Mass Hysteria - Yann
Un vendredi après-midi de décembre. Dans les loges de l'Antipode, les assortiments de bonbons jouxtent des canapés rouges travaillés au corps depuis des années. «Juste une minute et je suis à toi». Les balances sont terminées, Mouss cherche de quoi dédicacer Contraddiction, cette madeleine proustienne. Un objet qui réunit bibliothécaire mal rasé et jeune impatient.
Et depuis ? Des coups durs, des choix impertinents, des échecs, des mouvements de foule. Le groupe est un précédent. Le pilier qui, encore aujourd'hui, fait le lien entre un certain succès et une attitude underground. À l'aise en sous-sol, grisé en haut lieu, méprisé des médias. «Les temps ont changé, raconte Yann. On vit durement».

Le groupe est à Rennes pour défendre sa réputation de bête de scène. Failles, leur dernier album, est sorti il y a quatre mois. «C'est un album un peu plus métal que les autres. Décomplexé de tout». Un sixième opus au budget minimal. «On a fait cet album à l'arrache. On a changé de studio... Quand on est rentré en studio, Fred (Duquesne) n'avait pas entendu tous les morceaux finis. On a tout fait sur le tas. Pour lui ça a été moins facile. Même nous on était pas prêts.» Le rock'n'roll sans l'urgence perd toujours de sa saveur. Mass Hysteria sait en jouer. Coup de poings aux rois des riffs cinglants que sont Rammstein, Failles donne à voir un groupe rassuré.

Méthode coué

Frustrés les "Mass" ? Oui. De ne pas avoir été là pour donner une image réaliste du métal en France. Faute aux médias, la bête noire que le groupe tente de saigner. «On n'a pas notre place dans les médias. Je ne comprends pas qu'on ne soit pas dans une émission comme Taratata. Par contre on invite Motörhead parce qu'il y a des caleçons chez H&M, ça me désole».
Méthode Coué. Le groupe se nourrit de ces épreuves. Y compris le raté de l'album éponyme, en 2005. «On était tellement énervés de louper la production sur l'album noir ». Si le groupe avance, il ne se pardonne pas le choix du producteur de l'époque. Les fans, eux, ont pardonné.
«Cet album en a sauvé plus d'un dans le groupe », confiait Yann en 2007. Le Mass Hysteria d'aujourd'hui s'est cristallisé autour de ce trauma, relançant la machine de guerre. Le groupe n'a jamais été aussi bon.

Ad vitam eternam ?

Non, Mass Hysteria ne tourne pas en rond. Non, Mass Hysteria n'est pas "daté". Faire la première partie de Metallica et remplir l'Elysée Montmartre n'est pas à la portée de tous. En avançant face au vent, le groupe repousse ses limites. Trouve de nouvelles sources. Finit par s'imposer. Ouvre pour Metallica aux arènes de Nîmes. «C'est un des plus beaux jours de ma vie. J'avais des posters de James Hetfield dans ma chambre à 12 ans. Je le croisais dans le couloir j'étais comme un gamin. Ce mec est juste... ». Indescriptible.

Ce que Mass Hysteria fait doit se comprendre à travers toute la complexité de la vie d'un intermittent du spectacle, d'un père de famille. Une férocité simple et évidente : Mass Hysteria n'est jamais aussi performant que quand il est questionné. C'est précisément ce qui doit porter le groupe. Condamné à un entre-deux, jonglant entre coups d'éclat et carrière menée dans la douleur, Mass Hysteria n'accuse pas encore le coup. Ad vitam eternam ?