Psykup au Maroc ... dans l'attente de jouer Psykup au Maroc ... dans l'attente de jouer Départ Jeudi 19 juin 13h. Ce qu'il y a de bien avec les companies low-cost, c'est qu'on n'est pas sûr de partir à l'heure. Là, c'est le cas, et bien comme il faut. 3 heures de retard. Bam. C'est con, Vidda avait déjà commencé à mixer alcool et anxiolytiques afin de ne pas trop être conscient durant le vol, pour ne plus être pris par sa phobie maladive des avions. Sa peur panique est inversement proportionnelle à la taille minuscule de la place laissée aux jambes dans ce genre d'avion. Du coup, il faut maintenir le taux d'alcoolémie pour continuer à ne pas trop être conscient. Tâche ardue. Les enfants, ne faites pas ça chez vous. Nous arrivons donc au Maroc avec pas mal d'heures de retard. Dès la vue des premiers palmiers, tout est oublié.

Il est toujours amusant pour un groupe, pour la première fois, de ne pas prendre un van, un camion ou une voiture, pour aller jouer, mais bien de prendre un avion. Les paysages vastes, arides et rugueux du Maroc nous confortent dans l'idée qu'il y a bien une mer entre nous et que nous ne sommes pas sur le même continent. Arrivés sur le site du festival, les repères occidentaux reviennent vite. Outre le fait que le festival est quasiment entièrement financé par Nokia, les vieilles couleurs rouge et blanche de Coca-Cola habillent entièrement le site, des tables au parasol, en passant par les chaises. Nous sommes au Maroc. En fait, nous sommes juste sur Terre. Et le plus Marocain des Marocains boit la même chose que le plus Français des Français.
En revanche, le plus Marocain des Marocains n'écoute pas du métal facilement. Medhi, notre correspondant local attitré, nous informe du regard réprobateur que porte sur lui la majorité de la population. Et oui. Medhi porte des T-Shirts noirs, à l'effigie de Metallica ou de Machine Head, des tatouages, des piercings. Le métal est en lui. Mais il est très difficile pour un Marocain d'assumer de tels goûts musicaux. Une bonne partie de la société marocaine est restée figée sur l'image d'Epinal du métal qui incite à brûler des lieux religieux, à tuer des animaux, à ne pas dire merci à la madame... Si une partie du métal actuel, la plus risible et la plus grand-guignolesque, donne encore là-dedans, à grand coups de provocations, de looks toujours plus putassiers et de musiques plus ou moins extrêmes, la majorité du métal actuel, marocain, français ou slovène, se veut ouvert, tolérant, et réfléchi. La violence inhérente au style de musique n'est en rien contradictoire avec cette position moderne.
Le jour du festival, nous sentons à quel point nous sommes un jour J, dans un pays P, pour un festival F. Le public a en effet très peu de concerts rock et assimilés à se mettre sous la dent durant l'année. Le Festival L'Boulevard devient alors un lieu de libération corporelle et culturelle. Dans le public, les accoutrements les plus originaux et les plus extrêmes sont de mises. Les filles vont se changer aux toilettes pour s'afficher "à l'occidentale", voire à la "très très occidentale" ! Les garçons ont sorti les colliers à clous, les mèches, les T-Shirts qui vont bien, et se lancent dans des pogos plus que virils ! On sent la tension accumulée qui doit éclater ce jour-là, à grands coups de moshpits et de rites initiatiques Iron maidenesques. On est même impressionné de la fougue de certains gamins, qui viennent plus là pour se mettre gentiment sur le nez avec des inconnus, plutôt que pour écouter de la musique.
Psykup au Maroc Psykup au Maroc L'après-midi est régulé par les prestations des groupes marocains, d'un bon niveau pour la plupart, bien que immensément pétri d'influences américaines très prégnantes, souvent. Certains tirent leur épingle du jeu en ajoutant des touches plus personnelles. Je retiendrais Chemical Bliss, dans un registre frais et fusionnant, ZWM dans un registre punk et diablement mélodique, et LazyWall dans un registre plus atmosphérique et moderne, avec notamment une voix remarquable. C'est amusant d'être vu comme la tête d'affiche internationale. Nous allons jouer juste avant The Exploited. Les mêmes punks que j'écoutais quand j'avais 15 ans ! "I believe in anarchy" ! Les mêmes que nous craignions d'aller voir en concert avec les Psykup, de peur de rencontrer des loubards, des voyous, des gredins... bref, des vrais punks qui rigolent pas ! Ces derniers nous gratifieront en tout cas de nostalgiques "Beat the bastards" sympathiques !

En arrivant sur scène, un sentiment massif s'impose. Si nous sautons, 10 000 personnes sautent. Si je tends le micro, 10 000 personnes crient. J'exagère à peine, tant on sent l'émulation collective en bas. Et l'on ne s'y trompe pas. Dès les premières notes de "Color me blood red", c'est l'effusion ! Elle ne s'arrêtera finalement qu'à la fin du concert. On fut même surpris de voir cette foule marocaine reprendre avec nous le début de "Love is dead" ! Quel bonheur de voir tant de gens, si loin de sa maison, avec tant d'eau salée qui nous sépare, tant de gens chanter des paroles qu'on écrivit jadis sur un coin de table dans un appartement toulousain. On remercie ici MySpace et son universalité, qui, toute polémique mise à part, a ce soir là permis à des gens de s'unir. Autour d'une chanson. Autour d'un son. Le notre. Celui de Psykup.