Duo ambient/indus/drone/sludge expérimental, Nadja a vu le jour en 2003 sous l'impulsion d'Aidan Baker musicien touche à tout à la discographie imposante. Guitariste, chanteur, batteur, claviériste, batteur, le canadien lance à la base Nadja comme un projet solo avant de s'associer à la bassiste/vocaliste Leah Buckareff et de débuter ce duo particulièrement prolifique en terme de discographie et de collaborations aussi diverses que variées. En terme de chiffres, le groupe c'est pas moins de 11 albums studio enregistrés en six ans, deux albums live, cinq EP's et 7 splits notamment partagés avec Atavist et Fear Falls Burning. Alors que le duo, déjà riche d'une discographie particulièrement fournie, n'en finit plus d'amasser les enregistrements, Nadja voit entre 2007 et 2008, pas moins de quatre de ses albums (Touched, Corrasion, Bliss torn from emptiness et Skin turns to glass) faire l'objet de rééditions via Alien8 Recordings (Keiji Haino, Merzbow) ou The End Records (J2)...
* Split w/Moss (2003) [Split]
* Touched (2003)
* Skin turns to glass (2003)
* Corrasion (2003)
* I have tasted the fire inside your mouth (2004) [EP]
* Bodycage (2005)
* Absorption w/ Methadrone (2005) [Split]
* Bliss torn from emptiness (2005)
* Truth becomes death (2005)
* We have departed the circle blissfully w/ Fear Falls Burning (2006) [Split]]
* Trembled (live, 2006)
* Thaumogenesis (2007)
* 12012291920/1414101 w/ Atavist (2007)
* Radiance of shadows (2007)
* Thaumoradiance (live, 2007)
* Fear Falls Burning | Nadja (2007) [Split]
* Base fluid (2007) [EP]
* Live collaboration with Deathshock (2007)
* Guilted by the sun (2007) [EP]
* Long dark twenties (2008) [EP]
* Trinity (2008) [EP]
* Christ send light w/ Black Boned Angel (2008)
* Desire in uneasiness (2008)
* Split w/ Atavist (2008)
* The bungled & the botched (2008)
* Trinitarian [EP] (2008)
* Tümpisa (2008)
* Belles bêtes (2009)
* Numbness (2009)
* Primitive North [split w/ A Storm of Light] (2009)
* When I see the sun always shines on TV (2009)
* Nadja | Pyramids (2009)
* Kodiak | Nadja (2009)
* The life & death of a wasp [split w/ OvO]
* Autopergamene (2010)
* Ruins of morning / Clinging to the edge of the sky
* Dominium visurgis [split w/ Troum] (2010)
* Konstruktion [split w/ Galena]
* Fool, Redeemer [split w/ Picastro]
Infos sur Nadja
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Et ça tu connais ?
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Jesu
Le projet rock/ ambient/ industriel le plus abouti de l'ex-Godflesh, Justin Broadrick...
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L'une des formations metal indus expérimental phare des 90's...
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Fear Falls Burning
Un projet solo drone/indus expérimental qui redéfinit l'adjectif "prolifique"...
Liens pour Nadja
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Nadja discographie sélective
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Desire in uneasiness
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- Rezomusique : un annuaire consacré à la musique
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Nadja / Chronique LP > Desire in uneasiness
Sorti en 2008 chez l'excellent Crucial Blast Records (Across Tundras, Gnaw Their Tongues, Souvenir's Young America...), soit le plus frenchy des label indépendant nord-américains puisqu'il s'est également chargé de distribuer Monarch!, Overmars ou encore Year of No Light outre-Atlantique, Desire in uneasiness est à bien des égards un album qui aura marqué tout particulièrement la discographie de Nadja. Plus lourd et dense encore qu'à l'accoutumée, l'album voit également un troisième membre (Jakob Thiesen) se greffer de manière exceptionnelle à la paire Aidan Baker/Leah Buckareff et offre alors une composition basse/basse/batterie qui confère au disque un aspect monolithique tout bonnement imparable.
