Nesseria

Biographie > Chaoscore Theory

Né en 2004, Nesseria sort rapidement une première démo puis passe des mois à tourner partout en France et en Europe, prenant le temps de façonner son identité musicale sans concession, celle qui transparaît à l'écoute des morceaux que le groupe place sur différents splits sortis au fil de ses premières années d'existence (avec Cyberne, Fuck the Facts, Grizzly Twister ou Venosa). En 2009, fin prêt à passer à l'étape suivante, celle de l'album long-format, Nesseria signe chez Trendkill Recordings (Celeste, Comity, Tanen...). Au début de l'année suivante, le premier effort éponyme du cinq majeur orléanais voit le jour.

Nesseria / Chronique LP > Cette érosion de nous-mêmes

Nesseria - Cette érosion de nous-mêmes Quoi de mieux que la constance pour évoluer ? Les envies de quiétude, de calme plutôt que de tempête, étaient perceptibles sur Fractures, pour approfondir ces moments, Nesseria a décidé de ne rien changer, continuant de travailler sur sa base solide, à savoir Neb Xort (le clavier d'Anorexia Nervosa mais aussi les enregistrements de Kevorkia, Ultra Vomit, The CNK...) pour la production, Nick Zampiello pour le mastering (Converge, Cave In mais aussi Plebeian Grandstand, No Vale Nada ou Birds In Row) et Alex Eckman-Lawn (Hacride, Clinging To The Trees Of A Forest Fire...) pour le magnifique artwork.

C'est pourtant par la plus brutale des manières que débute Cette érosion de nous-mêmes, aucune seconde de pré-chauffage, pas de petit riff d'intro, pas la moindre chance de voir venir l'assaut frontal de la totalité des membres du groupe en action. Après, ces trois minutes de passage à tabac, on peut penser qu' "On prendra l'habitude" mais non, on ne se fait pas à une telle violence, à un tel déchaînement, à un si grand vomissement de sentiments douloureux. Les premières cassures rythmiques, les premières fêlures guitaristiques, les premiers silences arrivent avec "La chasse aux écureuils", le groupe nous maintient sous pression avec riffs déchirants et une batterie qui enchaîne passage juste pesant et déflagrations mitraillées, c'est dans la maîtrise de ces moments-là que Nesseria excelle, jouant et gagnant sur les deux tableaux ("Dans l'ombre et sans visage" bénéficie lui aussi de variations de tempos surprenantes). C'est sur "Les ruines" que l'on ressent l'évolution la plus notable avec une structure très rock, la basse apporte beaucoup de dynamique et sans le chant éraillé, quelques saturations traînantes et une fin quasi auto-destructrice, on aurait du mal à reconnaître les Orléanais qui ne faisaient que nous préparer à "À l'usure". Un titre au dépouillement acoustique en totale opposition à un chant qui ressemble à un râle, c'est d'ailleurs dans ce morceau que tu peux entendre les mots qui donnent son nom à l'album. Entendre mais pas forcément comprendre, les textes restant très difficilement perceptibles, mieux vaut avoir les paroles sous les yeux pour profiter de la force poétique de certains ("St Petersburg" notamment) et des messages transmis par le groupe, toujours aussi désabusés par notre société (voici un extrait de "Forteresse" : "Sur la fosse amère face à ces corps prostrés, les regards se glacent, les âmes se tassent et la dignité s'efface. La machine à broyer est dépassée. Toute la misère du monde et la pauvreté ordinaire sont mises en concurrence et jamais soulagées."). Des textes hurlés avec la même intension, peu audibles, ils apportent une monotonie et tombent comme la pluie, on finit par ne plus faire attention à ces gouttes pour voir le reste et les qualités d'écriture instrumentales qui sont hors normes ("Pris à la gorge" ou l'instrumental final "Cette érosion de nous-mêmes").

Loin de s'éroder, le talent de Nesseria s'étend à de nouveaux horizons, moins "core" musicalement même si l'agression permanente reste le leitmotiv côté vocal, de "hard", le groupe est devenu "post hard" (core encore) et ce n'est pas sans me réjouir tant je me retrouve davantage dans ce style plus ouvert, plus réfléchi et aussi plus précis.

Publié dans le Mag #31

Nesseria / Chronique LP > Fractures

Nesseria - Fractures Sombre, violent, désespéré et enragé, Nesseria n'en a pas terminé avec nos oreilles, revenant avec Fractures pour nous les faire saigner davantage. Faisant preuve d'une énorme maîtrise dans la volonté de tout transformer en chaos, l'anéantissement de ce qui se dresse devant Nesseria pourrait sembler aisé mais le groupe se donne un malin plaisir à jouer avec ses proies, laissant toujours un peu de répit avant d'en remettre un coup, pas toujours fatal, les magnifiques instrumentaux centraux ("Fractures") et finaux ("Omayra") tout en contraste et en émotions laissant augurer une suite alléchante. Car le travail de destruction ne sera certainement jamais achevé, notre société n'étant pas du genre à se bouger pour changer dans le bon sens, les Nesseria auront toujours quelque chose à hurler et à combattre.

