Metal Métal > The Ocean

Biographie > Ocean collective

The Ocean Berlin, an 2000, à l'image de ce qu'avait fait Neurosis avec le collectif Tribes of Neurot, un certain Robin Staps se met en tête de créer un collectif musical lui permettant de développer les synergies qu'il recherche afin de mettre en oeuvre ses idées artistiques. Avec l'arrivée de ses premiers compères, Staps installe un studio d'enregistrement dans une ancienne usine désaffectée, un lieu de création baptisé Oceanland en raison de sa superficie. Plus qu'un collectif, The Ocean devient rapidement une véritable petite communauté, pas moins de 26 musiciens différents ayant participé de près ou de loin au projet. Après deux démo autoproduites (Island/tides en 2001 puis 2nd demo en 2002) et quelques concerts (en live, le line-up évolue entre 5 et 9 membres), The Ocean signe chez un petit label indédent allemand Make My Day Records, chez qui sort en 2003 son premier album studio Fogdiver.
Les échos critiques (qui les comparent à Breach, Isis ou Neurosis) sont plutôt positifs, mais cette première sortie restera relativement confidentielle. Pourtant l'album permet au groupe de se roder en live avant l'entamer la genèse de son deuxième effort Fluxion (2004). L'aura qui entoure le groupe prend rapidement une nouvelle ampleur et désormais, The Ocean n'est plus cet obscur petit collectif sorti de son usine à idées, mais un groupe qui compte sur la scène post-hardcore européenne. En 2005, le collectif a signé chez Metal Blade, ce qui lui assure une exposition toujours plus importante via une promo accrue et le troisième album du groupe voit le jour Aeolian, suivi quelques semaines plus tard par un split CD partagé avec les suédois de Burst. Deux plus tard, alors qu'Aeolian est encore dans les mémoires, The Ocean donne naissance à un double album-concept baptisé Precambrian, repoussant une nouvelle fois ses propres limites artistiques.

Review Concert : The Ocean, The Dillinger Escape Show @ Trabendo (sept. 2010)

Interview : The Ocean, A la surface de The Ocean (sept. 2023)

Interview : The Ocean, The Ocean en stereo (février 2016)

Interview : The Ocean, Une plongée au coeur de The Ocean (Mai 2013)

The Ocean / Chronique LP > Holocene

The Ocean-Holocene Brillant, solaire, visionnaire. À l'image de son artwork et de sa déclinaison, Holocene réfléchit et renvoie la lumière au lieu de l'absorber, il irradie ses bonnes ondes et vous regarde au fond de l'âme, transperçant toutes vos défenses sans pour autant recourir tant que ça à la force.

Arrivé à la fin de son cycle, l'holocène étant la période actuelle des ères géologiques, The Ocean clôt une aventure débutée en 2007 avec Precambrian. Un survol temporel de l'évolution de notre planète qui s'achève donc avec des petites bêtes qui font de grosses conneries... Et viennent foutre un bordel climatique à la fin du "Subatlantique", la case de la frise où nous sommes... En gros, c'est la période de l'Histoire, des débuts de l'écriture à aujourd'hui même si le découpage se fait en fonction de changements naturels et sont sujets à débat (les défenseurs du Méghalayen voyant un changement notable plus précoce par exemple), des 5.000 années précédentes, on se concentre davantage sur les toutes dernières, celles qui ne laissent que peu d'espoir et rendent le titre "Subatlantique" si lourd et inquiétant. Avant ce déluge de riffs, on traverse des compositions plus posées, certaines échappant au découpage scientifique pour présenter un ton plus ésotérique ("See of reeds" est à la fois une référence biblique et une plage ouverte sur une mer de tranquillité) ou un "duo" envoûtant ("Unconformities" voyant la délicieuse voix de Karin Park (chanteuse d'Årabrot) illuminer le morceau avant qu'il ne sombre dans un maelstrom métallique). Si le cadre remonte à loin ("Preboreal" correspond à peu près au Mésolithique et donc à la sédentarisation de l'Homme), les thèmes abordés par Robin Staps concernent davantage les réseaux sociaux, les clivages, la biomédecine, l'environnement, la nécessité pour certains de faire le show (cher à Guy Debord dont on trouve de nombreuses citations dans le livret) que l'invention de la notion de "maison". Un monde actuel pour une musique qui l'est tout autant, se nourrissant de l'électronique ou du trip hop pour métamorphoser un post-metal en un monstre de sensations (si "Boreal" est excellent, que dire de "Parabiosis" qui est peut-être le morceau le plus trippant jamais composé par The Ocean !).