Là on se dit qu'à force de passer sa vie à jammer/tourner/enregistrer (ce, dans n'importe quel ordre), les stakhanovistes canadiens vont fatalement passer un jour à côté de leur sujet. Oui, sans doute. Mais ce ne sera pas pour cette fois, les deux premiers titres de l'album, "Disambiguation" et "Sign expressions" plongeant l'auditeur dans un magma drone/doom/sludge metal avant de l'enfermer dans une cellule d'oppression auditive, une gangue de plomb dont on ne peut s'extraire sans y laisser quelques neurones. Car ce Desire in uneasiness est certainement l'un des disques les plus noirs composé par Nadja, une oeuvre d'une lourdeur abrasive incomparable, presque aliénante et dont, on l'a dit, ne sort pas forcément indemne. Soit on observe la surface pour rester... de marbre, soit on s'immerge dans cette succession de morceaux littéralement assommante (au sens le plus positif du terme).
Une petite respiration l'éthéré "Affective fields", paradoxalement l'un des titres les plus minimaliste de la discographie du groupe, avant de se voir administrer une nouvelle dose de ce mélange drone/metal - sludge/doom cher au nord-américains sur "Uneasy desire". La particularité de cette quatrième piste : la batterie, robotique, qui semble pouvoir tenir la cadence à l'infini avec une régularité proprement inhumaine. Pourtant c'est bien un batteur qui est derrière les fûts, l'apport de Jakob Thiesen sur l'album étant, on s'en rend compte alors un peu mieux, tout sauf négligeable. Et pendant ce temps, les lignes de basses ombrageuses jalonnent les morceaux, des drones déviants parsèment un ensemble dans lequel l'auditeur s'égare, perd ses dernières lueurs de conscience avant de sombrer dans un état semi-végétatif... le bon moment pour le trio de poser sur la console de mixage "Deterritorialization", un cinquième et dernier titre monstrueux d'efficacité, à la fois répétitif, obsédant et diabolique.
Nadja / Chronique LP > Belles bêtes
Entre deux albums et une belle flopée de splits collaboratifs (avec Atavist, Fear Falls Burning, Kodiak ou Methadrone), Nadja pourrait respirer, prendre son temps et souffrir pour une fois du syndrome de la page blanche... pourtant non. Le duo continue de multiplier un peu plus les sorties jusqu'à se bâtir une discographie d'une rare densité, sans jamais négliger la qualité de ses travaux. Prolixe et inspiré, l'entité canadienne livre avec Belles bêtes un album de réinterprétations de morceaux composés et enregistrés à l'origine en solo par Aidan Baker... moitié de Nadja. On reste en territoire connu donc, à un petit détail près, il s'agit là de vraies "chansons" écrites par l'alter-ego de Leah Buckareff. Evidemment, on s'en doutait quand même un peu, même si on s'éloigne ici des monolithes drone/doom métalliques auquel on est fréquemment habitués avec eux, les deux nord-américains propose avec cet effort quelques six titres d'un (post)-shoegaze tantôt heavy et sursaturé, tantôt plus oxygéné et éthéré qu'à l'ordinair ("Sand like skin") ; autant de compositions organiques sur lesquelles vient planer une voix passée au filtre digital et utilisée comme un instrument "de plus" par le duo. Des "chansons" donc mais qui entre les mains expertes d'Aidan & Leah sortent largement des sillons traditionnels auxquels on est généralement habitué. Et si elles épousent par instants des standards plus "pop" que d'ordinaire chez Nadja ("Machina", "Chainsaw"), c'est pour mieux s'immerger l'instant d'après, dans le magma sonique dont le duo s'est fait l'apôtre depuis une dizaine d'années ("Green & cold"). Ce, quand bien même si ce Belles bêtes recèle des compositions qui sont bien plus "aérées" ("Wound culture") que la majeure partie des oeuvres composant la discographie des shoegazers canadiens. Les inconditionnels de la première heure apprécieront, les autres se laisseront gagner par l'ennui que peut susciter cette musique qui peu tout aussi bien laisser de marbre.
