Lofofora - Peuh Le cap du deuxième album n'est jamais facile à franchir pour un groupe qui a rencontré un certain succès. C'est un peu le cas de Lofofora et de son premier album avec en guise de locomotive un single, "L'œuf", qui a même connu des passages fréquents sur des radios grandes ondes à une époque ou celles-ci osaient encore passer du rock, du vrai, pas de la soupe édulcorée au possible. Ce fameux cap, les Parisiens désormais exilés l'ont passé sans trop de souci : avec le torse bombé et une bonne dose de radicalisation d'une formule pas totalement métal, plus forcément fusion, mais désormais clairement dynamitée par des influences hardcore/punk.
Si Peuh ! est une réussite totale à mettre à l'actif du groupe, quelques morceaux arrivent à surnager dans cet océan qualitatif. Une atmosphère pesante, une grosse basse qui dialogue avec une batterie, un Reuno au ton grave qui expulse un cri puissant lors des leitmotiv jouissifs et enfin une guitare stridente qui vient renforcer ce climat plutôt tendu. "Amnes' history" est un bel exemple de ce que peut faire Lofofora lorsqu'ils s'essaient aux accalmies temporaires : c'est toujours le prétexte pour revenir encore plus revanchard et chargé en ondes négatives. "Bon à rien" ("rien à perdre !") en contient également des ondes négatives à revendre avec son format punk concis qui le rapproche indubitablement du déjà fameux "Justice pour tous" tandis que "Macho blues" se démarque avec son riff massif et son texte subversif ou Reuno se met dans la peau d'un autre. Il est rare qu'une reprise surpasse l'original, les Lofofora ont réussi ce challenge avec un des classiques des Béruriers Noirs : ils donnent une relecture terrible et un visage plus moderne à un morceau de qualité mais dont les arrangements pouvaient sembler désuets (la boite à rythmes très redondante surtout), c'est plus qu'il n'en faut pour redonner une seconde jeunesse et le statut de tuerie à "Vive le feu". Parce que les Lofofora ne sont pas que des brutes épaisses et qu'ils sont aussi des musiciens accomplis, ils nous offrent en guise de final une collaboration avec le groupe Ekova via un "Shiva skunk special ekova flavour" de 16 minutes de sonorités folkloriques qui célèbrent des senteurs psychotropes enivrantes: un cataplasme musical salutaire après les 12 fessés assenées par les Lofofora. Jamais un titre d'album n'aura mieux convenu. Peuh ! est à l'image de son titre onomatopéique : parfois fulgurant, souvent cinglant, toujours brutal. Mention excellent !