En intégrant de nouvelles influences, en travaillant sur de nouvelles sonorités, en adoucissant la tonalité générale, The Ocean propose une musique plus prog que core sans oublier ses racines, on s'éloigne de la famille Cult Of Luna pour se rapprocher de celles de Tool ou Porcupine Tree, une mue totalement réussie tant on reste scotché à leur musique.

Publié dans le Mag #57

The Ocean / Chronique DVD > Phanerozoic live

The Ocean - Phanerozoic live En 2018 et 2020, après avoir exploré les profondeurs sous-marines, The Ocean nous faisait voyager à travers le temps, depuis l'ère primaire jusqu'à aujourd'hui (une sorte de suite de Precambrian sorti en 2007), le tout en deux albums intitulés Phanerozoic, soit la période où la vie existe sur Terre (mais aussi une période qui connaît des extinctions massives). Si le premier volet a pu connaître les joies du live, le second a subi le confinement et a empêché le collectif de faire vivre ses émotions en live. Comme d'autres, ils ont alors décidé de faire des concerts sans public retransmis sur Internet. C'est donc derrière 1500 écrans qu'ils ont joué l'intégralité de Palaeozoic (en direct de Brème le 25 mars) puis quelques jours plus tard, ils ont récidivé devant bien d'autres avec l'intégralité de Mesozoic | Cenozoic dans le cadre du Roadburn Redux. Ce sont ces deux performances qui sont désormais gravées sur CD, vinyle (déjà sold out) et DVD. La version digipak (double CD + DVD) est une pure merveille, à part quelques artistes comme Tool, rares sont ceux qui proposent un tel emballage. La technique a certainement un nom (que je ne connais pas) mais le résultat est somptueux, on devine une photo du groupe en live par le tracé, plus ou moins large, de lignes dorées. Dit comme ça, ça n'a pas l'air classe mais quand tu as l'objet en main, c'est superbe, crois-moi sur parole.

Les deux CDs correspondent aux deux albums, le DVD regroupe les deux concerts filmés. Dans tous les cas, la qualité est quasi celle du studio tant le son est impeccable, les musiciens ne sont pas des débutants et maîtrisent leur art, ils donnent une nouvelle dimension à leurs titres qui méritent ô combien d'être vécus en live. Sur la scène du "Pier 2" de Brème, les cameramen se promènent entre les membres du collectif et les éclairages, le parterre est vide mais chacun se donne comme s'il jouait sa vie. Le light show travaille la bichromie (noir et blanc, noir et bleu, noir et rouge...) et ne met jamais en pleines lumières les protagonistes. Jonas Renkse (Katatonia) n'est pas là mais "Devonian : Nascent" reste sublime et on profite de titres peu joués en live sur la tournée avant-Covid qui donnait de la place à des morceaux de Pelagial. Le cadre et l'ambiance lumineuse sont assez différents pour le concert du Roadburn, des lampes à filaments illuminent les visages et les instruments, les gars jouent les uns en face des autres comme s'ils étaient en mode "répétition", le sentiment de proximité remplace la puissance dégagée par la grande scène de Brème, c'est une autre atmosphère, elle colle bien aux titres (quel plaisir ce "Triassic") qui sont séparés par une animation de l'artwork, on n'est donc pas vraiment "en concert" quand bien même c'est du live.

Ce Phanerozoic live permet de rattraper le temps perdu, le confinement n'a pas que des effets négatifs car sans lui, The Ocean n'aurait peut-être pas pensé à sortir des lives aussi travaillés. Pour autant, on préfère vivre avec les concerts et les DVDs ! Le collectif a d'ailleurs un programme chargé pour 2022...

Publié dans le Mag #50

The Ocean / Chronique Split > Transcendental

The Ocean-Mono-Transcendental Quand The Ocean et Mono partagent un split, on embarque dans un trip où l'innocente délicatesse est sans cesse menacée par des ombres qui gagnent progressivement du terrain. Pour les deux groupes, le combat entre l'ombre et la lumière est un leitmotiv : des accords plus gras et une rythmique plus sourde pour le collectif qui livre "The quiet observer", des distorsions échevelées et un tempo davantage appuyé pour les Japonais qui offrent "Death in reverse", mais au final, la sensation que le calme revient toujours après la tempête. Les combos qui ont tourné ensemble à l'automne à travers l'Europe (avec également Solstafir qu'on aurait aimé voir sur ce split...) ont beaucoup en commun dans leur approche de la musique, depuis les constructions alambiquées estampillables "post" jusqu'à la capacité à retenir au maximum une débauche d'énergie qui finit, toujours, par éclater pour le plus grand plaisir de nos sens. Un régal pour les oreilles qui ouvrira peut-être les portes du post-HardCore aux fans de post-rock à moins que ce ne soit l'inverse. Maintenant, on a hâte d'écouter d'autres titres alors au boulot les gars !

