Pelican - Forever becoming Sixième album studio pour le quartet de l'Illinois, le troisième depuis qu'il a rejoint les rangs du label Southern Lord (les trois précédents étaient sortis chez Hydrahead), mais le premier depuis le départ de l'un de ses membres fondateurs, Laurent Schroeder-Lebec, remplacé par un certain Dallas Thomas (du groupe The Swan King), même ci-dernier n'a pas pris part à l'écriture du présentement décrypté Forever becoming. Un opus qui était fatalement attendu au tournant, le départ de son guitariste/co-compositeur en chef et donc membre historique, n'étant aucunement anecdotique pour le pilier de la scène post-metal des quinze dernières années. Et cela va se vérifier.

Plusieurs solutions s'offraient alors logiquement au groupe : assumer ce départ opérant un virage à 180°, faire comme si de rien n'était et se prendre probablement un rocher en pleine face, mélanger les deux hypothèses, n'en faire plus qu'une et pousser sa monstrueuse puissance de feu naturelle à son paroxysme, en priant pour que l'ensemble de la structure tienne le coup en terme d'écriture. Ce que le "Terminal" d'ouverture de l'album tend à prouver. La production est extrêmement solide, le groupe, encore en rodage se contente du minimum, mais rien que ça chez Pelican suffit à donner envie de découvrir la suite qui dévoile plus clairement ses intentions avec un "Deny the absolute" de très honorable facture. Ce, même si les américains semblent reproduire un peu mécaniquement des formats, structures et motifs instrumentaux déjà vus et revus chez eux. Toujours efficaces cela dit, mais peut-être un peu léger au vu de qui on a affaire.

Mais le groupe est encore loin de devoir être enterré alors il retourne au charbon, délivre des titres à la dynamique solide et au riffing évidemment imparable ("The tundra", "Immutable dusk"), à défaut d'une créativité sans borne. Un peu condamné au minimum syndical, se reposant essentiellement sur une maîtrise formelle irréprochable (les chicagoans restant d'excellents techniciens), Pelican semble chercher un second souffle créatif et en attendant fait tourner sa mécanique instrumentale (certes d'une rare efficacité) légèrement dans le vide à défaut de pouvoir, pour le moment tout du moins, proposer mieux. Le temps de la cohésion de groupe n'était pas encore arrivé (ou plus là selon de quel point de vue on se pose et le timing de compositions des titres), force est de constater que la formation américaine est un peu rentrée dans le rang ("Threnody", "The cliff"). Et si son mélange de postcore-rock/sludge surpuissant et de métal atmosphérique fonctionne toujours plutôt bien (en témoignent notamment l'intense "Vestiges"), on reste assez éloigné de la qualité entrevue sur l'EP Ataraxia/Taraxis paru en 2012.

Si le constat est assez rude, c'est parce que l'on parle quand même d'un groupe artistiquement un peu en panne sèche, parce que clairement convalescent créativement parlant, un quatuor qui boucle son album sur un "Perpetual dawn" dans la lignée des précédents titres, ni plus ni moins, scellant de fait le sort d'un disque sonnant comme un petit cru pour Pelican, qui restera évidemment à suivre de près dans les années à venir. Parce que nous ne nous leurrons pas : les vrais grands groupes ne meurent jamais.