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Ølten / Chronique LP > Ambiance

olten - Ambiance Où sommes-nous ? Des couleurs criardes qu'on ne mettrait pas chez soi, un mobilier épuré, différents objets, sacrée ambiance... Jeu de piste ? Indices volontairement laissés là ? Aucune indication précise, j'enlève le CD blanc de la table, le met dans le lecteur et commence mon enquête.

Par où ? Bonne question. D'abord par ce qui se rapproche de l'humain, à savoir ce sandwich à peine entamé et ce gobelet en plastique, quelqu'un était ici il y a quelques instants mais a disparu, est-ce lui qu'on cherche ? La musique est sourde, je crois distinguer des bruits de pas sans savoir s'ils s'éloignent ou se rapprochent. Qui était là ? Pourquoi ? Pourquoi n'est-il plus là ?

Un salon ? Non. Une salle d'attente ? Peut-être. Cette immonde ligne de chaises en plastique ressemble à un faux banc pour s'asseoir et attendre dans une gare, personne ne mettrait ça chez lui. On attend donc dans cette salle. Le sablier conforte cette hypothèse, il faut faire son temps avant de passer à l'étape suivante. Qui l'a retourné ? Au vu de la quantité de sable, ça fait peu de temps. "Igelkott" s'est énervé comme si la réflexion n'avançait pas assez vite. Il faut de la patience, savoir profiter de chaque instant avant de se délecter de son moment. Chez le médecin ? Ce corps humain qui laisse entrevoir des organes et ses vaisseaux sanguins, c'est bien le genre de trucs qu'on trouve chez le docteur... C'est vrai qu'il y a quelque chose de viscéral dans ce "Raus", un son rampant qui ronge l'intérieur de l'estomac, qui remonte l'œsophage et termine en éructation saturée. Pour autant, pas de trace de magazines de l'an dernier ni d'affiche sur l'hygiène corporelle.

Mais un ballon de basket comme celui qui rebondit sur la caisse claire et les tomes de "Klark" ? Mais Persson pour jouer avec et ce n'est clairement pas le lieu pour. Le riff tourne en boucle, la rythmique et les habillages font le reste, nous hypnotisent, détournent l'attention. Me suis-je trop rapproché de ce pot vide à côté ? Le plafond s'effondre-t-il ? Non, ce n'est que le titre qui se termine de façon sourde.

Un frisson dans le dos avec ce son clair qui introduit "Lied", contrebalancé par des éléments sombres, j'ai besoin d'un peu de confort et le trouve près de ce radiateur démesuré qui monte jusque tout là-haut, c'est tellement plus simple à purger... Utile mais énigmatique comme cet autre bout de plastoc sur la table. Une table carrée, noire, simple, design mais qui ne semble pas solide et jolie. Je suis perdu. Comme au milieu de "Gover" qui fait tomber les repères avant d'envoyer un gros riff. Quand on cherche sans trouver, il faut revenir aux basiques, "Sludge" porte bien son nom, là, on sait de quoi on parle. Avec "Popoutro" aussi même si ce n'est pas vraiment pop et pas vraiment une outro puisqu'il y a encore du monde derrière.

"Pope" qui déploie sa rythmique et ses phrases guitaristiques pour nous ceinturer, à l'image de cette plante envahissante qui chatouille celui qui patiente et semble vouloir quitter son espace. Le débordement, voilà un mot qui colle bien à cette musique qui nous emplit de sentiments jusqu'à un trop plein qui se transforme en gestes incontrôlés comme si elle prenait possession de nos membres. Il me faut revenir à une réalité cartésienne.

En bas à gauche transpire un monde cultivé, oui, le Scrabble est un jeu qui ressemble à une punition pour certains tandis que d'autres s'en délectent (n'hésite pas à défier Ted ou Oli), on trouve aussi différents ouvrages dont le "Bad bonn songbook" un bouquin édité par le café Bad Bonn de Fribourg pour fêter ses 25 ans qui a demandé à quelques bons groupes de présenter leurs chansons de différentes façons. On est donc en Suisse...

