Mastodon - Crack the skye Mastodon fait désormais partie des grands. Quiconque oserait le nier n'a qu'à se référer à la qualité de leur répertoire et du côté du standing des groupes avec qui les américains tournent depuis quelques années (et qui d'ailleurs ne tarissent pas d'éloge à leur sujet). N'est pas dans la New Wave of American Heavy Metal qui veut ! Mais leur signature chez la major Reprise Records (un des labels de la Warner) n'est peut-être pas si étrangère à ce succès. En tout cas, cela ne les a pas empêché de sortir un fracassant Blood mountain il y a plus de trois ans déjà. Mes oreilles s'en souviennent encore et Mastodon avait réussi le pari de ne pas refaire un Leviathan bis, album qui restait comme le plus réussi de leur courte discographie. Plus qu'attendu, le nouveau chapitre musical des gars de l'Athènes du sud dépasse tout ce que l'on pouvait imaginer. Mieux qu'une évolution, Crack the skye vient littéralement sonner l'heure de la renaissance du groupe, une nouvelle ère tournée vers ce que l'on appelle plus communément le métal progressif. Avant même d'insérer la galette, l'auditeur a le petit indice qui tue : le menu de ce quatrième album contient 7 titres pour 50 minutes dont deux titres dépassent les dix minutes. Autant dire que l'on ne risquait pas de s'ennuyer à l'écoute de ce Crack the skye. Ayons tout de même une petite pensée aux mordus de la première heure risquant de se mordre les doigts à la découverte de ce disque. Et comme toute formation "prog" qui se respecte, la technique et la composition instrumentale ainsi que l'histoire et le visuel entourant l'album sont au rendez-vous et d'une importance capitale (au moins pour les protagonistes). Le bassiste Troy Sanders avait prévenu les fans peu avant la sortie : "Au fond, on explore l'éther. On dissèque la matière noire qui domine l'univers, embarqués dans une coquille de noix". L'éther, voici donc le fondement, la raison de la naissance de Crack the skye. L'histoire ne dit pas si ils en ont sniffé pendant l'enregistrement mais une chose est sûre, ils ont dû se les casser (les noix), pour arriver à ce résultat. Produit par Brendan O'Brien (Pearl Jam, Rage Against The Machine, Incubus, AC/DC ou Bruce Springsteen font partie des artistes dont il s'est occupé) avec la complicité de leur grand ami et confident Scott Kelly de Neurosis (qui chante d'ailleurs sur "Crack the skye"), ce nouvel opus est hanté de chemins sinueux où les harmonies cristallines et saturées viennent croiser sur leurs passages des riffs mastocs communs au groupe. Le son de Mastodon n'en est pas franchement dénaturé, la marque de fabrique est toujours là mais ce qui frappe est davantage le ralentissement global et la lourdeur du tempo, le travail mélodique des voix et l'ajustement ainsi que la complexité des compositions. Pourtant, les Américains nous avaient laissé un avant-goût sur Blood mountain à l'instar du début de "Capillarian crest" qui fait terriblement penser à "Quintessence" avec ces chevauchées de notes, pas loin d'un The Mars Volta pour le coup. Comme les derniers cités, le rendu technique est souvent poussé tellement loin que Mastodon en perd son caractère direct et agressif (tout est relatif !) au profit de la mélodie et de la musicalité (notons la présence du banjo sur "Divinations" et d'un mellotron). En somme, le dernier effort discographique de la bande à Brent Hinds est d'une maîtrise hallucinante à se demander si la reproduction en live ne posera pas de soucis et digne d'un chef d'œuvre au vu de la qualité de chaque chanson. Après la livraison d'un opus de ce gabarit, la grande question est de savoir si Mastodon arrivera encore à nous surprendre à l'avenir.


Note : Crack the skye relate l'histoire d'un jeune paraplégique quittant son corps meurtri et s'envolant dans l'espace. Arrivé trop près du soleil, son cordon ombilical dorée le reliant à la terre fini par brûler. Il voyage alors dans le temps de la Russie tsariste où on lui inculque les valeurs Khlysty, secte russe où ses membres (dont le célèbre Raspoutine) pensaient pouvoir vaincre le péché par le péché. C'est ainsi que ce jeune homme rentre dans le corps du fameux mystique errant et va être averti de l'imminence de son assassinat puis transformé en martyr. Après sa mort, son esprit quitte le corps de Raspoutine puis passe par une fissure dans le ciel pour revenir guéri sur Terre. Skye est un jeu de mot avec le ciel et le prénom de la sœur du batteur Brann Dailor qui s'est suicidée à l'âge de 14 ans.