lofofora : le fond et la forme 1. Le fond et la forme
Le Fond, c'est l'âme bien sûr, tandis que la forme, c'est l'apparence... les deux sont indissociables. Alors quel regard portes-tu sur la scène rock actuelle, où l'apparence prend justement de plus en plus de place ?
Forcément il y a à manger... et puis à jeter ! Mais c'est ce qui prouve que le rock est une musique forte, car il apporte beaucoup de diversité. Quant à nous, on n'a jamais éprouvé le besoin de se maquiller pour faire du rock, mais je respecte ceux qui le font !

2. Série Z
C'est le premier titre qu'on a composé pour cet album, l'idée vient de Daniel. J'aime beaucoup le côté Bad Brains du riff. C'est un peu le morceau qui nous a remis en route, à une époque où on n'arrivait pas à écrire.
Le nom ne fait aucunement référence à une certaine culture populaire ?
En fait c'est parti d'une blague entre nous, je trouvais que la ligne de basse ressemblait énormément à un vieux morceau, "Série B"... du coup dans la continuité on a opté pour "Série Z" !

3. Social killer
Un des titres politiques de cet album. On a toujours autant de mal à se résigner, j'ai encore envie de dire des trucs comme ça, parce qu'ils viennent du fond du cœur et qu'encore plein de trucs me révoltent aujourd'hui. Comme le déséquilibre social du pays... vous êtes très respectés par tous et pourtant vous ne semblez jamais avoir eu accès à d'énormes retombées médiatiques et financières, pour autant l'underground n'est pas pour vous un objectif ?
Attends, il y a tellement de vrais miséreux que l'on ne va certainement pas se plaindre... Et puis on n'a jamais cherché à être underground pour être underground, ce n'est pas quelque chose q'on défend à tout prix.

4. Histoire naturelle
J'aime beaucoup la phrase "Laisse l'animal s'exprimer", elle est tellement à double sens : elle met en avant la présence au fond de nous de l'animal que nous sommes, d'un point de vue positif (le retour aux choses naturelles) comme négatif (nous agissons comme des bêtes).
Lofofora a toujours eu des préoccupations écologiques ?
La nature nous fait du bien, on a connu un grand contraste après avoir quitté Paris pour venir dans le sud-ouest... ça nous a fait énormément de bien, que ce soit personnellement que dans notre musique. Ecrire des chansons dans une maison avec des champs et la campagne tout autours (ndlr : le Lot-et-Garonne), c'est le pied !

5. Auto-pilote
Ca c'est mon antidote déprime, c'est une chanson que j'écoute le matin quand j'ai vraiment la flemme de me lever, et qui me sort du lit parce qu'il y a plein de choses à faire ! Ca fait aussi référence au fait que quand tu mets un pied sur la scène, tout part en couille, on est en pilotage automatique...

6. Ici ou ailleurs
"Ici ou ailleurs" est une chanson pour les jeunes qu'on croise dans des bleds paumés et qui se désespèrent parce qu'ils n'ont rien à faire. Le message est clair : "s'il ne se passe rien ici, fais quelque chose pour que ça bouge !"
C'est marrant, j'y ai vu, en regardant seulement le titre, une référence à l'immigration. Est-ce que tu penses que la scène rock actuelle est aussi forte de par le métissage des cultures ?
C'est très cohérent aussi comme interprétation ! Aux USA, la culture rock est beaucoup plus implanté, mais on a vite fait le tour. En France, il y a cet immense brassage de cultures, surtout au niveau des rythmes... l'apport de la musique maghrébine ou noir-africaine est considérable, c'est d'autant plus intéressant pour la scène française et sa diversité !

7. Comme à la guerre
Là la question est d'autant plus évidente qu'on est en plein dedans...
Pourtant j'ai écrit cette chanson il y a un moment déjà, au départ elle avait pour base le conflit israélo-palestinien : il se trouve que pour une question de rime, j'ai parlé alors du croissant contre la croix... et qu'aujourd'hui c'est exactement de ça dont il s'agit. Le plus impressionnant est que tout le monde sait que c'est une guerre économique... même les gamins ! Ma petite fille m'a sorti l'autre jour que " de toutes façons, les Américains, tout ce qu'ils voulaient, c'était le pétrole des autres "... je ne lui en avais jamais parlé, ça montre bien que personne n'est dupe.
Ce qui me choque, c'est plus la façon dont on suit ça, dont les médias nous font vivre le suspens de la guerre comme un feuilleton télé... c'est presque le même suspens que de savoir qui va sortir du Loft !
Sans tomber dans l'anti-américanisme primaire...
Non, par exemple j'ai trouvé formidable la façon dont Sean Penn a pris le risque de partir directement à Bagdad, et finalement toute une partie de l'opinion publique américaine était avec lui, il ne faut pas faire d'amalgame.
As-tu tout de même peur de la démagogie, en en parlant sur scène ?
De toute façon je sais que je prêche des convaincus, je sais que les gens qui viennent à un concert de Lofo ont déjà des idées qui correspondent aux nôtres... je n'ai pas peur de la démagogie, ou plutôt j'assume complètement celle-ci désormais. Je dis simplement ce que je pense, et les accusations de démagogie me passent au-dessus.