Parce que l'une des pierres angulaires du groupe, ce sont ses messages, distillés en français (et à peu près audibles), ils vont de paire avec la musique : entre constat d'un monde passif (Le soleil se lève quoi qu'il arrive. Que tu te lèves ou pas) où l'économie prévaut sur l'humain (Le salaire minimal, seulement légal, à défaut de pouvoir moins payer. Parce que la machine encore coûte plus cher, mais finira par te remplacer) et dans lequel certains humains n'ont pas développé de nombreuses facultés intellectuelles... Une des plus belles cibles, c'est "Civitas", cette asso catho fondamentaliste qui a défilé pour l'inégalité des droits... Le groupe a joué avec l'hymne et les valeurs pour les attaquer sur leur terrain avec des images à la hauteur de leurs arguments, c'est-à-dire proche du caniveau : Allons enfants de la latrine, le jour des porcs est décidé ! Contre ceux d'une autre vie, l'étendard ranci est levé ! Entendez-vous dans le journal baver les réactionnaires, qui viennent jusque dans les bars vomir leurs arguments minables ? Aux armes. Aux armes ! Je doute que beaucoup d'entres eux n'écoutent ce genre de musique (forcément oeuvre de Belzébuth) et ne recevront le message mais ça fait bien plaisir de le gueuler. Le chant éraillé transmet bien cette énergie rageuse qui se dégage de Fractures mais les écorchures viennent également des variations dans les approches en terme de riffs, on a aussi bien le droit à des moments pas si éloignés du black métal ("Le malheur des autres") que des attaques dignes du plus classique heavy rock'n'roll ("Cent mille fois par jour") et même des mesures assez calmes ("Ceux qui restent"). On a beau être toujours sur le qui-vive, on se fait forcément surprendre les premières fois...

... Et si on vacille, on risque la chute et pourquoi pas des Fractures... Cette amalgame d'envies et d'influences mixée à la noirceur de textes qui appellent à la révolte font de ce nouvel opus de Nesseria une grande réussite. Combiner autant de facettes derrière une étiquette "métal extrême" n'est pas chose facile mais les Orléanais démontrent une nouvelle fois qu'ils sont capables de faire le meilleur avec le pire.

Nesseria / Chronique Split > Clinging to the Trees of a Forest Fire | Nesseria

Clinging To The Trees Of A Forest Fire - Nesseria Quand le grind funéraire des américains de Clinging to the Trees of a Forest Fire rencontre le hardcore/black dément de la plus fine lame de sa catégorie au sein de l'hexagone, j'ai nommé Nesseria, et que le tout est orchestré par le décidément bien joyeux label Throatruiner Records (As We Draw et Birds in Row ou encore Pariso c'était déjà chez cette excellente crèmerie, le tout récent split Bone Dance | Divider | Plebeian Grandstand aussi), alors fatalement, on ne pouvait que s'attendre à quelque chose de hautement subversif... de très salement violent aussi. Et sans surprise de ce côté-là, ça va être le cas. Bienvenue en Enfer.

Parce qu'il faut le savoir, même préparé au choc thermique, le tympans (é)chauffés à blanc de longues minutes durant : ce split fait mal. Très mal. Les américains démarrent les hostilités avec "Opaque" et d'entrée de jeu nous prennent à la gorge. Même s'ils semblent encore en rôdage sur ce premier titre, les Clinging to the Trees of a Forest Fire et leur funeral grind aux relents black metal downtempo font déjà de sacrés dégâts dans la tuyauterie et surtout, préparent le terrain pour "Wrinkled claws". Un modèle de barbarie métallique qui martyrise les écoutilles et fait valoir sa technicité pour mieux annihiler toute tentative de résistance à l'oppression. La guerre. Et derrière : "Lower than life, high as the sky" bombarde au napalm puis "S.I.T.W" finit le travail dans un véritable déferlement de haine, viscérale et de sauvagerie innommable. Comme un défi lancé à ceux qui vont ensuite leur succéder sur la platine, en attendant, les ricains ont fait le job.

