"Tant que les fesses sont découvertes autant deux claques qu'une" disait-on en Belgique, et si on peut dire que les Mur ont des oreilles, on peut également penser qu'ils ont vu une paire de fesses car ils enchaînent les claques depuis l'album Brutalism (2019). La période étant propice à l'enfermement, ils composent, enregistrent et sortent un disque qui est trop long pour être un EP et trop court pour en faire un véritable LP (3 titres, une cover, une longue plage instrumentale). Peu importe, en ces temps compliqués, on prend et on se le fait.
Pas de préliminaire, Truth et "Epiphany" démarrent pied du Mur au plancher, c'est grave, c'est sombre, c'est lourd, c'est saturé mais la rythmique nous laisse respirer, le clavier et ses touches d'électro eighties donnent de la couleur mais le chant hurlé nous remet vite la tête au fond du trou et nous force à lécher le ciment pas encore sec. En construisant un joli pont, on récupère un peu d'air mais le béton nous rattrape et le synthé se fait plus angoissant. Il n'y a pas d'échappatoire, ou alors elle sera létale, "Suicide summer" nous amène dos au Mur, pour s'en sortir il va falloir se battre avec ce clavier tourbillonnant, ces riffs tailladants, ce chant harassant et un rythme qui gagne en intensité, on se sent oppressé, emprisonné, le seul moyen de s'évader serait-il le dernier ? La construction de "Inner hole" se fait sur une base plus lente (pour saper une nouvelle fois l'image "black metal" adossée à Mur ?), c'est parfois rock, c'est souvent chaotique, derrière le filtre de la voix on sent poindre quelques volontés harmoniques, la dynamique nous emporte et les six minutes passent très vite. Au-delà, on trouve un autre Mur, celui qui propose une reprise et une aventure plus synthétique dénuée de chant, "Such a shame" vient matérialiser l'amour des années 80, le hit de Talk Talk n'en est pas à sa première revisite mais là, il prend du gras et même la boucle iconique n'arrive pas à nous faire reprendre un peu de hauteur, cette version est exceptionnelle et le break avant le final est un petit bijou. Étrangement, le dernier parpaing, "Truth", peut davantage être perçu comme une fondation, comme pour l'artwork (classe), c'est Alex et ses machines qui font tout le boulot (ou presque), il offre 10 minutes d'exploration sortant du cadre mais en conservant des fondamentaux puisque les principaux outils sont les ambiances, les sonorités et les variations. Le Mur est plus important que les briques, cette dernière trouve donc sa place dans l'édifice.
Au pied (du Mur) levé, les Parisiens ouvrent leurs horizons et livrent un peu d'eux-mêmes avec Truth, une vérité qui, dans les textes, a pour principal sujet l'humanité mais qui au final va au-delà de ce thème et nous en dévoile un peu plus sur le combo même si on n'avait pas l'impression que les musiciens se cachaient derrière.
Publié dans le Mag #47