8. Requiem pour moi-même
J'ai adoré écrire cette chanson ! C'est merveilleux de s'imaginer sur ton lit de mort, ou au cimetière, avec tout tes proches autours de toi qui te pleurent. La mort te transforme en héros auprès de ceux qui t'ont connu, ils te regrettent tellement ! On a une vision assez occulte de la mort dans notre culture, c'est toujours un grand tabou, alors que dans beaucoup d'autres pays les gens y mettent plus de distance, la mort est une chose naturelle.
Rien à voir donc avec un signe de découragement pour Lofo, même après le départ d'Edgar et Farid ?
Leur départ ne s'est pas très bien passé, heureusement on a retrouvé avec ... et Pierre deux membres solides pour continuer l'aventure Lofofora. C'est rigolo parce que Pierre n'est pas parti en très bons termes d'Artsonic, et qu'on va jouer avec eux dans pas longtemps !

9. Psaume CAC 40
On parlait des guerres de religion, mais le dieu suprême aujourd'hui, c'est quand même le pognon...
Il fait dire qu'on est tous élevé dans cette morale judéo-chrétienne qu'on éprouve un fort sentiment de culpabilité lorsqu'on n'est pas productif... ne pas avoir de travail est devenu la pire des choses ! La culpabilité qu'on pouvait avoir de nos actes, ce n'est plus sous le regard de dieu qu'on l'éprouve, c'est en lisant la Bourse !

10. Bienvenue
J'ai écris ce texte après avoir vu une pub pour Rhone-Poulenc à la télé, tu te souviens de ce spot avec une maman et son bébé dans les bras, auréolés de lumière et avec cette voix qui disait " bienvenue dans ce monde... " : tout d'un coup je me suis demandé de qui on se foutait avec ce genre de pub ! Bienvenue, c'est le contre-pied de tout ça, c'est faire référence à la joie qui étreint tout le monde lorsqu'un bébé arrive dans la famille, tout le monde est gaga, tu vois ces gens complètement ridicules devant ce gosse, c'est beau tout ce bonheur !
Le fond et la forme, c'est aussi un peu la renaissance de Lofofora...
Carrément, si tu le ressens comme ça, ça nous va ! Phil l'a bien dit le premier jour où on s'est retrouvé tous les quatre, "nous voilà reparti comme en 89 !"

11. Alarme citoyen
Un texte que j'ai écrit entre les deux tours des dernières présidentielles, où j'avais voté au premier tour pour la première fois de ma vie. On a tous étés assez choqué, et Phil a eu l'idée de réécrire la Marseillaise, je me suis donc procuré le texte intégral que j'ai en partie réutilisée pour "Alarme citoyen"... prends-toi le texte de "la Marseillaise" et tu retrouveras les même termes, c'est assez troublant car encore d'actualité.

12. Carapace
J'avais eu une discussion avec ma fille, où je lui expliquais que les adultes essayaient toujours de s'endurcir devant les difficultés de la vie, qu'ils ne montraient pas tout ce qu'ils ressentaient. Les gosses sont vachement plus sensibles... j'aimerais ne pas avoir peur de me mettre à nu dans beaucoup de situations.
Et la carapace ultime, c'est quoi ? L'humour, le cynisme ?
Je suis capable de beaucoup de cynisme, comme tout le monde, mais je n'aime pas ça... en fait on a pas besoin de carapace, ça nous bouffe la vie parce qu'on se voile alors la face.

13. L'Emprise
J'entends des voix dans mon crâne parfois, je ne sais pas si on doit appeler ça des intuitions... des fois on fait des choses sans vraiment savoir pourquoi, parce qu'au fond de nous quelque chose nous dit de le faire !
Tu es schizophrène !
J'avais lu un petit article à l'époque dans "Actuel" sur des cas de schizophrénie qui m'avait beaucoup marqué, ça a en partie inspiré cette chanson. Et c'est vrai que la première fois que j'ai vu une vidéo d'un de nos concerts, je ne me suis pas reconnu, je me suis trouvé tout bizarre... on ne réfléchit pas à ce qu'on fait quand on est sur scène, quelque part c'est un autre toi-même qui tient le micro !

Merci Reuno...