Metal Métal > Mastodon

Biographie > Bestial headbanging metal

Mastodon se forme en 1999 à l'initiative de Brann Dailor (batterie) et Bill Kelliher (guitare), deux ex-Lethargy et Today is the day période In the eyes of God. Après un déménagement vers le royaume de Coca-cola, autrement dit Atlanta, les deux font la rencontre de Troy Sanders (basse/ chant) et de Brent Hinds au détour d'un concert de metal. Le line-up du groupe est alors constitué. Une première démo voit le jour en 2000 puis deux EP (Slick leg et Lifesblood) l'année suivante. La machine de guerre Mastodon est sur les rails, les critiques élogieuses pleuvent sur le groupe alors même que les mélomanes avisés attendent de pied ferme le premier album du groupe. L'assaut auditif vient un an plus tard avec Leviathan. Critiques et public sont à genou, Mastodon est proclamé comme l'un des meilleurs groupes estampillé "metal" des années 2000. Le phénomène est en marche, plus rien ne l'arrêtera, le groupe sortant à intervales réguliers (Leviathan en 2004, Call of the Mastodon [EP] et Blood mountain en 2006) des efforts qui cartonnent les charts "hard/metal" et dont la plupart ne se remettent toujours pas même après d'innombrables écoutes.
De retour en studio en 2009, le groupe s'offre les services de Brendan O'Brien pour l'enregistrement de Crack the skye, un pas considérable dans la discographie du groupe. Préférant les lignes mélodiques aux growls, le groupe développent des ambiances progressives ,très influencées par les maîtres du genre, Yes entre autres. Un album magistral et grandiloquent, avec l'ether pour thème. Bien que chez Warner, le groupe originaire d'Atlanta persévère dans des compositions à l'opposé des formats radiophoniques. Sans doute la raison pour laquelle le groupe est encore trop peu connu, notamment en France.

Review Festival : Mastodon, Main Square Festival 2014

Mastodon / Chronique LP > Emperor of sand

Mastodon - Emperor of sand Malgré d'énormes tournées, Mastodon ne laisse jamais passer plus de trois ans entre deux albums. Emperor of sand est leur septième, déjà, et sans forcément déplaire à ses aficionados, il risque d'élargir encore le cercle de fans. Certains éléments rappellent Crack the skye (même style d'artwork, même producteur, présence de Scott Kelly, titres autour d'un même thème...) mais ici, on a onze titres plutôt courts (trois ou quatre minutes pour la grande majorité), les habitudes sludge et progressives du combo ne sont plus présentes que par petites touches. Ultra accrocheur par leurs mélodies et le peu de temps que demandent les titres pour "rentrer dedans", on peut considérer cet opus comme "pop" au regard de leur discographie...

Hargne et puissance définissent toujours Mastodon mais là où on avait découvert un groupe ultra tranchant et froid dans le son il y a une dizaine d'années, nous voilà avec un métal très poli, aux coins arrondis, aux sonorités chaleureuses. Brendan O'Brien est un spécialiste des monstres du rock (Pearl Jam, Neil Young, Stone Temple Pilots, Red Hot Chili Peppers, Audioslave, Bob Dylan, Aerosmith, Soundgarden...) et du métal (AC/DC, Rage Against the Machine, Korn...), il n'a pas son pareil pour rendre accessible des idées parfois violentes, le phénomène de rejet que peut provoquer le gros son est estompé, la ménagère peut écouter Mastodon sans hurler après deux secondes. Ce choix d'apparaître plus rock ("Precious stones", "Roots remain") n'entâme pas pour autant l'envie d'en découdre et d'envoyer du riff percutant sur des rythmiques qui ne le sont pas moins, Mastodon a un nom à faire respecter et fait honneur à sa réputation en combinant force instrumentale et variations vocales du dur au doux ("Sultan's curse", "Clandestiny"). C'est quand ils jouent à ce petit jeu qu'ils sont irrésistibles. Tout comme quand ils invitent des amis à prendre part à la fête, que ce soit l'habitué Scott Kelly (Neurosis) sur l'orientalisé "Scorpion breath" blindé de nervosité ou Kevin Sharp (Brutal Truth) sur "Andromeda" qui s'amuse avec le tempo, les mecs se fondent dans le paysage, n'ajoutant qu'une petite touche personnelle histoire d'élargir encore davantage le spectre offert par Emperor of sand. Enfin, pour ceux, qui, comme moi, regrettent la mise en retrait des passages les plus progs, le groupe nous abandonne avec un "Jaguar god" qui au fur et à mesure gagne en complexité, mettant en avant la technicité des musiciens et leur capacité, intacte, à créer des titres labyrinthiques mais ô combien excitants.