The Ocean / Chronique LP > Pelagial

The Ocean - Pelagial Sorte de "faux" double album paru en versions instrumentale+vocale CD Deluxe et Boxset CD+DVD ou LP+DVD limitée méga Deluxe via Metal Blade et Pelagic Records, Pelagial, le nouvel album de The Ocean s'offre dès les premières secondes, une plongée en apnée dans les profondeurs de l'océan (jusque là tout est normal), mais également, de l'âme humaine. Une sublime intro néo-classique au piano, bercée par des samples océaniques (logique), la mise en abîme est d'une beauté rare et laisse augurer de très belles choses à réserver dans la suite de l'album.

Laquelle confirme tout le bien que l'on commençait à penser de ce Pelagial avec un "Mesopelagic: into the uncanny" qui mélange habilement post-metal, math-rock et post-rock avec un mélange de douceur et de dynamique particulièrement soutenue, preuve que le groupe reste encore sur la surface, mais avec classe. Et surtout ne va plus tarder à plonger la tête la première.
Le triptyque "Bathyalpelagic" emmène l'auditeur explorer un peu plus les abysses de Pelagial en trois étapes : "I : impasses", "II : the wish in dreams" et "III : disequillibrated", autant de stades de décompression émotionnelle lui permettant d'appréhender un peu mieux la descente instrumentale qui, petit bémol, se révèle parfois un peu trop démonstrative. Ou alors est-ce l'absence de chant ? On y revient. Et alors que l'on se pose la question, le groupe monte en pression pour donner dans un post-metal prog' de haute volée sublimant son odyssée sous-marine. Techniquement irréprochable, l'album tourne à la démonstration de maestria formelle, mais n'oublie pas de raconter une histoire. Celle d'une visite guidée des profondeurs de l'océan depuis la surface jusqu'à ses failles et crevasses les plus inexplorées, inaccessibles. Le tout rythmé par des variations de rythmes et d'atmosphères, apaisées ou plus ombrageuses, The Ocean se laissant guider par l'inspiration de l'instant, plutôt que par la linéarité potentielle de son concept ("Boundless vasts","Cognitive dissonance", "The origin of our wishes"...).

Pour un résultat qui instille par instants des émotions d'une beauté ineffable (le sublime "Signals of anxiety", "Let them believe") renvoyant ainsi à la question existentielle agitant l'auditeur depuis que celui-ci a posé l'album, dans sa version instrumentale, sur la platine. Est-ce mieux avec ou sans chant ? Les deux serait-on tenté de dire. Car sa présence offre une coloration différente à Pelagial : elle accentue cette violence un peu moins contenue dans laquelle baigne l'album et provoque de jolies ruptures avec les passages post-math-rock assez éloignés des poussées de fièvres post-metal/sludge et progressives qui font (en partie) la marque de fabrique du groupe. La version vocale explore ainsi un peu plus les profondeurs que sa consœur exclusivement instrumentale, laquelle reste plus dans l'"audiolisation" du concept de The Ocean sur ce Pelagial. Comme s'il s'était agit d'intellectualiser le propos du groupe avant de le laisser s'exprimer avec les tripes. L'esprit [vs] le cœur, l'âme... lesquels s'entremêlent pour parvenir à une œuvre bicéphale mais ô combien maîtrisée. Classe.

