Je les pensais à la limite du split, faute de nouvelles, et v'là-t'y pas que Mononc' Serge et ses acolytes métalleux d'Anonymus ont refait surface début novembre avec un nouvel album et se sont fait un petit plaisir dans la foulée, à savoir une virée européenne de neuf dates dont les trois dernières en compagnie d'Ultra Vomit. Mais avant son apothéose, le "métal canadien français" est passé à deux pas de chez moi, à Glazart. Immanquable pour ma part, j'ai convaincu JC, notre photographe, de ne pas louper ça, à la fois en termes de show, mais également pour immortaliser ce souvenir. On vous livre un petit résumé de cette soirée, ma foi, fort bien sympathique.
Mononc Serge & Anonymus / Glazart (Paris)
Très occupé par sa carrière solo et ses shows en pagaille dans la Belle Province, Mononc' Serge a surgit avec ses copains d'Anonymus, après 16 ans d'absence discographique, en livrant Métal canadien-français, un troisième album à l'humour, à la vulgarité, voire à la caricature poussée à son paroxysme. En gros, on sait pourquoi on se rend à un spectacle de Mononc' Serge & Anonymus : pour avoir du fun ! Et l'on mesure la chance de les voir en Europe car leurs passages sont rares ici(tte) (ils n'étaient pas revenus depuis 2011, d'après mes recherches).
En attendant l'arrivée sur les planches de l'ex-bassiste des Colocs et de ses musiciens métalleux, c'est Sleazy Town (à ne pas confondre avec Sleazy View, Sleazy Joke, ou encore Sleazyz), une formation parisienne de hard rock glam qui ouvre le bal de cette soirée électrique. Pas forcément ma came sur disque, qui plus est peu réceptif au départ de leur show en partie du fait de mon voisin de foule, bassiste amateur, qui me branchait sur sa passion, son apprentissage de l'instrument, et m'expliquait que le son du bassiste n'est pas "à la hauteur", je prends progressivement goût à ce rock groovy et énergique. On entend toutes sortes de messes basses voler dans l'air entre les morceaux entre les "Yeaaaah !", tels que "C'est du Lynryd Skynyrd plus costaud, mais mal fait" ou "Purée, on se croirait à la fête de la musique". Il est vrai que ce n'est pas très original, d'autant plus que le style proposé est bien loin de la tête d'affiche qui lui est orienté sur un metal hybride parodique (dommage qu'on n'ait pas pu les voir avec Ultra Vomit). Toujours est-il que Sleazy Town est concentré (pour ne pas dire un tantinet timide), récite très bien sa leçon, et fait honneur à tout un pan de la musique rock américaine sudiste des 70's/80's. J'y vois notamment des similitudes avec les Backyard Babies, c'est pour vous dire le degré de mélodies charmantes, de riffs rock n'roll tranchants, et de rythmiques propices aux lâchés de tifs qu'on a pu se prendre en pleine face. Mention spéciale au chanteur de Sleazy Town qui, de par sa prestance/présence, a donné un peu plus d'intérêt au concert, notamment en communiquant avec un public réceptif (bien que venu surtout pour headbanger sur Mononc' Serge & Anonymus), mais peu nombreux comparé à la capacité d'accueil du Glazart. Peu importe, l'audience et la scène est déjà chaude et prête pour les cousins québécois.
Une audience qui n'est pas là par hasard. Il faut être Québécois ou avoir séjourné/vécu là-bas (ou s'intéresser fortement à la culture musicale québécoise) pour connaitre et se faire à l'univers déglingué et trash de Mononc' Serge. La présence de maillots/t-shirts à l'effigie du CH (l'équipe de hockey de Montréal) ne trompe pas. L'humour parfois potache, voire limite, fait partie intégrante de l'arsenal du sosie de l'humoriste français (lui aussi trash) Julien Cazarre, et les gaziers débarquent sur scène cette fois en tenue de métalleux grotesque (veste sans manches en jean patchées, bonnet rouge et une sorte de ceinture foulard colorée ridicule). Leur nouvelle lubie ? Après la musique barbare, c'est le métal canadien français (titre du nouvel album) qui fait office d'identité donnée à leur style chanté évidemment en québécois avec tout le parlé, le lexique et les références culturelles qui vont avec ("La bataille du vendredi saint", "Woodstock en Beauce"...). C'est d'ailleurs le morceau éponyme qui ouvre les hostilités de ce show cartoonesque où une bonne partie des musiques dites "metal" y passe (thrash, groove, heavy, punk hardcore et mélodique, death, hard rock, glam, power ballad...). Malgré un petit souci de sous-mixage de la voix de Serge, le groupe enchaine majoritairement et avec une ferveur inimitable sur les tounes de son dernier disque. Serge s'époumone (la voix aiguë absolument fendarde sur "La bataille du vendredi saint"), hurle ("La ligue du vieux pouèl") sur des titres aussi hilarants que techniquement bluffants. Anonymus, qui participe aux chœurs, joue aussi vrai que Serge parle ("J'parle vrai"), les fans galvanisés sentent la sueur ("Je pue pas, j'sens le punk"), ça parle de "Shitty accent" ou encore d'hommage aux groupes qui rendent des hommages aux groupes... Bref, le quintet nous conte leur vie de métalleux avec entrain et avec des détails bien croustillants. Cela ne m'étonne pas qu'ils cartonnent outre-Atlantique.
Le clou du spectacle survient sur le tube "L'âge de bière" sur lequel Mononc' Serge fait monter une femme pour taper un cul-sec de Kro sur scène en mode rire gras, airs paillards et discours à faire trembler la bien-pensance. Venant de lui, on s'en amuse, surtout lorsqu'il enchaine avec un autre morceau emblématique de son répertoire, à savoir "Les patates". Le groupe nous occupe tellement que son concert file à une vitesse impressionnante. Après nous avoir parlé de la "Bonne année", Mononc' Serge & Anonymus terminent leur show avec l'énigmatique mais violente "Musique barbare", puis sur une touche plus solaire avec une reprise punk de "Ogunquit", titre country que le chanteur avait sorti en solo en 1998. On se souviendra longtemps de ce spectacle unique en son genre, qui nous a permis de retrouver cette chaleur québécoise qu'on vit habituellement là-bas, et plutôt dans la chanson traditionnelle qu'à travers cinq vieux zigotos qui n'ont définitivement pas envie de grandir.
Set-list : Métal canadien-français / Les fêtes en enfer / La bataille du Vendredi Saint / Woodstock en Beauce / Hommage aux hommages / Shitty accent / Un clown pour grand-pôpa / La ligue du vieux pouèl / Moé mais en mieux / J'pue pas, j'sens l'punk / J'parle vrai / Sa'coche / L'âge de bière / Les patates / Bonne année / Barbare / Ogunquit 2.0
Merci à Séverine de Rage Tour.
Photos : JC Forestier
Publié dans le Mag #63