Nadja / Chronique LP > Corrasion
Initialement enregistré en 2003 et sorti sous le manteau au format CDr par Nadja, alors que celui-ci était encore relativement méconnu, Corrasion fait l'objet d'une jolie réédition en 2007, d'abord par le label polonais Foreshadow puis ensuite par le français Basses fréquences, énièmes labels indépendants à avoir compris que cette entité-là était déjà incontournable. Troisième album long-format pour la paire Aidan Baker/Leah Buckareff " après Birdcage, Truth becomes death, cet effort segmenté en quatre plages se fait l'écho dès le premier titre, "Base fluid", de ce qu'est par essence Nadja. Soit un monolithe de granit heavy/drone doom aux basses perforantes, un ensemble musical incroyablement électrique et gravitationnel, souvent lesté de plomb mais parfois plus aéré, comme une masse métallique lévitant de longues minutes dans les limbes avant de suspendre leur vol et de s'enfoncer inexorablement dans les profondeurs de Gaia.
Onze minutes tout rond pour une déflagration d'une lourdeur implacable et à la puissance hypnotique à nulle autre pareil. Deux parties d'une densité hors-norme et au milieu, un épisode de calme, relatif ; l'équilibre est parfait et le groupe enchaîne avec le non-moins ravageur "You are as dust", porté par un crescendo interminable... avec pour apothéose un climax postcore qui fait jeu égal avec ce que peuvent façonner les cadors du genre. Pourtant nul doute possible, c'est du Nadja, la griffe du groupe était reconnaissable entre mille, mais ici, la sauvagerie animale donne à l'ensemble un côté menaçant, sombre et encore plus torturé qu'à l'ordinaire. En territoire hostile, le duo reste ensuite tapi dans l'ombre pendant les longues premières minutes qui introduisent la "narration" drone/doom du morceau-titre de ce Corrasion. Puis se relève et se décide à affronter la Bête dans un duel à mort pendant lequel chasseur et proie verront leurs rôles s'inverser continuellement... jusqu'à la deuxième moitié d'"Amniotic", titre final de l'album et véritablement amoncellement de couches heavy-drone-doom metal qui ne peut décemment laisser de marbre. Le marbre parlons-en justement, c'est sans doute ce que le groupe utilise pour donner à sa musique cette patine si particulière, atypique et clairement impressionnante... Monumental.
Nadja / Chronique Split > Dominium visurgis
Avec ces quasi cinquante minutes de musique réparties en trois plages, Dominium visurgis, soit un split collaboratif enregistré par Nadja que l'on ne présente plus en ces pages et Troum, figure légendaire du drone underground allemand, au cours d'une séance d'improvisation totale, a de quoi en rebuter plus d'un sur le papier. Par contre, l'objet sorti en CD digipack deluxe et vinyle chez Drone Records/Transgredient (qui n'est autre que le propre label des natifs d'outre-Rhin) pour l'un et Denovali Records pour l'autre, a largement de quoi compenser le désintérêt relatif initial pour cette sortie.
Du silence absolu, quelques drones viennent percer la brume ambient qui enveloppe la première plage du disque, dans une longue, presque interminable progression laissant sous poindre au loin, les prémices d'une menace insidieuse, lointaine et sous-jacente. Les inconditionnels du genre apprécieront, les autres sombreront dans les affres de l'ennui. Avant d'être extirpés de leur torpeur par la partie II de ce Dominium visurgis, dominée par la puissance drone-metal-industrielle de Nadja qui pose ici son empreinte sur les nappes ambient cristallines de Troum. Une mécanique de haute précision qui se met alors en branle, les rouages de la collaboration entre les deux entités semblant alors s'assembler pour ne plus former qu'un tout indivisible et incroyablement dense.
