Plus lourd, plus rapide, plus puissant, plus métal, Mass Hysteria n'est pas du genre à faire du sur place, et même si on ne s'est pas franchement plaint de Matière Noire qui était sans conteste le petit frère de L'Armée des ombres, le changement peut aussi avoir du bon. Pour autant, le fan hardcore que je suis depuis plus de 20 ans a été quelque peu décontenancé par les premières écoutes. Résolument plus massif et avec un tempo de niveau "P4" (qui était jusqu'alors la référence en termes de boucherie), Maniac a de quoi surprendre au début... Et les écoutes s'enchaînant, l'opus apparaît plus comme une sorte d'affranchissement, comme si Mass Hysteria était enfin libre.
Libre de jouer la musique qui leur plaît. Et quand on connaît un peu Yann, on sait qu'il kiffe le métal, de son passé de death metalleux, il distille parfois quelques riffs (qui n'a pas entendu quelques embryons de cover en concert ?), ici, il sort parfois un peu du cadre attendu pour se faire plaisir et honorer ses groupes cultes que ce soit sur "Ma niaque" (Slayer) ou sur "Nerf de bœuf" (cette fin speed en mode old school genre Kill 'em all). Ça joue gros, ça joue gras, ça va faire mal en live ("Reprendre mes esprits", "Se brûler sûrement" et son break final qui promet de grands moments d'extase...) et je vois de chez moi le rictus des gars quand ils ont envoyé lors de l'enregistrement en imaginant le bordel que ça allait foutre devant eux dans les salles... Les racines du groupe sont industrielles et si les samples se font parfois discrets ("Ma niaque", "Partager nos ombres", "Nerf de bœuf"), le dernier morceau vaut son pesant de cacahuètes ! "We came to hold up your mind" est gravement indus, du sampling, un métronome, un bon riff de gratte et surtout un extrait du "Pulp Fiction" de Tarantino pour faire tout péter, "Everybody be cool this is a robbery ! Any of you fuckin' pricks move and I'll execute every motherfucking last one of you", le dialogue qui introduit le film (juste avant que ne débute la musique emblématique avec le titre "Misirlou"), sert de détonateur à un morceau surtout instrumental que ne renierait pas Punish Yourself (qui pourrait le balancer sur Cult movie). Explosif. Tout comme "Arômes complexes", mon titre préféré tant est parfait l'équilibre entre bons textes, excellents riffs, rythmique groovy/punchy et samples bien placés.
Libre d'aller encore plus loin dans les textes puisque les jeux avec les mots mettent en défaut nos oreilles et entre ce que l'on entend et ce que l'on lit, il peut y avoir plus de différence que jamais. La poésie dépasse et dédouble les sens ("Ma niaque", "L'antre ciel ether", "Chaman acide"), tant pis si on se perd parfois à chercher une explication et que se mettent à fumer nos neurones. Libre de continuer à jouer avec les références, qu'elles soient littéraires (les premiers mots de l'album sont "Les racines du mal" qui est aussi le titre d'un roman de Maurice Dantec) ou fassent écho au passé du groupe, rien que dans "Nerf de bœuf" on peut entendre les expressions "À bloc ! Positifs par passion !", "Public impatient" ou "Onde de choc" que les fans ont déjà entendues. La liberté amène également Mouss à s'ouvrir davantage sur un plan personnel, les deux premiers morceaux traitent du même thème : la séparation et la nécessité de faire le point par la fuite ou la méthode Coué (il faut se persuader que "ça va aller". L'amour est encore présent sur "Derrière la foudre" et se retrouve au détour d'autres couplets qui laissent finalement peu de place à la politique et aux maux de la société ("Chaman acide", "Arômes complexes"). Des textes plus personnels qui font aussi honneur à la grande famille MH...
Libre de clamer haut et fort son amour pour ce public qui lui donne l'énergie d'avancer, Mass Hysteria l'a toujours été, consacrant presque à chaque album un titre spécifique sur la musique ("Plus que du metal", "Comme on danse", "Killing the hype (ruff style!)", "Coup2mass"...). Sur Maniac le thème revient plus souvent et se trouve parfois associé au manque d'inspiration (faut-il en tirer la conclusion que parler du public est une solution de facilité ? Ou que c'est ce qui prime ?). Avec "Partager nos ombres", le clin d'œil est appuyé aux "ombres" (qui composent l'armée de fans) qui sont l'essence du moteur Mass, sur "L'antre ciel ether", on trouve des références à la vie du groupe autant dans son passé/présent ("Notre coin VIP c'est le pit !") que pour son futur (Les planètes s'alignent, on vise le zénith !")
S'il fallait résumer ce nouvel opus, je prendrais trois lignes extraites de mon titre favori (qui a intégré mon TOP5 de mes titres préférés et c'était pas si simple), trois lignes qui disent tout et que j'ai hâte d'hurler avec eux :
"À la hache de guerre
Pourfendre l'ennui (...)
Bâtisseurs de rêves réunis !".
Publié dans le Mag #35