Est-ce que Dur comme fer a reçu de mauvaises critiques ?
Reuno : De la part de la presse, on a été assez étonné parce qu'on a pas eu une promo vraiment sérieuse mise en place par notre label pour ce troisième et dernier album qu'on avait à faire avec eux. On s'est dit "putain personne ne va parler de notre disque" et les canards, d'eux mêmes, dans la presse spécialisée musicale nous ont accordé 4 pages en moyenne. On était plutôt étonnament surpris... "étonnament surpris", c'est pas mal ça... plutôt heureusement surpris et puis généralement les critiques de l'album ont été vachement bonnes. C'est marrant, j'ai eu un truc ce matin en photocopies, on parlait de RockSound tout à l'heure..., on est classé à la fois 2ème meilleur album de l'année et plus mauvais disque de l'année. C'est intéressant, je pense que l'unanimité on ne l'a fait pas non plus mais ce n'est pas un souci de notre part. C'est agréable de voir que les gens dans les canards de musique ont fait des critiques plus positives que pour les 2 albums qui avaient précédé.

Vous avez beaucoup attendu votre passage aux Eurocks, après coup ça fait quoi ?
Bof... Rien d'inoubliable. Franchement, c'est pas une atmosphère de festival que j'apprécie particulièrement, je trouve que ça a un côté un peu foire agricole... Le lendemain, on était à Dour en Belgique, ça n'a rien à voir, l'ambiance entre les gens n'est pas la même, l'atmosphère du lieu n'est pas la même alors que c'est juste des stages plantées dans la campagne comme aux Eurocks. Mais y'a un côté moins sponsors à tout va, beaucoup plus "découverte". Moi, les Eurockéennes, j'y avais jamais mis les pieds en tant que public car quand je voyais la prog' je m'apercevais que c'étaient tous les trucs qui avaient marché dans l'année et que y'avait jamais de nouveauté quasiment ou de risques dans la programmation. C'est un festival que je mettrais en opposition aux Transmusicales de Rennes qui est un festival qui a toujours eu pour vocation de faire découvrir des trucs. Moi j'y ai vu Ben Harper ou Morphine en 93, ce n'est qu'en 97 que Ben Harper a eu la consécration en France. Quand t'es programmateur, t'es sensé être à la pointe de l'information, de ce qui se passe, de ce qui sort... Plus ton festival a de l'ampleur, plus on t'envoie des trucs, plus on te sollicite pour faire passer des artistes. A mon avis, le vrai goût c'est pas de dire combien untel a vendu d'albums dans notre pays ou sur notre continent ou combien il a fait d'entrées payantes, la vocation d'un festival c'est mettre des grosses têtes d'affiche car y'a toujours des gens que t'es content de voir, de revoir, ça fait toujours plaisir de voir des dinosaures mais la vocation principale d'un festival c'est principalement de faire découvrir, parce que là c'est des gens qui sont déjà passés en France, aux Eurocks c'est les gens que t'as loupé [rires] ... c'est le rattrapage !

Vous avez dit pas mal de trucs ce soir-là, notamment un petit coucou à Masnada, qu'en est-il aujourd'hui avec ce jeune groupe lorrain ?
C'est juste des gens qu'on croise sur la route depuis quelques années, de part des amis à nous qui ont un groupe qui s'appelle Redrum. On s'est croisé un paquet de fois sur la route et puis voilà, y'a des affinités humaines qui passent donc on avait envie de dire aux gens "allez les voir en concert"

[Farid arrive en sifflotant, le reste de la troupe suit]

Des groupes américains qui font pas forcément une musique facile d'accés deviennent énormes financièrement pour les maisons de disque. En France on en est très loin. C'est un vrai problème pour les jeunes groupes...
Ouais, même pour les vieux, nous [rires]... C'est aussi une question de territoire, le rock français, à part en France, ça intéresse pas grand monde. Mis à part un peu au Québec, en Suisse, en Belgique, il y a quelques groupes, je pense aux Burning [heads] des gens comme ça, qui chantent en anglais et qui sont dans une vague qui leur permet de tourner beaucoup mais faut voir dans quelles conditions. Quand ils font des tournées en Allemagne, c'est des trucs qui leur rapportent pas un rond, c'est pour la gloire, enfin pour le fun surtout. C'est difficile, je connais pas de groupes français qui se soient exportés en Angleterre ou aux Etats-Unis.
Farid : Si, Faudel
Reuno : De groupes de rock !
Farid : Nan, je rigole
[rires]