The Ocean / Chronique LP > Fluxion

The Ocean - Fluxion [Réédition] Flashback : nous sommes en 2004, The Ocean a sorti l'année précédente Fogdiver et s'apprête à marquer son premier vrai coup de Trafalgar sur la scène postcore européenne. Son titre : Fluxion. Cinq et demi plus tard, les albums Aeolian puis Precambrian ont installé le groupe tout en haut de la hiérarchie des formations qui comptent sur le vieux continent et Pelagic Records, le label de Robin Staps (de The Ocean justement) décide de rééditer Fluxion. Mode relifting complet on : remastering, nouveau mixage, les parties de chants réenregistrées, nouvel artwork et livret très classe, cette réédition fait les choses en grand et pour une fois dans l'histoire des re-sorties de disques, mérite amplement le simple fait que l'on s'y attarde. En clair, c'est là l'occasion idéale pour les retardataires de se pencher enfin sur cet album.
On ne va pas réécrire ce qui a été dit partout ailleurs sur cet album... d'autant que les deux camps peuvent ici s'affronter. D'un côté les puristes adeptes de l'œuvre originelle (avec Mike Pilat au chant, lequel a depuis quitté le collectif), de l'autre, ceux qui apprécieront ce Fluxion 2.0 revu et corrigé de manière à le rendre plus homogène avec ses successeurs et sans doute plus en phase avec les ambitions de ses géniteurs. Question de point de vue, de goût et de manière d'appréhender la création sans doute. Quoiqu'il en soit, les collectionneurs seront comblés ne serait-ce que par l'objet, esthétiquement très réussi et de fait parfait écrin pour un album qui fait évidemment bien plus que tenir la route. La preuve dès "Nazca" avec grosse puissance de feu qui met ce Fluxion sur orbite. Guitares acérées, section rythmique mastodonte, nappes progressives et un caractère épique affirmé, ce titre d'ouverture déclenche les hostilités d'entrée de jeu en développant parfaitement les différents éléments du post-hardcore deluxe "made by" The Ocean.
Après cette solide mise en jambe, place au plat de résistance et à des titres de la trempe de "The human stain" ou "Comfort zones". Autant de brûlots postcore haineux trempée dans l'écriture acide d'un Neurosis, ne serait-ce qu'un terme de matraquage agressif et de démembrement auditif systématique, ici assénés sans jamais oublier cet aspect progressif qui fait également la signature du collectif germanique. Le rouleau compresseur fait alors des ravages et le propos, distillé avec un sens aigu de la dramaturgie métallique ne peut décemment laisser de marbre. Les titres s'enchaînent implacablement (l'éponyme "Fluxion", l'ébourriffant "Equinox") et The Ocean ne semble jamais déserrer son emprise. Déversant quelques flots de haine sur les amplis, développant des compositions aux architectures moins figées qu'il n'y parait au première abord, le "groupe" se fait ainsi le chantre d'un postcore organique et salvateur dont l'essence même repose sur son évolution permanente, paradoxalement inscrite dans une ligne directrice précisément définie ("Dead on the whole" et son refrain guerrier, le très beau "Isla del sol"). Entre noirceur palpable et harangue métallique, Fluxion est de ces albums sans concession qui forgent le style d'un groupe, lequel démontrera par la suite l'efficacité et tout l'intérêt de son concept. Un dernier coup de boutoir hardcore avec "The greatest bane" et voici que l'on ressort de cet album avec la furieuse impression d'avoir assisté à la naissance de quelque chose de grand mais avec quelques paires d'années de retard...

The Ocean / Chronique LP > Precambrian


the_ocean_precambrian.jpg Coutumiers du fait, les Allemands de The Ocean jouent avec les concepts et Precambrian ne déroge donc pas à la règle. Ce dernier effort est le fruit de 2 ans de composition et de 6 mois d'enregistrement à Oceanland, le studio du groupe, avec la participation de 26 musiciens et chanteurs. Une organisation digne des voyages Fram doublée d'un véritable casse-tête logistique pour Robin Staps, guitariste et compositeur principal du collectif. Precambrian est en fait un double album (Hadean/Archean et Proterozoic), symbolisant deux sous-périodes géologiques de l'ère du Précambrien, qui court de la naissance de notre chère planète jusqu'à son 4 560 millionième anniversaire. La violence de l'Archéen/Hadéen est magistralement reproduite à travers la froideur de riffs d'influence Meshuggah, de structures polyrythmiques et de chants gutturaux à souhait, à l'image de Hadean qui met en scène Mike Pilat, nouveau chanteur du collectif. Parfois empreint de riffs proches de Mastodon, "Eorchean" prend la suite dans une même veine "métal grandiloquent", alors que les 2'46 de "Paleoachean" offrent un hardcore rapide et efficace. Des guests de choix accompagnent le grondement dinosauresque des guitares puisque Nate Newton de Converge (déjà présent sur Aeolian), Caleb Scofield (Cave In) et Eric Kalsbeek de Textures se sont joints à l'enregistrement, apportant leur charisme à un album qui n'en est pourtant pas dépourvu.
Une évolution biologique plus tard et nous voilà dans l'ère plus calme du Protérozoïque, là aussi génialement mise en musique. Le côté épique du groupe s'affirme plus dans ce deuxième CD, qui débute sur des nappes de saxophone et des arpèges lancinants. Contrairement au premier qui offrait technicité, violence et énergie de tout son long, "Proterozoic" prend le temps d'amener des guitares lourdes sur des tempi lents, d'où une impression de grandeur complètement démente. On comprend vite que ce CD contient plus de "subtilités" que le premier, à l'image de "Ryhacian", qui fait monter la pression sur près de 10 minutes. Moins direct, ce CD cultive une ambiance inquiétante et épique à la faveur de l'entrée en jeu d'instruments tels que le violon ou le xylophone ("Satherian"). Preuve de la polyvalence du collectif, "Ectasian" se frotte au violoncelle et au piano le tout dans une mise en scène très cinématographique, avant que les guitares n'entrent en jeu, mises en valeur par une batterie titanesque et un chant en retrait. Pour mettre un terme à ce deuxième CD, les membres du collectif n'hésitent pas à diffuser des riffs planants orchestrés avec violon ("Stenian"), des mélodies inquiétantes sur fond de guitares monstrueuses ("Tonian") et un piano troublant associé à un duo de violoncelle pour un final inattendu.