La troisième et dernière piste de ce split-album consiste en une seule plage dépassant les vingt-cinq minutes d'un ambient dronisant au minimalisme exacerbé. Longue... mais complètement immersive. Une oeuvre d'ascètes, expérimentale et racée, bande-son panoramique d'un long-métrage fictif aux motifs aquatiques inspirés, cette collaboration entre Nadja et Troum impose son exigence à l'auditeur : entre neurasthénie elliptique et saturation oppressive, Dominium visurgis est de ces disques dont l'écoute peut définitivement peut perdre l'auditeur ou à défaut l'emmener très loin, dans des sphères musicales aux frontières pour le moins difficiles à cerner. Exigeant mais fascinant.
Nadja / Chronique Split > Kodiak | Nadja
Kodiak | Nadja : ou la rencontre entre les "vétérans" canadiens du drone metal shoegaze et les nouveaux espoirs de la scène doom germanique. Du très lourd au programme. Autant dire que la conjonction discographique orchestré par le désormais incontournable label Denovali Records (Celeste, Fall of Efrafa, Her Name Is Calla, Heirs, The Coma Lilies...), promettait d'être chargée en décibels et autres expérimentation sombres, bruitistes et oppressantes. Et ensevelie sous un amas de gravats émotionnels, de kilotonnes de riffs pachydermiques, de saturation torrentielle, elle l'est.
Deux titres, près de 41 minutes d'une musique, dense et suffocante. Nos tympans plongés au coeur d'un univers musical cloisonné hermétiquement, une chape de plomb qui s'abat sur notre esprit et deux groupes qui se complaisent dans un espace d'expression aux contours émergeant entre drone metal irrespirable, doom neuroleptique et ambient shoegaze menaçant. Une tension de tous les instants qui enserre notre cage thoracique, une lenteur absolue qui ne fait qu'accroître l'effet que chaque riff a sur notre psychée, la compressant encore et encore, jusqu'à annihiler notre état de conscience, Kodiak prend le temps de placer ses pions sur l'échiquier musical. Méthodique, le groupe nous enferme dans un espace clos, aliénant notre esprit avant de laisser la place à Nadja, chargé lui répondre en parachevant cette oeuvre bicéphale.
Les Canadiens s'attèlent à la tâche sans surprendre et en ne faisant qu'appliquer de nouveau cette griffe musicale dont on les sait maîtres. Déjà vu certes, mais toujours aussi impressionnant. Quand bien même le duo Aidan Baker/Leah Buckhareff ne semble pas réellement décidé à se renouveler complètement, on (pre)ssent sur leur partie de ce split, une légère volonté de tendre vers une approche plus expérimentale frisant le jusque-boutisme. Une longue nappe sonore qui s'écoule sans fin, apparemment sans but. Une seule note (ou presque) et le néant émotionnel dans lequel ce qui reste de notre esprit sain vient s'abîmer. Du bruit, une rythmique immuable et cette saturation, toujours aussi palpable, clef de voûte du système Nadja. On s'attendait à du lourd, quelque chose qui irait puiser dans ce que notre sensibilité a de plus extrême, ce split Kodiak | Nadja ne déçoit pas, quand bien même, il limite sa prise de risques à son plus stricte minimum. Ou alors, peut-être est-ce le contraire, il prend en fait le risque de tester nos limites pour les repousser encore un peu plus loin. Qui sait... Mention spéciale aux Kodiak, toutefois, lesquels laissent ici entrevoir un potentiel rarement égalé...