Publié dans le Mag #28

Mastodon / Chronique LP > The Hunter

Mastodon - The hunter Pas facile d'écouter ce nouvel effort de Mastodon. Fini les concept-albums comme Leviathan ou Blood mountain à l'aspect beaucoup plus immédiat et à l'écoute directe. Cette nouvelle mouture, nettement bien plus finalisée, est une nouvelle étape dans la carrière musicale du quartet d'Atlanta. Si tu n'es pas fan de métal, cet album est surement pour toi. Compositions léchées, son massif, un tsunami sonore même. Il n'y a qu'a jeter un coup d'oeil au nombres de pistes de guitares et de basses enregistrées pour "Curl of the Burl", titre que le groupe a mis en téléchargement pour un temps limité : entre 4 et 5 guitares en simultané et le double sur la longueur totale du titre. Au final, on donne dans l'orchestre de guitares ici, résultant en un son absolument monstrueux mais aussi une perte immense en définition et subtilités.
Les titres ne sont pas si moches que ça en fait, par contre le morceau éponyme de l'album est lui particulièrement chiant. On s'ennuie sec, une ballade électrique lente et presque mélancolique. Les mauvaises langues diront qu'il s'agit là d'un hommage au frère de Brend décédé pendant l'enregistrement de l'album et donc par ce fait même, tout à fait inattaquable, certes. Mais musicalement, à part le travail d'arpèges à la guitare, c'est un peu chiant tout de même. Mais qu'on se rassure dans les chaumières, quand Mastodon se prend pour Pink Floyd sur "Creatures lives", c'est du même acabit. Une piste de seconde zone.
Mais qu'est-ce qui cloche sur cet album en fait ? Bah, la production. C'est surproduit, un peu trop poli et un peu trop dense au niveau sonore. Mastodon s'est calmé au niveau composition, moins de riffs complètement hallucinants comme sur Crack the skye, mais toutes les pistes de guitares sont doublées voire triplées. Du coup on étouffe un peu sur "Curl of the Burl" et sur "Black tongue". Et c'est vraiment dommage car il y a des refrains très, très bien de-ci de-là. Une lueur d'espoir sur le solo de "Black Tongue". Mais un titre comme "Octopus has no friends" en souffre un peu en étant brouillon. En fait, la pochette est à l'image de l'enregistrement de cet album, quatre mâchoires pour ce monstre mythique en bois, mi-ours mi-cerf. Et ouais, deux de trop, ça ne se mord pas la queue, ça se mord la langue. "Dry bone valley" propose un refrain qui sonne comme un répit en fait. D'accord les overdubs en veux-tu en voilà, c'est bien aussi, mais seulement quand c'est utilisé à bon escient, "Thickening" en donne un bon exemple pendant la partie lente du solo.
Les gremlins ont aussi invité Scott Kelly de Neurosis sur "Spectrelight" où tout découle d'un riff survolté. Là, on ne s'ennuie pas, ça envoie du grain de manière inconditionnelle. Un titre en total contraste avec "The sparrow", lente ballade qui monte en neige doucement mais surement, comme quoi avec un peu d'effort...
Contrairement à Crack the skye absolument impossible à restituer proprement en live dans sa forme "initiale", de part sa complexité, il serait intéressant de voir comment Mastodon titre son épingle du jeu avec The Hunter en live et sans filet.