The Ocean / Chronique LP > Aeolian


the_ocean_aeolian.jpg Artwork classe, illustrant sans l'ombre d'un doute ce que sera son contenu, The Ocean dévoile en un demi-coup d'oeil l'essentiel d'Aeolian. Soit un album tempétueux et stratosphérique, qui mise sur son postcore ombrageux et organique pour démontrer toute sa qualité d'écriture. Car l'étonnante somme des talents qui sont venus s'ajouter pour participer de près ou de loin à la conception de cet album en forme de pamphlet métallique aurait de quoi faire enrager les dieux du metal. Et eux, depuis leur piédestal, observant d'un oeil averti l'oeuvre de The Ocean ne pourront que s'incliner, dix titres plus tard, devant la démonstration. Il faut dire qu'outre les murs de guitares bâtis à la force du riff pour construire, accord avec accord, un édifice musical à l'architecture majestueuse, les allemands se sont assurés sur Aeolian les participations de vocalistes de premier choix avec rien moins que Tomas Hallborn (Breach), Nate Newton (Converge) et Sean Ingram (Coalesce). Là, c'est du très lourd évidemment, d'autant que le casting d'ailleurs mis à contribution dès "The city in the sea". Un chant tantôt caverneux, tantôt surraigü, une batterie qui matraque les tympans, des plans de guitares fulgurants qui viennent se poser à droite et à gauche, The Ocean en impose d'entrée de jeu. On n'est pas là pour rigoler. Sous hautes pressions atmosphériques, les guitares s'embrasent, la section rythmique passe en mode "total destruction" et la colossale puissance de feu se met en branle. Eprouvant, ravageur, en un mot : dantesque...
Un petit coup de "Dead serious & highly professional" écorché vif et sauvagement death metal, le groupe n'hésitent pas à bousculer les habitudes, appuyant très violemment là où ça faisait déjà mal. Psychotique et exténuant. Aeolian, ce n'est alors plus un album mais une véritable déclaration de guerre, un appel à la folie annihilatrice qui résonne comme un exutoire hardcore schizophrénique. "Austerity" suinte la haine, la rage brute par tous les pores de ses accords, on pressent l'imminence du chaos, son caractère inexorable, alors même que le groupe continue de mitrailler le terrain de ses guitares sulfuriques, éradiquant à coup de lignes de grattes telluriques les dernières poches d'une ultime mais vaine résistance auditive. On pense à Isis pour les crevasses qui s'ouvrent sous nos pieds alors que l'on pénètre dans les entrailles de la Terre, à Meshuggah pour les plans de furie mathcore destructurée et on se prendre des vagues déferlantes post-hardcore aux tendances progressives... Et si la formule magique de l'impressionnante addition de talents sur un même album a pu paraître "facile" à certain, le résultat est là, et ne souffre guère de contestation. Massif, malsain, dissonant, gorgés à la double pédale qui charcute le tout, des titres tels que "Killing the flies", "Swoon" ou "Necrobabes.com" sont de véritables manifestes de violence pure, expurgée de tout sentiment de compassion. "Une saison en enfer" titre le cinquième morceau d'Aeolian, voilà en quatre mots ce qu'est The Ocean, une plongée sans filin dans un univers éruptif et sans concession. Un condensé de violence brute et de férocité indiscible qui nous vrille les tympans et dont on ne ressort pas indemne... Impitoyable.