Nadja / Chronique LP > When I see the sun always shines on TV
"Rien ne sert d'être vivant, s'il faut qu'on travaille" disait André Breton dans Nadja (1928)... Les Nadja pensent apparemment l'inverse. Et ces deux-là, pour les suivre, faut s'accrocher. Entre les albums, les participations aux compils, les splits (dont le dernier en date, avec A Storm of Light, n'est dispo que depuis quelques semaines), Nadja continue d'empiler les sorties à un rythme qui frise de très près la frénésie boulimique. Et quid d'un album de reprises ? Il n'y avait qu'à demander, Leah et Aidan s'y collent et nous servent aussitôt dit ce When I see the sun always shines on TV qui annonce du lourd... du très lourd. Et pour cause, Codeine, My Bloody Valentine, Elliott Smith, The Cure et les dieux Slayer, forcément, avec une telle affiche, ce disque ne peut que braquer l'attention sur le duo canadien. Et à lire la tracklist, on se prend à rêver. Une ouverture avec le "Only shallow" de My Bloody Valentine, ou le shoegaze passé en mode "Nadja" et une saturation qui emplit la pièce pour enfermer l'auditeur dans une prison sonique, le noyant sous un déluge électrique pour s'emparer de son esprit. Et le pire dans tous cas, c'est qu'il en redemande. Un coup d'essai ? Un coup de maître que le groupe s'appliquera à reproduire ici avec une régularité qui frise la science-fiction. Le suivant à passer sous le mixeur canadien n'est autre que Codeine. Formation culte mais un peu trop méconnue de ce côté de l'Atlantique, éminent spécialiste d'une musique souvent qualifiée de "slowcore". Veut dire quoi "slowcore" ? Et bien en gros, que ça exploite une mélancolie d'une profondeur abyssale, que c'est lent, raffiné, en clair : possédé par une tristesse insondable... Et récupéré par Nadja ? C'est juste brillant, languissant, pesant... et brillant (bis). Avec son sens aigu des tempi léthargiques, le couple enchaîne sans se presser avec les Swans. Pourquoi se presser après tout lorsque l'on est certain de son coup en reprenant avec classe une valeur sûre. On se prend à attendre le clash, la sortie de route, la faute de goût de la part de ce qui ne peut pas décemment s'offrir un grand chelem comme ça, sans ciller... Et bien ce n'est pas vraiment avec la reprise du "Dead skin mask" de Slayer que l'on va être servi. 10 minutes et des poussières enfermés dans une gangue de plomb avec les dieux du metal, Nadja a tout compris. Lourd, vénimeux, sauvage... En un mot : dantesque. Grésillement bruitiste, basse amples, le groupe se réapproprie ceux dont il a décidé de reprendre les morceaux et le fait avec son style si particulier, sa griffe inimitable bien connue des amateurs du genre. Entre noise, drone et doom, le tout avec une petite touche métallique qui bétonne l'ensemble, on assiste à la démonstration de force et de maîtrise d'un groupe capable d'aérer sa musique sur une cover d'Elliott Smith ("Needle in the hay") comme d'enfoncer les conduits auditifs sur le "The sun always shines on TV" de A-ah. Un petit dernier avec du The Cure pour conclure ? C'est possible et c'est absolument magistral.
Nadja / Chronique Split > Primitive North
Collaboration orchestrée par l'excellent label Robotic Empire entre les (trop) critiqués A Storm of Light et les (très) respectés Nadja, Primitive North est un split qui promettait assurément de faire des étincelles. Après quelques minutes d'écoute, le verdict tombe : ce split vaut plutôt le détour. Si ce n'est certainement pas avec les deux titres (+ un remix) présent sur ce CD que A Storm of Light se réconciliera avec ses détracteurs, le duo Nadja propose de son côté ce qu'il sait faire de mieux, soit empiler les parpaings drone/noise industriels afin d'ériger devant nous un véritable mur de saturation. Implacable dans son genre. Postcore assez ouvertement "Neurosien", un peu de noirceur en moins, quelques claviers en plus, ASoL dévoile sa partition avec le diptyque "Brother"/"Sister". L'ambiance est assez dark mais pas aussi étouffante qu'on aurait pu le croire, le groupe cherchant à aérer sa musique au maximum pour mieux jouer sur les contrastes. Le résultat, s'il est encore assez éloigné du chef-d'oeuvre absolu, reste tout à fait honorable et confirme les impressions entrevues sur And We kept the black ocean within. En clair, le groupe ne méritait certainement pas d'être descendu en flammes lors de la sortie de l'album, ce, même si on était sans doute en droit d'attendre mieux de Josh Graham et sa bande. En prime on a même un bonus avec le remix du titre "I make from your eyes the sun" signé Nadja et exécuté par ASoL.