Mastodon / Chronique LP > Crack the skye

Mastodon - Crack the skye Mastodon fait désormais partie des grands. Quiconque oserait le nier n'a qu'à se référer à la qualité de leur répertoire et du côté du standing des groupes avec qui les américains tournent depuis quelques années (et qui d'ailleurs ne tarissent pas d'éloge à leur sujet). N'est pas dans la New Wave of American Heavy Metal qui veut ! Mais leur signature chez la major Reprise Records (un des labels de la Warner) n'est peut-être pas si étrangère à ce succès. En tout cas, cela ne les a pas empêché de sortir un fracassant Blood mountain il y a plus de trois ans déjà. Mes oreilles s'en souviennent encore et Mastodon avait réussi le pari de ne pas refaire un Leviathan bis, album qui restait comme le plus réussi de leur courte discographie. Plus qu'attendu, le nouveau chapitre musical des gars de l'Athènes du sud dépasse tout ce que l'on pouvait imaginer. Mieux qu'une évolution, Crack the skye vient littéralement sonner l'heure de la renaissance du groupe, une nouvelle ère tournée vers ce que l'on appelle plus communément le métal progressif. Avant même d'insérer la galette, l'auditeur a le petit indice qui tue : le menu de ce quatrième album contient 7 titres pour 50 minutes dont deux titres dépassent les dix minutes. Autant dire que l'on ne risquait pas de s'ennuyer à l'écoute de ce Crack the skye. Ayons tout de même une petite pensée aux mordus de la première heure risquant de se mordre les doigts à la découverte de ce disque. Et comme toute formation "prog" qui se respecte, la technique et la composition instrumentale ainsi que l'histoire et le visuel entourant l'album sont au rendez-vous et d'une importance capitale (au moins pour les protagonistes). Le bassiste Troy Sanders avait prévenu les fans peu avant la sortie : "Au fond, on explore l'éther. On dissèque la matière noire qui domine l'univers, embarqués dans une coquille de noix". L'éther, voici donc le fondement, la raison de la naissance de Crack the skye. L'histoire ne dit pas si ils en ont sniffé pendant l'enregistrement mais une chose est sûre, ils ont dû se les casser (les noix), pour arriver à ce résultat. Produit par Brendan O'Brien (Pearl Jam, Rage Against the Machine, Incubus, AC/DC ou Bruce Springsteen font partie des artistes dont il s'est occupé) avec la complicité de leur grand ami et confident Scott Kelly de Neurosis (qui chante d'ailleurs sur "Crack the skye"), ce nouvel opus est hanté de chemins sinueux où les harmonies cristallines et saturées viennent croiser sur leurs passages des riffs mastocs communs au groupe. Le son de Mastodon n'en est pas franchement dénaturé, la marque de fabrique est toujours là mais ce qui frappe est davantage le ralentissement global et la lourdeur du tempo, le travail mélodique des voix et l'ajustement ainsi que la complexité des compositions. Pourtant, les Américains nous avaient laissé un avant-goût sur Blood mountain à l'instar du début de "Capillarian crest" qui fait terriblement penser à "Quintessence" avec ces chevauchées de notes, pas loin d'un The Mars Volta pour le coup. Comme les derniers cités, le rendu technique est souvent poussé tellement loin que Mastodon en perd son caractère direct et agressif (tout est relatif !) au profit de la mélodie et de la musicalité (notons la présence du banjo sur "Divinations" et d'un mellotron). En somme, le dernier effort discographique de la bande à Brent Hinds est d'une maîtrise hallucinante à se demander si la reproduction en live ne posera pas de soucis et digne d'un chef d'œuvre au vu de la qualité de chaque chanson. Après la livraison d'un opus de ce gabarit, la grande question est de savoir si Mastodon arrivera encore à nous surprendre à l'avenir.