Pour eux, un des seuls moyens de s'en sortir, c'est recevoir l'appui d'un groupe plus ou moins installé…
R : Mais alors c'est qui les groupes installés ?
Ceux qui tournent facilement...
R : Nous on tourne tourne facilement on va dire et bien on peut pas imposer de premières parties sur des organisations de concert...
Farid : on l'a fait...
R : On l'a fait sur la tournée de Peuh, ça nous a coûté les 3 premiers mois 50 000 francs, un truc comme ça, qu'on a reversé au groupe qui nous accompagnait... On peut pas imposer des premières parties sinon on le ferait, tu parlais de Masnada et y'en a un paquet d'autres à qui on aimerait bien filer un coup de main. On le fait quand on organise nous-mêmes la date, c'est ce qu'on a fait quand on est passé au Bataclan à Paris, on a fait jouer Tripod, un groupe de Marseille qui est vraiment excellent et inconnu sur l'hémisphère Nord de l'hexagone. On a joué avec Kabal aussi...

D'ailleurs ce soir vous jouez seul…
R : Bouououh [sanglots d'acteurs de classe Menez]
Ca vous ressemble pas trop, en général y'a des groupes locaux...
Mais nous, [Farid : on aurait bien voulu] on leur a dit, [Farid : on leur a proposé...] on voulait qu'il y ait un groupe qui joue, on nous a dit "c'est pas la peine"
Farid : En fin de compte, ce soir y'aura pas de public, on va se retrouver avec une salle de CRS [rires]

Comment percevez-vous la scène néo métal française qui a un phrasé assez proche du hip hop et qui vous doit quand même pas mal ?
R : Qui nous doit pas mal [songeur]. Non, dire "qu'ils nous doivent" je crois pas. La musique depuis Robert Johnson et les prémices du blues, la musique n'a fait qu'avancer comme ça, nous aussi on a eu nos influences, on en a encore, on en a plein. Même des supers génies comme Hendrix ou Zappa ont été influencés par d'autres. Peut-être qu'il y a une façon de voir le truc, par ta vision de ce qui existe déjà, de pénétrer vraiment la musique [Farid se marre], parmi tout ce filet qui constitue la musique que j'aime bien, moi je prends tels et tels fils et je vais les tisser différement. C'est comme ça que ça avance depuis toujours. Là le côté néométal, j'ai peur que ça se morde la queue. J'entends vachement les mêmes riffs, tout le monde est accordé en DO, c'est vachement axé sur la rythmique, on entend beaucoup de choses qui se rapprochent de Sepultura Roots, KoRn KoRn, ... Soulfly, des trucs comme ça, trés rythmique, nous on est assez fan de tout ça, de plein de choses lourdes, lentes, même des trucs dark mais ça n'empêche pas la mélodie, quand t'entends des choses comme Tool... Nous on est assez fan de gens qui font du old school, un groupe qui existait qui s'appelle Kyuss aujourd'hui Queen of the Stone Age, un truc influencé seventies, c'est lourd, c'est gras, c'est lent, c'est groove, y'a tous ces ingrédients qu'on aime et qu'on met d'une autre manière chez Lofo.
Farid : c'est vrai qu'on est moins axé sur des groupes cliché 15-20 [ans], des groupes comme Soulfly, KoRn qui touche vraiment le public jeune, ils mettent tellement des trucs rythmiques et simples. Moi, KoRn, le refrain, je le sens arrivé à des kilomètres... Mais bon, j'aime bien...
Reuno : A la limite le dernier groupe de néo-métal qui a vraiment existé, qui a permis à tout le monde de faire refructifier son imagination dans toutes les années 90, c'est Helmet. [approbation générale] Voilà, quand Helmet est arrivé c'était vraiment du néométal, depuis... qu'est ce que c'est que KoRn ? Du Helmet accordé en DO ! ils jouent avec un autre esprit mais y'a rien de nouveau. Helmet ils ont mis la barre, ils ont fait un truc hyper personnel, dans l'image du groupe, enfin dans les textes vachement poétiques, ça n'avait rien à voir avec ce qui se faisait jusqu'alors dans le métal. Ca, ça a influencé énormément de monde. Helmet, c'était, on peut dire du néo métal, en ce moment, y'a pas de néo métal, c'est un truc parce qu'on ne sait plus quoi dire comme terme.
Farid : Des fois j'ai l'impression que le néo métal ça découle de l'indus, genre Godflesh...
Reuno : Helmet avait un côté indus même si y'avait pas de machines, dans le côté technique, casser des trucs, ça a inspiré des groupes avec des machines...
Farid : Je pense aussi.
Reuno : C'est un groupe culte dont on s'en lassera jamais. Ca n'a pas jamais eu le succés d'un MetallicA mais c'est un groupe culte qui à mon avis on écoutera encore avec plaisir dans 10 ans.