Je sais ! Nous sommes chez Ølten, la preuve avec la photo qui sert d'artwork à Mode accroché au mur et avec ce choix si particulier de pochette où le zèbre s'étale comme une tendance manichéenne, partagée entre le noir et le blanc, rayée, hachurée, forcément différent et attachant. Bienvenue.

Publié dans le Mag #36

Ølten / Chronique LP > Mode

olten - mode Tiens, j'ai reçu un truc de world music à base de percus africaines... Ah non, c'est du post-hard-core sludgé quasi instrumental qui tabasse. Parce que si Ølten fait des choix douteux pour ses artworks, les Suisses ne se trompent jamais quand il faut asséner un gros coup de caisse claire ou rajouter un poil de grain à une saturation déjà énorme. A ranger alphabétiquement comme musicalement entre Moanaa (l'énorme découverte de l'année) et Omega Massif, Ølten confirme avec cette heure de musique (un peu moins mais le temps ralentit à l'écoute) tout le bien qu'on pensait d'eux et s'ils n'ont pas un article plus long qu'un "En bref", c'est que les mots (et je l'avoue le temps car on a déjà dépassé la deadline quand j'écris l'article) me manquent pour dire combien c'est beau, puissant, ensorcelant, captivant et réussi à tous les niveaux quoi que le combo fasse. Que ce soit pesant ou plus rapide ("Mamü"), avec ou sans hurlements ("Gloom" qui existe aussi en version instrumentale), intégrant ou non des parties plus douces, ça fonctionne à chaque fois alors ferme les yeux, augmente le volume, respire un grand coup et plonge.

Ølten / Chronique EP > ØLTEN

ØLTEN Nouveau venu au sein de la scène sludge helvétique qui fait mâl(e), Ølten débarque avec un premier EP éponyme composé de quatre titres qui en disent déjà long sur la capacité des Suisses à expédier dans les enceintes une belle dose de gras(titude) sonore qui remue les intestins et marque durablement l'esprit par ses saveurs particulièrement goûtues. Mais également par sa capacité à envoyer des riffs jongler entre puissance et vélocité, groove enfiévré et férocité rampante ("Péplum"). Un condensé de ce que le hard contemporain peut proposer de mieux en la matière, mais mixé à la mode suisse et appuyé par une production aux petits oignons.

On pense à Cult of Luna de par la manière qu'a le groupe de faire progresser sa narration sonore, à Russian Circles pour son amplitude post-metal/rock ("Kàpoé"), à Neurosis pour les passages les plus sauvagement intenses, la noirceur ténue doublée d'une lourdeur sentencieuse ("Tallülar"). A Omega Massif aussi par moments, mais avant tout, Ølten arrive à imposer sa griffe musicale sur des territoires sludge-rock pas si souvent explorés, grâce à cette identité artistique solidement affirmée. Basse ronronnante, riffing aussi musculeux que grésillant, mélodies pratiquant l'abrasion sensorielle comme s'il s'agissait là d'une seconde nature ("Blöm"), le groupe maîtrise son sujet et parfois même tutoie des sommets émotionnels, donnant alors à son EP éponyme tout son sens premier.

Un disque conjointement sorti par LA référence du hard au pays du chocolat et du secret bancaire, le fameux Division Records (ASiDEFROMADAY, Dirge, Rorcal, Unfold) et le label de ses compatriotes de Coilguns qui monte depuis quelques mois, Hummus Records, le premier effort signé Ølten se révèle au fil des écoutes attentives une petite pépite du genre. Un euphémisme sans doute étant donné sa provenance géographique (sorte d'assurance tous risques en termes de hard de qualité supérieure), mais tout de même une première œuvre discographique qui marque déjà durablement les esprits. On attend déjà la suite, quand le groupe devra se réinventer sur une durée adaptée au long-format, en gageant qu'il possède déjà tout ce qu'il faut pour relever le défi haut la main.

PS : la bestiole est en écoute intégrale ci-dessous.

[ch] Ølten: Bandcamp (274 hits)  External  ]