Note : Crack the skye relate l'histoire d'un jeune paraplégique quittant son corps meurtri et s'envolant dans l'espace. Arrivé trop près du soleil, son cordon ombilical dorée le reliant à la terre fini par brûler. Il voyage alors dans le temps de la Russie tsariste où on lui inculque les valeurs Khlysty, secte russe où ses membres (dont le célèbre Raspoutine) pensaient pouvoir vaincre le péché par le péché. C'est ainsi que ce jeune homme rentre dans le corps du fameux mystique errant et va être averti de l'imminence de son assassinat puis transformé en martyr. Après sa mort, son esprit quitte le corps de Raspoutine puis passe par une fissure dans le ciel pour revenir guéri sur Terre. Skye est un jeu de mot avec le ciel et le prénom de la sœur du batteur Brann Dailor qui s'est suicidée à l'âge de 14 ans.

Mastodon / Chronique LP > Blood mountain

Mastodon - Blood Mountain Après le monstrueux Leviathan, Mastodon change de catégorie, quittant Relapse pour signer chez une major, en l'occurence WEA (Warner). Une manière de s'assurer une exposition "taille patron" pour eux, la question évidente que suppose ce nouveau statut étant évidemment de savoir si le groupe aura su conserver son intégrité artistique... Une fois passé un assez poussif "The wolf is loose", le groupe pose son "Crystal skull" sur la table de mixage et démontre qu'il n'a en tous cas pas vendu son âme au diable (ou au dieu dollar$), d'ailleurs le groupe clame à qui veut l'entendre que le label leur a laissé une paix royale pour enregistrer le disque qui fait l'objet de la présente chronique. Des riffs incisifs empilés avec une vitesse d'exécution proprement remarquable, une puissance qui secoue bien comme il faut et un batteur qui se met en format "pieuvre" pour imprimer un rythme, effréné, qui permet au groupe d'enfiler les morceaux sans sourciller. Que du lourd... Pourtant (oui, il y a un "mais"), dès les premières secondes et ce jusqu'à "Pendulous skin" en passant par "Hunter of the sky" ou "Bladecatcher", ce Blood mountain manque parfois (souvent) singulièrement d'âme.
Comme si les américains avaient eu tendance à réduire ce disque à une simple démonstration formelle, certes plutôt bluffante, mais qui ne passe pas facilement le cap des écoutes répétées. Parfois stérile donc. La faute à des compositions plus axées sur la maîtrise formelle et un chant manquant de charisme. Même si Mastodon, au détour d'un riff enflammé, réserve ici quelques petites pépites métalliques calibrés pour carboniser les enceintes. "Sleeping giant" est de celles-ci, grand huit musical magistral, montée en puissance savamment orchestrée, crescendo volcanique, explosions de décibels et mélodie corrosive à souhait, les américains haussent le ton avec ce brûlot auditif, sans doute l'un des meilleurs titres de leur discographie. Verdict similaire sur un "Capillarian crest" tout un ruptures ou un "The colony of birchmen" qui a lui seul cristallise en quelques quatre minutes et dix huit secondes, tout ce dont est capable Mastodon. Riffs conquérants, tentations 70's assumées, des mélodies qui secoue les tripes et toujours cette maîtrise implacable qui fait froid dans le dos. Le groupe démontre clairement qu'avant d'être un bon musicien qui se respecte, maîtriser les bases techniques aide considérablement à se montrer convaincant. Car malgré quelques morceaux un peu décevants, eut égard au passif du groupe avec Remission et Leviathan, le groupe démontre avec "Hand of stone" et "Siberian divide" qu'il reste un imposant représentant de la scène metal nord-américaine... même s'il avait déjà fait assurément mieux avec ses précédents opus.

