Pelican - City of echoes Celui là, c'est peu dire qu'on l'attendait de pied ferme. Après un Australasia dantesque et tellurique, un The fire in our throats will beckon the saw massif et majestueux, voici donc City of echoes... le troisième album du groupe, celui pour lequel Pelican aurait enfin l'occasion de fusionner ses deux premiers efforts en un seul, avec la matûrité en plus. Et d'entrée de jeu, "Bliss in concrete" met les choses au clair, la machine rythmique se met en branle avec une précision d'orfèvre et une puissance de feu pour le moins impressionnante. A la manière d'un Tool, post-metal, les chicagoans livrent une véritable démonstration technique qui ne se contente pas d'en mettre plein les tympans, mais parvient également à convaincre par son écriture, pas forcément d'une complexité extrème, mais finement structurée et plutôt inspirée. On assiste alors à un véritable déballage de riffs aussi puissants que ravageurs et de rythmiques qui envoient du gros son. Chirurgical. Après cette mise en jambe solide et burnée, Pelican varie son jeu. Passant d'un metal terrien à un post-rock stratosphérique et vice-versa, le groupe livre une musique à la densité inégalable, profonde, intense et toujours inventive (l'éponyme et brillant "City of echoes"). A ce jeu-là, contrairement à ce que l'on a pu lire ailleurs, City of echoes n'a pas à rougir de ses prédécesseurs. "Spaceship broken", ou "Dead between the walls" font cracher les guitares, sulfureuses, orageuses et toujours aussi incandescentes qu'auparavant, sans jamais se laisser aller à la facilité.
Certes la prod est plus ronde, moins crue et brute de décoffrage que par le passé, mais du coup, la musique du groupe apparaît plus variée que jamais. Si Pelican semble délaisser l'urbain pour se faire le porte-parole de la colère de mère-nature, ce livrant par là-même à une violente diatribe instrumental et tumultueuse dont seuls les formations de la trempe d'un Cult of Luna ont le secret. Les riffs s'entrechoquent, la tension permanente, la collision métallique est imminente, "Lost in the headlights", emballe l'ensemble par quelques envolées lyriques maîtrisées et inspirées, alors que City of echoes s'autorisait une petite respiration post-folk avec le surprenant "Winds with hands". Entre metal instrumental à la maestria technique bluffante et post-rock frissonnant au songwriting racé, les premières secondes de "Far from fields" évoquent les murs de son du premier effort éponyme de Jesu. Mais la suite démontre que les natifs de Chicago ne veulent pas céder à la linéarité trop facile. Poursuivant leur oeuvre en faisant évoluer leur musique vers des horizons post-rock à la Oceansize, celle-ci se fait un temps moins massive et plus tentée par le rock alternatif avant de renouer (on ne se refait pas) vers quelque chose d'extrèmement dense et organique. Car la musique de Pelican est l'évocation naturelle d'un puit musical sans fond et duquel on ne peut s'extraire après en être entré. Si ce nouvel album avait eu jusque là une certaine tendance à délaisser les ambiances pour livrer des morceaux très frontaux, bétonnés et directs, "A delicate sense of balance" vient boucler la boucle en corrigeant le tir. Là où certains n'auront vu que la surface de ce City of echoes en considérant qu'il était seulement moins massif et violent qu'Australasia et The fire in our throats..., donc moins bon, on peut penser que c'est parce que le groupe a cherché à livrer un album différent, plus aéré, cérébral et insaisissable. Sans aucun doute afin de ne pas s'enfermer dans sa propre virtuosité formelle. Classe.