et prestigieux prédécesseurs (d'Isis à AmenRa en passant par Cult of Luna, Dirge, Rinoa, ou leurs compatriotes de d'Art of Falling et Kehlvin, avec lesquels ils ont partagé le split Ascension), les Genevois parviennent à imprimer leur marque via des compositions aux saturations infernales et songwriting marqué par la haine. Viscérale, la première partie de l'album ne laisse rien au hasard. On passe ainsi du post-hardcore/doom chaotique au (post)-rock minimaliste (qui aurait presque pu trouver un écho chez les écossais de Mogwai) et qui semble s'éteindre lentement, laissant encore derrière lui les débris des enceintes mises en pièces par l'ouragan suisse. L'interlude "As doubt grew from her soul" prolongeant l'arrêt contemplatif sur les ruines encore fumantes des panoramas autrefois idylliques, mais définitivement ravagés par la puissance des déferlantes métalliques.
Après le calme, voici la deuxième vague et une nouvelle tornade musicale qui s'abat sur les rares survivants du cyclone helvétique au travers de "Norys" et "Dysrethmia". Morceaux fleuves, riffs postcore abrasifs, un sens aigu de la "mélodie" corrosive noyée dans des océans de doom angoissant, les Suisses développent des compositions de haute volée, à la violence abrupte nous lacérant les tympans et qui, bien qu'entre-coupés d'interludes déviants ou plus lénifiants, nous laisse avec le sentiment d'avoir traversé le royaume de Poséidon pour que notre route se termine aux portes de l'antre d'Hadès. Il était écrit que Rorcal ne sacrifierait pas à l'intensité dramatique de sa musique pour aérer son album, d'où l'intérêt des interludes qui permettent de scinder Myrra, mordvynn, marayaa en chapitres, sinon actes d'une seule et même tragédie musicale dont le noeud de l'intrigue se dévoile devant nous. Un chant qui éructe sa rage brute et latente, des éléments instrumentaux splanchniques et une puissance paroxystique qui nous poussent aux limites de la démence ("Ether). La tranquilité de l'âme vue par Démocrite et érigée au rang de précepte par les philosophes stoïciens, semble être ici de mise sur le presque ironique "Ataraxia", sauf qu'après une minute trente de petite douceur mélodique, Rorcal s'embarque pour un véritable grand huit musical qui entre crescendo efflorescents et decrescendo raffinés défraient la chronique d'un album qui, tant en termes de formats que de violence, s'impose comme une oeuvre d'une intensité telle qu'elle en deviendrait par instants presque inhumaine...

Rorcal / Chronique Split > Ascension

kehlvin_rorcal_ascension.jpg Deux batteries ,deux basses, quatre guitares et deux hurleurs préposés au chant histoire d'en mettre plein les cages à miel, c'est le casting de ce split réunissant Kehlvin et Rorcal, deux des plus beaux fleurons de la scène post-hardcore sludge helvétique réunis par le label Division Records sur Ascension. Le concept ? Enfermer la dizaine de musiciens dans un même studio pendant 4 jours pour composer et enregistrer d'un bloc un seul et unique titre au format hors norme. Digipack classe, artwork élégant et musicalement... un morceau de quelques vingt-huit minutes et cinquante et une seconde d'une déflagration métallique et orageuse hors norme, l'"Ascension" du titre.
Et d'entrée de jeu, les duo de groupes suisses prend d'assaut nos conduits auditifs. Première vague : deux minutes et quelques poussières d'une saturation oppressante qui grimpe lentement le long de notre colonne vertébrale avant que la machine ne se mette définitivement en ordre de bataille. Deuxième vague, les guitares viennent nous terrasser de leur lourdeur écrasante, ce n'est pas Kehlvin d'un côté et Rorcal de l'autre, mais la fusion transversale des deux qui après avoir décidé de s'accoupler sauvagement, enfantent d'une créature hybride à la force de frappe démente. Dantesque, le "groupe", nous offre, quelques dix minutes durant, un véritable monument de sauvagerie brute. Une "Ascension" ? Plutôt une descente en rappel dans les profondeurs du royaume d'Hadès. Après la déferlante métallique post-hardcore, les deux formations relâchent progressivement la tension. Avec Kehlvin et Rorcal, la lumière a beau percer les nuages les plus menaçants, on n'est jamais à l'abri d'un retour de flamme, d'un éclair de rage éruptive. Ici, les deux groupes ont juste cherché à aérer un peu le morceau, lui offrant une bouffée d'oxygène bienvenue pour s'envoler quelques minutes vers des horizons post-rock célestes et découvrir des panoramas musicaux idylliques qui rompent complètement avec le chaos précédent... et imminent. Car l'accalmie de façade est de courte durée. Les guitares vont de nouveaux verser de la lave en fusion dans les amplis, les riffs, post-metal aux fulgurances prog, gagnent progressivement en densité sonore. Crescendo implacable avant l'inexorable explosion de démence psychotique. Des univers musicaux qui s'entrechoquent, des influences qui s'imbriquent naturellement, entre Neurosis, GY!BE, Knut et Pink Floyd, les suisses livrent une pièce d'orfèvrerie doom/post-hardcore aux ambiances malsaines et sursaturées.
Un final apocalyptique, où la férocité des deux chanteurs semblent entrer en conflit avec l'âpreté des guitares, pour mieux sublimer les ultimes secondes de cet Ascension, sombre, tempétueux, tourmenté et schizophrénique. Kehlvin, Rorcal : deux groupes, deux visions d'un même style musical et un seul objectif commun. La transcendance et le dépassement des frontières habituelles du concept que suppose l'idée d'un split CD. Une volonté de surpasser en commun ce que chacun aurait pu produire en commun. Un désir d'aboutissement artistique qui pousse à une profonde remise en question de sa manière de composer, de jouer, d'expérimenter afin de se contraindre soi-même à aller toujours plus loin. Tel est l'esprit dans lequel a été confectionné cet Ascension. Un split qui ne ménage pas ses efforts pour faire naître dans la douleur des émotions violentes, libératrice et d'une rare intensité. Salvateur.