Nadja justement, on y vient. Leah et Aidan sont notamment réputés pour leur productivité quasi surhumaine et les innombrables sorties à venir du duo (mari et femme à la ville d'ailleurs) ne viendront que renforcer cet état de fait. Les deux groupes jouent la proximité mais se différencient également par leur approche artistique. Là où les américains compactent "I make from your eyes the sun" en quelques 13', les canadiens prennent leur temps et étirent le même titre sur plus de vingt minutes de noise/drone/doom bourdonnante et sursaturée à souhait. Du Nadja dans toute sa splendeur en sommes : lent, vénéneux, répétitif mais inexorablement addictif. Ceux qui appréciaient déjà avant seront comblés, les autres pourront éteindre la chaîne hi-fi, le couple n'étant apparemment pas près à faire un quelconque compromis quant à la teneur de sa production discographique. Si évolution il y a, on ne peut que rarement parler de révolution stylistique chez ce groupe hors du commun... et en même temps, il apparaît comme assez complexe de chercher à remanier profondément les codes de la musique drone/doom. Pourtant on se dit après un bon quart d'heure que le groupe pourrait essayer de varier sa palette musicale, qu'il devrait essayer de prendre un peu plus de risques, quitte à déplaire et à se rattraper sur la sortie suivante. Dans l'immédiat, ce split rempli allègrement son quotas de gros son et de compositions soignées. Peu de surprises au demeurant, mais du travail plutôt (très) bien fait.
Nadja / Chronique LP > Skin turns to glass
A chaque trimestre ou presque son nouveau disque de Nadja et avec le retard accumulé, on aligne les chroniques du duo canadiens afin de se maintenir à jour et de garder le rythme. Surtout qu'en plus des nouvelles réalisations, Aidan et Leah en ont profité pour réenregistrer et rééditer certains de leurs premiers opus (il faut s'accrocher pour les suivre...). Ici c'est Skin turns to glass, paru à l'origine en 2003 et réédité cette année par The End Records (J2, Mindless Self Indulgence, Stolen Babies), qui vient se rajouter à l'interminable liste de disques signés par les canadiens (une douzaine en cinq ans...) qu'il nous reste encore à décrypter. Murs de saturation défiant la gravité, nappes ambiantes planant sans fin au-dessus d'un canyon musical aux profondeurs insondables, "Sandskin" nous plonge en quelques secondes dans l'univers musical si particulier et aisément reconnaissable de Nadja.
C'est d'une lourdeur monumentale, ça s'enfonce dans les graves et ce ne sont pas les quelques rares éclairs de lumières savamment disséminés qui vont entamer le propos du duo. "Skins turns to glass" puis "Slow loss" poursuivent l'oeuvre du duo, qui défie les éléments sans jamais se retourner derrière lui pour jeter un oeil sur les dommages collatéraux. Il y a sans aucun doute possible du Godflesh dans cet album, qui, bien que réédité en 2008, est en réalité l'un des premiers efforts du projet. Ambiance caverneuses, un magma sonore dense et sursaturé qui remontent lentement des profondeurs de l'écorce terrestre, une tectonique des plaques mise en musique avec une maîtrise bluffante. Jouant sur les effets de répétition, abreuvant ses sillons musicaux de lave incandescente, Nadja s'enfonce inexorablement dans la lithosphère, morceaux fleuves, crescendo/décrescendo massifs, la musique des canadiens ondule à travers les strates sédimentaires et fusionne littéralement avec la roche. Magistral.
