Gueules noires pour déflagration (post)hardcore rock/punk de premier choix. Dans la langue de Shakespeare à défaut de celle de Voltaire (et l'on comprend vite pourquoi), Black mouths n'y va pas par quatre chemins lorsqu'il s'agit de vomir cette rage brute d'écorché vif qui transcende littéralement les membres du groupe se cachant derrière cet album inaugural à l'incandescence charbonneuse. "The truth", introduction qui n'en est pas du tout une, met l'album sur les rails d'une réussite artistique incontestable en même temps que l'auditeur sur les rotules. Un premier uppercut sonore signé The Prestige et déjà, l'implacable mécanique fait des ravages dans la tuyauterie. Oublié A series of catastrophes and consequences, un pourtant excellent EP conçu pour se faire bruyamment la main, cette fois c'est très sérieux et les parisiens ne boxent plus du tout dans la même catégorie.
Gueules noires aboyant des harangues hardcore guerrières à l'esprit punk et à la puissance déflagratrice métallique, les parisiens assènent un "Burning down Vegas" en forme de torpille sonique qui transperce l'auditeur de part en part. Une précision rock au laser, des plans outrageusement fougueux domptés par une technique chirurgicale et une sortie de morceau tout en élégance groovy, The Prestige enfonce le clou. Tout en maîtrise ardente ("Ballroom") et intensité enflammée ("Crane flies"). Rayon prod', c'est du cinq étoiles signé Guyom Pavesi (déjà aux manettes, bien que dans un autre style, de The Locomotive Sound Corporation et producteur du futur album de Checkmate), assisté par Amaury Sauvé (As We Draw, Birds in Row, Comity) ; et cette quasi perfection technique donne tout le relief aux passages foncièrement salvateurs comme aux épisodes les plus épurés de l'album (notamment à "Pluie" et ses atmosphères dark-folk ombrageuses ou "A thousand trees in my closet") voire au grand huit émotionnel que propose l'excellent "Backward".
Gueules noires pour une musique qui s'essaie à quelques passages plus post-rock/hardcore sans pour autant verser dans la facilité ou la prise de risques inconsidérés. L'équilibre est ici trouvé entre l'immédiateté spontanée du hardcore/punk/rock et le calcul post-rock/core à la métrique qui ne doit rien au hasard ("The never ending end"). Entre-temps, The Prestige n'oublie donc pas de varier les tonalités comme les approches, s'offrant quelques purs moments de rockin'hardcore des familles qui envoient sévèrement la sauce ("Forward") façon exutoire made by Converge, The Ghost of a Thousand ou Norma Jean pour les influences même éloignées (on pense également à Every Time I Die et The Carrier aussi). Lesquelles transparaissent de temps à autre sur les huit premiers morceaux de Black mouths, comme les deux derniers, sans pour autant trahir ce qui fait la "griffe" plutôt atypique des parisiens : à savoir mêler les backgrounds respectifs de chacun des membres du groupe sans forcément s'enfermer dans des certitudes préconçues et ainsi laisser des ouvertures stylistiques, même si le "genre" abordé est assez clairement établi. Du rock au hardcore, du punk au postcore ou l'inverse dans le désordre, The Prestige fait ce qu'il veut avec une aisance confondante, jusqu'à s'offrir un épilogue mélodique en forme de petite pépite à la classe imparable...
Histoire de nous en mettre littéralement... plein la gueule oui. Mais pas que.
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