Les Nesseria puisque d'eux dont il s'agit répondent aux CTTTOFF par une volée de titres tout aussi brutaux que ceux de leurs congénères d'outre-Atlantique. Hardcore oppressif porté par un nihilisme forcené, les funeral grindeux terroristes de Clinging to the Trees of a Forest Fire allaient très loin dans l'extrême, les tueurs orléanais de Nesseria ne sont pas en reste et envoient alors un "Freistadt" jouer la carte du démembrement auditif instantané. Technique au-dessus de la moyenne, une force de frappe implacable et toujours la même rage brute que celle largement éprouvée sur leur album, les frenchies tranchent dans le lard, besognent leurs instruments jusqu'au sang et appuient un peu plus profondément là où ça fait mal. La suite est du même tonneau et si le groupe tape moins dans l'extrémisime métallique forcené, c'est pour mieux imprimer sa marque avec "Mercure" un plus hardcore rock que ce à quoi on était habitué. Pas moins bluffant du reste, mais qui n'empêche pas les orléanais de revenir rapidement aux fondamentaux HxC black asphyxiant avec leurs "Fils de la fin siècle" et de finir en beauté avec le très méchant et chaotique "1789".

PS : ce split du chaos est dispo en streaming et téléchargement libre ci-dessous.

[un] Clinging to the Trees of a Forest Fire | Nesseria (425 hits) External ]

Nesseria / Chronique LP > Nesseria

Nesseria - Nesseria "Un passé assez lourd, un avenir incertain. Nous n'avons rien à perdre, et surtout rien à foutre".

Saignant, brutal (à l'image de son artwork) mais salvateur, c'est le sentiment latent qui prédomine au terme de la douloureuse séance de trépanation musicale à laquelle Nesseria nous convie sur son premier album. ou plutôt qu'il nous inflige pour être tout fait exact. Sans compromis, le groupe avait annoncé la couleur en exprimant clairement sa volonté "d'intensifier son engagement (après une poignée de splits et des dizaines de dates) et exprimer plus radicalement encore son rejet de la médiocrité commune". Sur le papier, ça s'annonçait assez coriace, dans les faits, c'est tout simplement la guerre dans les enceintes dès que l'on enfourne la galette du mange-disque.
Lapidation hardcore, éviscération au cran d'arrêt, ça sent la frustration face à un quotidien qui les rebute, un univers qui ne tourne pas bien rond et face auquel, les Nesseria ressentent un profond besoin de s'élever. Une humanité décadente balayée d'un revers de riff ("Que votre médiocrité de dégénérés vous étouffe. Et que la haine nous rende enfin lucides"), une actualité plus ou moins récente dont le groupe égrène les méfaits en éructant sa rage ("Arkhangelsk", "Par pertes et profits"). De la fureur et du sang. Nesseria exhale ce nihilisme forcené dont Celeste s'est également fait le porte-parole depuis ses débuts. Sauf que les Orléanais eux, ils l'expriment avec une attitude punk radicale et foudroyante ("Plus qu'hier mais moins que demain. Ils nous ont baisés en guise de représailles, en nous envoyant droit dans le mur" sur "Hacixbecker Straβe"). Les morceaux se suivent et le groupe s'y révèle (plus ou moins) inspiré, dans les textes comme dans ses riffs carnivores, mais lorsqu'il décide de prendre d'assaut les symboles les plus évident, ils fait mal, très mal, comme sur "53%" et sa diatribe acerbe à l'éloquence implacable : "Je suis l'orage d'une majorité de larves. Cinquante-trois pour cent à applaudir le retour à l'ordre, aux valeurs du travail gratuit. Et aujourd'hui la masse chiale sur ses pertes". Alors certes on pourra peut-être reprocher au groupe de défoncer facilement des portes déjà entrouvertes, de s'engouffrer dans une dans une voie où sa haine, aussi viscérale soit-elle, finit par se révéler un peu contre-productive. Car si le groupe envoie clairement la tripaille à travers les enceintes et nous concasse les tympans à coups de section rythmique marteau-pilon, on ressort du disque exsangue, comme assommé par ce déferlement, parfois un peu trop, assourdissant de décibels et d'atmosphères asphyxiantes à souhait ("Le quatrième âge", "Les alternatives").
Le léger manque de finesse dans le propos, même légitime, est sans doute le défaut majeur de ce disque par ailleurs gorgé en brûlots hardcore nauséeux et salement corrosifs. Mais Nesseria est l'expression d'un sentiment qui le dévore avant tout, une rébellion contre l'ordre établi parce qu'il ne reste peut-être plus que cela pour faire entendre sa voix. Morceaux choisis : "Un passé assez lourd, un avenir incertain. Nous n'avons rien à perdre, et surtout rien à foutre" ou "Emergenza. On sent la puanteur de ton avidité à des kilomètres". Et au moment de conclure, le groupe balance sa dernière rafale de M16, contre la religion cette fois et ces tendances les plus obscurantistes et extrémistes (La Bible comme le Coran en prenant bien pour leur matricule). Quelque part entre Converge, Knut, Cortez et Nostromo, les Nesseria ont mis tout ce qu'ils avaient dans les entrailles sur cet album qui peut être vu comme la peinture sans complaisance de ce monde décharné qui nous entoure et qui semble chaque jour s'émietter un peu plus avant de sombrer dans le chaos.