Mastodon / Chronique DVD > The workhorse chronicles

mastodon_workhorse_chronicles.jpg Au lieu de sortir un simple DVD live ou un vague objet auto-promotionnel façon Korn, les Mastodon on voulu se faire plaisir et satisfaire leur "fancore" avec un objet en forme d'anthologie. Une petite d'heure de docu avec Brent Hinds qui se fait interviewer sous la douche ou Bill Kellilher qui fait son coming out, en plein magasin, de collectionneur invétéré de figurines de Star Wars... La caméra suit le groupe, donc l'intimité d'une bande de gars finalement très cool, pas toujours très sérieux et qui finalement n'ont d'autre rêve dans leur vie que faire headbanguer des hordes de metalheads déchaînés. Petit détail qui a son importance, l'absence de sous-titre nécessite de maîtriser un tout petit peu la langue de Shakespeare, même si les images se suffisent parfois à elles-mêmes. Ceux qui veulent voir les américains en confession intime face caméra seront comblés, les autres pourront découvrir un quartet tout ce qu'il y a de plus normal, la seule différence avec eux et des voisins qui jouent dans leur garage étant le succès (mérité) rencontré par leurs deux albums.
Au rayon live, Mastodon n'a pas trop voulu jouer la carte du conventionnel en incluant un show entier et a plutôt préféré nous balancer une petite trentaine d'extraits live compilant l'essentiel de la discographie du groupe à cette époque (on est alors début 2006 et Blood mountain ne sortira qu'à la fin de l'année). L'EP Lifesblood, les deux albums Remission et Leviathan, le réalisateur de ce The workhorse chronicles a choisi avec le groupe de suivre les américains dans des salles de relative petite taille. Conséquemment, la densité sonore délivrée par le combo n'en est que renforcée (enfin supposée) et donne une fulgurante impression de puissance de la part de Mastodon (mais pour les spectateurs du show uniquement), un groupe qui malgré sa signature chez une major, semble avoir gardé l'authenticité de ses débuts et surtout son concept originel : envoyer de bois dans les écoutilles des spectateurs et auditeurs. Gros bémol cependant, si l'idée d'exhumer les archives live du groupe peut paraître attirante sur le papier, dans les faits, étant donné que les shows ont rarement été enregistrés dans des conditions professionnelles, ça fait très roots, voire un peu underground et c'est par conséquent à réserver aux déjà connaisseurs de l'oeuvre du groupe. 3 clips ("March of the fire ants", "Blood and thunder" et "Iron tusk") complètent ce The workhorse chronicles qui n'est, reconnaissons-le, pas le meilleur moyen de découvrir l'oeuvre du groupe, mais qui se révèlent un sympathique objet pour tous ceux qui ont suivi l'un des groupes phares de la scène métal nord-américaine depuis une petite dizaine d'années maintenant.

Mastodon / Chronique LP > Leviathan


mastodon_leviathan.jpg Embarqués aux côtés du capitaine Nemo dans une équipée qui nous mènera aux confins de l'irrationnel, nous voilà en face d'un monstre annonciateur d'un cataclysme musical à venir. Après le mur sonique Remission sorti en 2002, Mastodon enfonce brutalement le clou avec Leviathan, une phénomènale hydre musicale à la technicité hallucinante. On pensait avoir pris une claque avec le premier album du groupe, erreur, ce n'était qu'un efficace galop d'essai. Cette fois, tout est en place pour un album pachydermique mais inventif, puissant et devastateur. Prisonnier de la plus profonde des failles océaniques de notre monde, on assiste incrédule à l'avènement d'une créature musicale à nulle autre pareille. "Blood and thunder" (avec Neil Fallon de Clutch en guest) sonne le premier gong, la bête est lachée... et elle a faim de décibels. Les morceaux s'enchaînent dans une foudroyante tornade de riffs massifs et de rythmiques à la complexité proche de Today is the day (dont deux des membres de Mastodon ont fait partie).
"I am Ahab", "Island", "Seabeast", peut importe l'ordre dans lequel ça nous arrive dans les tympans, de toutes les façons, le groupe nous pilonne les conduits auditifs jusqu'à les faire exploser. "Heaviesque" osera-t'on, véritable hymne au headbang furieux, "Iron tusk" est le single idéal pour démolir sa cloison à coup d'épaule et agrandir son royaume les yeux rivés sur l'horizon, alors que "Naked burn" se fait l'écho des vélléités mélodiques du groupe. Le combo joue avec les éléments et passe en revue la quasi totalité du bestiaire maritime puisque du gentil "Trilobite" (arthropodes marins ayant vécus à l'époque du paléozoïque) de Remission, on passe au "Megalodon" (sorte d'énorme requin blanc de 50 tonnes pour 15 mètres de long qui sillonnait les océans il y a encore 10 000 ans) sur ce Leviathan avant de plonger dans l'imaginaire fantastique et l'épouvante avec "Aqua dementia". Tantôt décousu, tantôt plus massif et compact, cet album est le théâtre d'un véritablement déchaînement de la nature sur notre platine. On pense notamment à Dillinger Escape Plan pour les passages les plus effrenés et à chaque fois, Mastodon en impose par sa maîtrise technique et ses compo aussi tentaculaires que bétonnées jusqu'à l'os. Leviathan est un bloc de marbre, un album-concept qui sonne comme l'assaut fulgurant d'une division de Panzer sur une position adverse à peine protégée. Le dernier titre de Remission était "Elephant man", dont le film est une adaptation romancée de la vie de Joseph Merrick, cet homme victime de diformités extrèmes dûes au Syndrome de Protée et qui inspira à David Lynch l'un de ses meilleurs films ; la transition est toute trouvée avec le dernier titre de cet album, justement intitulé "Joseph Merrick". Où comment Mastodon parvient à s'extraire des profondeurs pour revenir un temps sur la terre ferme, sans pour autant quitter l'univers des créatures hors-norme. Le groupe s'attarde sur l'un des thèmes récurrents de son oeuvre : les "freaks", que l'on retrouvera notamment sur Blood mountain (2006). Une thématique à l'image d'un groupe sinon hors-normes, au moins largement supérieur à nombre de ses semblables. Implacable mais mesuré.

