Nesseria - Cette érosion de nous-mêmes Quoi de mieux que la constance pour évoluer ? Les envies de quiétude, de calme plutôt que de tempête, étaient perceptibles sur Fractures, pour approfondir ces moments, Nesseria a décidé de ne rien changer, continuant de travailler sur sa base solide, à savoir Neb Xort (le clavier d'Anorexia Nervosa mais aussi les enregistrements de Kevorkia, Ultra Vomit, The CNK...) pour la production, Nick Zampiello pour le mastering (Converge, Cave In mais aussi Plebeian Grandstand, No Vale Nada ou Birds In Row) et Alex Eckman-Lawn (Hacride, Clinging To The Trees Of A Forest Fire...) pour le magnifique artwork.

C'est pourtant par la plus brutale des manières que débute Cette érosion de nous-mêmes, aucune seconde de pré-chauffage, pas de petit riff d'intro, pas la moindre chance de voir venir l'assaut frontal de la totalité des membres du groupe en action. Après, ces trois minutes de passage à tabac, on peut penser qu' "On prendra l'habitude" mais non, on ne se fait pas à une telle violence, à un tel déchaînement, à un si grand vomissement de sentiments douloureux. Les premières cassures rythmiques, les premières fêlures guitaristiques, les premiers silences arrivent avec "La chasse aux écureuils", le groupe nous maintient sous pression avec riffs déchirants et une batterie qui enchaîne passage juste pesant et déflagrations mitraillées, c'est dans la maîtrise de ces moments-là que Nesseria excelle, jouant et gagnant sur les deux tableaux ("Dans l'ombre et sans visage" bénéficie lui aussi de variations de tempos surprenantes). C'est sur "Les ruines" que l'on ressent l'évolution la plus notable avec une structure très rock, la basse apporte beaucoup de dynamique et sans le chant éraillé, quelques saturations traînantes et une fin quasi auto-destructrice, on aurait du mal à reconnaître les Orléanais qui ne faisaient que nous préparer à "À l'usure". Un titre au dépouillement acoustique en totale opposition à un chant qui ressemble à un râle, c'est d'ailleurs dans ce morceau que tu peux entendre les mots qui donnent son nom à l'album. Entendre mais pas forcément comprendre, les textes restant très difficilement perceptibles, mieux vaut avoir les paroles sous les yeux pour profiter de la force poétique de certains ("St Petersburg" notamment) et des messages transmis par le groupe, toujours aussi désabusés par notre société (voici un extrait de "Forteresse" : "Sur la fosse amère face à ces corps prostrés, les regards se glacent, les âmes se tassent et la dignité s'efface. La machine à broyer est dépassée. Toute la misère du monde et la pauvreté ordinaire sont mises en concurrence et jamais soulagées."). Des textes hurlés avec la même intension, peu audibles, ils apportent une monotonie et tombent comme la pluie, on finit par ne plus faire attention à ces gouttes pour voir le reste et les qualités d'écriture instrumentales qui sont hors normes ("Pris à la gorge" ou l'instrumental final "Cette érosion de nous-mêmes").

Loin de s'éroder, le talent de Nesseria s'étend à de nouveaux horizons, moins "core" musicalement même si l'agression permanente reste le leitmotiv côté vocal, de "hard", le groupe est devenu "post hard" (core encore) et ce n'est pas sans me réjouir tant je me retrouve davantage dans ce style plus ouvert, plus réfléchi et aussi plus précis.