Nesseria - Fractures Sombre, violent, désespéré et enragé, Nesseria n'en a pas terminé avec nos oreilles, revenant avec Fractures pour nous les faire saigner davantage. Faisant preuve d'une énorme maîtrise dans la volonté de tout transformer en chaos, l'anéantissement de ce qui se dresse devant Nesseria pourrait sembler aisé mais le groupe se donne un malin plaisir à jouer avec ses proies, laissant toujours un peu de répit avant d'en remettre un coup, pas toujours fatal, les magnifiques instrumentaux centraux ("Fractures") et finaux ("Omayra") tout en contraste et en émotions laissant augurer une suite alléchante. Car le travail de destruction ne sera certainement jamais achevé, notre société n'étant pas du genre à se bouger pour changer dans le bon sens, les Nesseria auront toujours quelque chose à hurler et à combattre.

Parce que l'une des pierres angulaires du groupe, ce sont ses messages, distillés en français (et à peu près audibles), ils vont de paire avec la musique : entre constat d'un monde passif (Le soleil se lève quoi qu'il arrive. Que tu te lèves ou pas) où l'économie prévaut sur l'humain (Le salaire minimal, seulement légal, à défaut de pouvoir moins payer. Parce que la machine encore coûte plus cher, mais finira par te remplacer) et dans lequel certains humains n'ont pas développé de nombreuses facultés intellectuelles... Une des plus belles cibles, c'est "Civitas", cette asso catho fondamentaliste qui a défilé pour l'inégalité des droits... Le groupe a joué avec l'hymne et les valeurs pour les attaquer sur leur terrain avec des images à la hauteur de leurs arguments, c'est-à-dire proche du caniveau : Allons enfants de la latrine, le jour des porcs est décidé ! Contre ceux d'une autre vie, l'étendard ranci est levé ! Entendez-vous dans le journal baver les réactionnaires, qui viennent jusque dans les bars vomir leurs arguments minables ? Aux armes. Aux armes ! Je doute que beaucoup d'entres eux n'écoutent ce genre de musique (forcément oeuvre de Belzébuth) et ne recevront le message mais ça fait bien plaisir de le gueuler. Le chant éraillé transmet bien cette énergie rageuse qui se dégage de Fractures mais les écorchures viennent également des variations dans les approches en terme de riffs, on a aussi bien le droit à des moments pas si éloignés du black métal ("Le malheur des autres") que des attaques dignes du plus classique heavy rock'n'roll ("Cent mille fois par jour") et même des mesures assez calmes ("Ceux qui restent"). On a beau être toujours sur le qui-vive, on se fait forcément surprendre les premières fois...

... Et si on vacille, on risque la chute et pourquoi pas des Fractures... Cette amalgame d'envies et d'influences mixée à la noirceur de textes qui appellent à la révolte font de ce nouvel opus de Nesseria une grande réussite. Combiner autant de facettes derrière une étiquette "métal extrême" n'est pas chose facile mais les Orléanais démontrent une nouvelle fois qu'ils sont capables de faire le meilleur avec le pire.