Nadja / Chronique Split > Fear Falls Burning | Nadja
Entités parmi les plus prolifiques de petit monde des musiques expérimentales, Nadja et Fear Falls Burning ont, à l'image d'un Merzbow ou d'un Justin K.Broadrick (ex-Godflesh, Jesu, Final, J2), un rythme de sorties particulièrement élevé et donc compliqué à suivre à moins de ne cibler que cette scène musicale. A raison d'un album, EP ou split par trimestre en moyenne, les canadiens Aidan Baker et Leah Buckareff d'une part, le belge Dirk Serries d'autre part ont grandement contribué au développement d'une scène musicale certes, underground, mais foisonnante. La logique artistique supposant un rapprochement évident, il n'était pas surprenant qu'après une première collaboration en 2006 (We have departed the circle blissfully), les deux entités remettent le couvert près d'un an plus tard (via Conspiracy Records) à l'occasion de ce split éponyme composé de 4 morceaux pour une grosse heure de musique.
Entre le premier (Nadja) qui écrase ses compositions d'une saturation monolithique sans appel et le deuxième (FFB) qui se pose en contre-emploi pour édifier des structures musicales plus atmosphériques, ce split est la synergie évidente entre lourdeur incommensurable et délicatesse subtile. Une oeuvre bicéphale où quand l'un s'enfonce dans les abysses, l'autre lui répond par des envolées lumineuses. De crescendo telluriques et rampants assourdissant l'atmosphère en douces plages de plénitude narcoleptique, le climat musical de cet opus est celui de l'ambivalence entre espoir et résignation (ou l'inverse), constat très actuel d'un monde au bord de la rupture... Mais au-delà de cette simple dualité musicale, Nadja et Fear Falls Burning propose ici une oeuvre en quatre chapitres, du reste sans titre, qui transcendent au passage leurs propres univers artistiques respectifs. Drone électrifié, ambient industriel, doom brumeux, les sous-genres fusionnent, libérant ici une musique à l'aura unique, fruit de l'association quasi naturelle de deux entités musicales antagonistes et paradoxalement complémentaires. Les amateurs du genre devraient apprécier...
Nadja / Chronique EP > Radiance of shadows
Nadja, une musique expérimentale à la lourdeur abyssale, plongée sensorielle dans les abîmes d'un drone/doom atmosphérique aux parois sonores quasiment infranchissables. Dans l'œil du cyclone, Radiance of shadows se fait l'écho d'un monde où résignation et oppression semblent être les deux seules composantes de base. Enfin, au départ, car au fil des minutes, Nadja ose et allie quelques éléments d'une pop éthérée à son doom léthargique. Il fallait y penser, encore plus, le réussir. Plus qu'un album classique, cet opus doit être considéré comme une œuvre en trois mouvements, aux atmosphères industrielles et au cheminement musical aussi radical qu'impressionnant. Baignant dans une saturation épaisse, l'assourdissant magma métallique délivré par le duo fait naître chez l'auditeur des émotions contradictoires. Un mélange de fascination, d'effroi et d'apaisement qui met tous nos sens en alerte. Aidan Baker et Leah Buckareff dépose entre nos tympans une musique amplitude rare, choc thermique qui vient s'écraser contre nos conduits auditifs, "Now I am become death, the destroyer of worlds" met d'entrée la barre assez haut. Rythmiques obsessionnelles, atmosphère de fin des temps, nappes drones vaporeuses et lames de fonds doomesques et métalliques (Godflesh n'est parfois plus très loin), des mélodies qui lentement se diffusent à travers les volutes de fumée, on pense tour à tour à Jesu, Merzbow et Fear Falls Burning, les deux canadiens semblant compléter ce carré magique explorant une certaine idée des musiques expérimentales à dominante métallique et industrielle. L'expression d'un ressenti que Nadja met de nouveau en exergue sur le bien nommé "I have tasted the fire inside your mouth". Tout ou presque est dans le titre de ce morceau dense et labyrinthique à la fois lumineux et tourmenté. Asphyxiant l'auditeur en saturant l'atmosphère du studio, le groupe fait lentement mais sûrement monter la pression jusqu'au coup de grâce, l'éponyme "Radiance of shadows", troisième et dernière acte d'une symphonie drone/ambient/métallique indus de très haute volée...