Mastodon / Chronique LP > Remission

mastodon_remission.jpg Remission, étrange titre que celui du premier album de Mastodon à l'artwork particulièrement réussi. Mais, quoiqu'il en soit, derrière ce titre se cache une implacable collection de compositions métalliques, violentes, épiques et surtout incroyablement puissantes. Encensé par une presse spécialisée unanime, considéré par beaucoup comme LE nouveau phénomène metal nord-américain à suivre, le groupe a-t-il pour autant mérité sa flatteuse réputation ? En général, on a tendance à se méfier... Dans le cas présent, à tort. Véritable horde sauvage musicale, Remission est un album qui tendrait à confirmer la tendance : à savoir que ce Mastodon n'est pas un énième groupe au vague succès éclair et à la carrière météoritique en forme de caprice des critiques.
En prenant l'ensemble des sous-genres du rock et du métal dans le creux de sa main (hardcore, thrash, heavy, death, prog 70's, stoner, metalcore et autres trucs en ...core) pour les passer au broyeur et en produire le résultat hors du commun, Mastodon met le paquet d'entrée et ne la joue pas petits bras. Au contraire. Le groupe a les dents longues et enchaîne les uppercuts sonores avec une lourdeur incommensurable. "Crusher destroyer" ou "Burning man" s'enquillent sur la platine et le groupe réussit le tour de force d'atomiser les tympans de ses auditeurs tout en livrant une musique allégorique et tentaculaire ("Trilobite"), à la croisée des chemins narratifs entre Jules Verne et H.P Lovecraft. Fil rouge de l'oeuvre du groupe, la mythologie des créatures monstrueuses marines nous plonge furieusement dans l'oeil du cyclone avant de descendre encore, au coeur des profondeurs abyssales de cet album sans concession. En apnée en train d'explorer les entrailles de la bête, le quartet aurait pu céder à la facilité de produire un album monolithique en forme d'hymne au headbang massif, mais au lieu de ça, il a su nuancer son metal hybride pour broder quelques instrumentations complexes autours de structures toujours plus alambiquées.
Déferlement de riffs lourds et telluriques ("The march of the fire ants"), section rythmique qui assène les blasts avec une furie démentielle, une production incisive et agressive, Remission est un album que l'on peut qualifier de primitif, massif et techniquement irréprochable. Le groupe y titille l'imaginaire fantastique collectif avec un vrai sens de la narration musicale et une maîtrise formelle de tous les instants ("Ole' Nessie", "Elephant man"). Avec Mastodon, Relapse Records (High on fire, Burst, Buried Inside notamment) a trouvé le nouveau fer de lance de son roaster, la scène métal nord-américaine son nouveau maître. La suite ne viendra que confirmer cette impression. Sans rémission.