Mutation

Biographie > Le hard des possibles

Réunissant un casting aussi improbable que Shane Embury (Napalm Death), Random Jon Poole (Cardiacs), Denzel (Young Legionnaire, musicien chez Ginger Wildheart), Rich Jones (Amen/Black Halos), Chris Catalyst (Eureka Machines/Sisters of Mercy), Hawk Eyes, Merzbow, Ginger Wildheart (de The Wildhearts) ou Mark E.Smith (The Fall), Mutation est un projet aussi étrange qu'hors-norme qui voit le jour début 2013 avec l'ambition de faire ce que personne n'avait encore jamais fait, musicalement parlant. Leur preuve tient en deux albums studio, intitulés The Frankenstein effect puis Error 500, qui sortent en autoproduction en début de l'été de la même année avant que le second cité ne soit distribué à l'automne chez Ipecac.

Mutation / Chronique LP > The Frankenstein effect

Ginger Wildheart - The Frankenstein effect Premier (ou second ?) volet de Mutation (projet mené d'une main de maître par le fantasque et prolifique Ginger Wildheart) et ne bénéficiant pour le moment d'aucune distribution ou de contrat avec un quelconque label, The Frankenstein effect (entièrement financé tout comme son alter ego grâce à une campagne de souscription) est le disque le plus "accessible" du package. Et il aurait été dommage que ton magazine préféré n'évoque pas un disque que tu n'auras jamais l'occasion d'enfiler physiquement dans ta chaine hi-fi, faute de production pour les non souscripteurs au projet. Ainsi va la vie.

J'évoquais ci-dessus un disque plus accessible. Les amateurs du guitariste/chanteur rouquin savent que le bonhomme est influencé par toutes les musiques, mais son créneau reste toutefois le rock (burné ou acidulé) teinté de mélodies et de refrains imparables. Les amateurs des tubes punk pop rock'n'roll du leader des Wildhearts risquent d'être quelque peu troublés à la première écoute de ce disque. Je considère en effet The Frankenstein effect comme la face sombre de Ginger (principal compositeur des dix titres de l'album), le côté métallique et inquiétant du génie anglais s'exprimant à plein gaz mais où quelques lueurs de mélodies viennent éclaircir le tableau. L'exemple le plus marquant est le heavy "Friday night drugs", mélangeant avec brio des rythmes lourds, des séquences à la limite du black métal et où des voix enfantines viennent annoncer un refrain des plus rock 'n' roll bourré de mélodies burnées et affirmées.

Comme à son habitude, Ginger malaxe tout un tas d'influences pour créer des morceaux où des styles divers et variés s'entremêlent pour créer une mixture improbable mais succulente. Les passages malsains et entêtants laissent place à des refrains plus accessibles ("Rats", "Carrion blue") bien que parfois, c'est le contraire dont il s'agit ("Wham city"). Comme son titre pouvait le laisser suggérer, The Frankenstein effect est la bande son idéale de films d'horreur inquiétants et hémoglobinement parlant assez chargés. L'inquiétant "Gruntwhore" et son metalcore torturé n'a rien à envier à un "Lively boy" complètement déstructuré mais toujours étonnamment cohérent.

Avec The Frankenstein effect, Ginger et sa bande d'odieux lurons foutent un sacré pied dans la fourmilière du metal codifié, en y associant des touches punk et en faisant cohabiter avec brio les rythmes les plus extrêmes avec des mélodies presque imparables, sur fond de sonorités lugubres, dérangeantes et entrainantes. Un album quelque peu contradictoire à tel point que "On poking dogs", un des titres du disque qui s'annonçait comme l'un des plus extrêmes, se révèle être le plus proche des riffs wildheartiens une fois la deuxième partie du morceau amorcée. Vous l'aurez compris, les fans des Wildhearts ou de Hey! Hello! pourront être déconcertés à l'écoute de ce disque "coup de poing", mais reconnaîtront sans difficulté l'ouverture d'esprit et le perfectionnisme de Sieur Ginger. Un disque à ne pas mettre entre toutes les oreilles, mais un album sacrément addictif.

Mutation / Chronique LP > Error 500

Mutation - Error 500 Pour trouver un point commun entre Shane Embury de Napalm Death, Ginger Wildheart (The Wildhearts mais aussi et surtout à l'origine du projet ci-présent), l'énigmatique Merzbow, un mec issu de Cardiacs ou encore Mark E. Smith (The Fall), jusqu'à il n'y a pas si longtemps, il fallait se lever tôt. Mais ça, c'était avant. Parce que depuis, une idée aussi barge qu'improbable a vu naître ce projet Mutation mais également pas moins de deux albums : The frankenstein effect et Error 500 en autoproduction (merci la mode du crowdfunding), ce dernier ayant droit à une distribution plus traditionnelle par l'intermédiaire de l'inévitable Ipecac Recordings qui, co-piloté par l'inénarrable Mike Patton, n'est jamais bien loin dès qu'il s'agit de sortir un OVNI sonore de derrière les fagots (remember certains disques de Mike Patton, Bohren & Der Club of Gore ou encore Zach Hill en solo et Zu).

Et le pire, c'est que c'est drôlement bon : insaisissable, fou, bordélique, mais bluffant. Un disque de pure brutalité grind, enveloppée d'une certaine majesté mélodique pop expérimentale ("Bracken", "Utopia syndrome") qui déboise brutalement les tympans après quelques secondes de mise en route déjà musclée. On cause hard bien violent, dur sur l'homme, joyeusement bordélique et furieusement rock'n'roll (l'énorme "White leg"), on joue à 2000 à l'heure et on en met partout avec une maîtrise formelle des plus ébouriffantes. Riffing en cascades, accélérations grind démentes, breaks salvateurs ("Protein"), quelques plans expérimentaux teintés de petites touches électroniques qui fracassent sévèrement les enceintes (l'éponyme "Mutations"), on en prend littéralement plein les écoutilles et le groupe fait preuve d'une virtuosité à toute épreuve. Et en même temps avec un tel line-up, on ne pouvait guère s'attendre à un truc ficelé à moitié.

Toujours est-il qu'Error 500 n'est jamais avare en plans complètement barrés, techniquement du genre monstrueux même si par moments, Mutation en fait peut-être un peu trop dans le registre démonstratif ("Computer, this is not what I"), avant de se reprendre avec l'insaisissable "Sun of white leg" pour lequel le groupe part dans des délires psychédéliques hard pour le moins jouissifs. Par contre, il faut quand même un peu s'accrocher aux wagons et aimer le (très) gros son qui met les compteurs dans le rouge ("Innocentes in morte"). Même quand les membres de Mutation gratifient leur auditoire d'un titre aussi furieusement déglingué que ce "Relentless confliction" qui clashe les enceintes dans un numéro de voltige supersonique ou un "Benzo fury" terminal à tous points de vue. Epilogue idéal d'un disque aussi joyeusement jouissif que sauvagement schizophrénique, réservé aux initiés et aux amateurs de ce que l'on ne voit certainement pas tous les jours en ces temps (difficiles) de formatage créatif systématique. Fascinant.