Mass Hysteria - L'armée des ombres Après un Failles qui n'en avait pas, Mass Hysteria revient sur un nouveau label et avec un nouveau bassiste... mais ces changements ne semblent pas avoir profondément changer le groupe, non ce qui fait que Mass change un peu, c'est surtout le climat économico-politique mondial. L'ambiance n'est plus à la fête et aux simples slogans pour protéger notre environnement, il faut désormais s'attacher à sauver ce qui reste de bon en l'homme, histoire de pouvoir continuer à y croire...

Exit la samba de la "Furia", les rythmes dansants ou les quelques douces mélodies qui arrondissaient les angles saillants, bienvenue à un MH sombre, plus métal et industriel que jamais. Marqués par les guerres, les attentats et les vicissitudes de quelques puissants ("L'homme s'entête", "Commedia dell'inferno", "Sérum barbare"), Mouss et les siens continuent de contempler un monde en feu et à sang et de s'insurger avec leurs armes.
L'armée des ombres laisse donc peu de place aux mélodies, Moustapha est davantage dans la revendication et l'exhortation et tente de suivre les cadences imposés par les rythmes et les riffs matraqués par ses comparses. Dans cette masse sombre de sons qui nous assaillent ressortent des samples extrêmement travaillés, en petites touches ou par nappes, ils sont toujours choisis avec soin et d'une qualité rare. Ils tiennent de nouveau un rôle important dans les compositions et sur cet opus prennent même le pas sur la basse qui en étant plus proche des guitares se fond davantage dans le décor. Les lignes de Vincent sont plus discrètes que celles de Stephan mais il n'était que fraîchement intégré au groupe au moment de terminer les compositions, gageons qu'il s'affirmera davantage par la suite et apportera son empreinte personnelle. La fusion entre des samples omniprésents, une musique dense et des textes acérés n'est pas sans parfois me rappeler un de mes albums de références des années 90' : Utopia de No One Is Innocent, c'est surtout le cas sur "Commedia dell'inferno" ou la gradation de l'intensité et le discours me renvoie aux doux souvenirs de "Ce que nous savons"/"Inside".

Mass Hysteria a beau faire face à L'armée des ombres, il n'en oublie pas sa philosophie première qui tient en trois mots : "Positif à bloc". Taillé pour la scène, l'album fera des étincelles en live et c'est pour répondre à cette "Pulsion" que les Hystériques nous demandent d'être nous-mêmes, d'aimer la vie et de s'accrocher. Des idées que l'on connaît déjà mais dont on ne se lasse pas, surtout qu'elles passent ici parfois avec grâce. Les textes sont en effet, pour la plupart, assez réfléchis et très bien écrits, Mouss se délecte toujours de faire s'entrechoquer les références jouant autant avec la littérature classique (Lamartine, Carroll, Nietzsche, Kessel...) qu'avec la sous-culture culte (X-Files, Aldous Huxley), mettant face à face les technologies les plus modernes et un des écrits les plus anciens (Apple face à la Génèse dans "Commedia dell'inferno" qui voit ensuite s'affronter les idéologies communistes et capitalistes avec Jacques Séguéla dans la peau du chantre de la réussite personnelle). Quand le clin d'oeil n'est pas directement inscrit dans les textes, il l'est dans la dédicace, "L'esprit du temps" est ainsi associé à Edgar Morin (sociologue) et Stéphane Hessel (auteur d'Indignez-vous !). Mouss s'amuse avec les références et se joue de la langue française, faisant sonner "braise" de façon à entendre "Breizh", nous déroutant avec le titre oxymorique "Sérum barbare" et écrivant même un texte assez complexe mais d'une poésie rare : "Raison close". Les interprétations sont multiples (faut-il prendre "Amour" comme le fleuve ?) mais il nous forcément nous incliner face à la beauté de quelques idées comme celle-ci "Dans le coeur c'est un naufrage, fermez l'aorte à clé".

Outre les deux titres bonus, le superbe digipak à l'artwork si inquiétant offre également un DVD où l'on retrouve un documentaire signé Julien Metternich (qui avait déjà bossé sur le DVD Live). Le groupe répond à pas mal de questions et les réponses sont entrecoupées d'images essentiellement captées en live. Mass Hysteria revient sur son histoire depuis Failles et donc sur la rencontre avec MetallicA, le Sonisphere et son incroyable "P4" joué au coeur d'un énorme circle pit, les "vacances" à Nouméa et les 3 concerts donnés en Nouvelle-Calédonie, l'arrivée de Vince, le travail en studio avec Fred, cette fameuse déclinaison d'images qui servent de pochette et bien sûr cette armée des ombres...

Cet album n'est pas un cri sans écho, c'est un album mûrement réfléchi, un album explosif et corrosif qui montre combien Mass Hysteria est marqué par le monde qui l'entoure et ne restera jamais immobile.