Après juillet, il y eu le mois "doute" [!] avec le départ et le retour de Farid, avec un mois de recul vous pensez quoi de cette expérience ?
Farid : Complètement raté ! On voulait que ce soit un truc commercial et ça a vraiment foiré. [rires] Personne s'occupe de nous.
Reuno : On aurait voulu monter une grosse arnaque, un buzz autour de Lofo ...
Farid : Au début, on voulait en tuer un [rires] mais non on va pas aller jusque là quand même...
Phil : Tu vois Doc Gyneco...
Reuno : Du coup on a racketté Doc Gyneco !
Phil : ... il s'est fait de la pub, ça marche bien, nous on a essayé de faire la même chose mais ça a pas marché. En fait c'est pas avec Farid qu'il faut qu'on essaye...avec Reuno ça va peut-être marcher... Ca va faire plus de bruits [rires]… Et puis c'étaient les vacances, tout le monde s'en fout
[rires]
Farid : Ou Reuno qui reforme les Sheriff !
Reuno [sérieux] : dans chaque expérience de vie à plusieurs y'a des hauts et des bas, y'a des moments où c'est bien de prendre du recul, de réfléchir et de se retrouver.
Aprés on en rigole
Reuno : Voilà, la preuve [rires]

Là, vous êtes à Dunkerque, c'est une salle qui vous apprécie énormément...
Phil : Nan, pas du tout ! [rires]
Reuno : Ouais, on avait joué avec Transpunk la dernière fois, nos amis Hollandais.
Farid : On vient parce qu'on donne 50 000 francs [rires]
Phil : Anciens !!! [rires] Nan, le souvenir que j'ai c'est que c'était chaud ici...
Tous : Ouais, ouais.
Farid : Aprés on dira rien parce que ce sera censuré et interdit aux moins de 18 ans, y'a le carré rouge...
Reuno : ... et il faut un écran 22 pouces [rires]
Phil : Mais Farid, on parle du concert putain ! Faudrait pas être accusé de détournement de mineures [dans le doute, je mets au féminin...] [rires]
Reuno : Sans commentaire !!!

Bouba : On va manger dans 3 minutes !!!
Reuno : ouais, attends

Entre groupes, vous parlez de ces "spots" plus chauds, vous échangez des "plans salle" ?
Reuno : Y'a des endroits qu'on évoque avec nostalgie, des vrais endroits. Genre Le Moulin de Brainans, c'est dans le Jura, à côté de Lons-Le-Saunier, tous les groupes qui sont passés par là, tu leurs dit "Moulin de Brainans", y'a le sourire, le rictus qui s'affiche.
Farid : La Laiterie aussi
Reuno : La Laiterie à Strasbourg qui est un plus gros lieu, le Moulin de Brainans, c'est un petit endroit roots, complètement indépendant etc... et qui se démerde super bien. Il arrive à remplir sa salle en plein milieu de nulle part. Tout le monde fait des bornes pour aller là-bas, les gens y vont découvrir des groupes même quand ils ne connaissent pas parce que c'est un bon endroit. Des lieux comme ça où tu sens plus que des gens qui travaillent, une sorte d'émulsion, un truc comme ça. Y'en a pas tant que ça...
Farid : Le fameux café aussi à La Rochelle, Le Casamance ...
Reuno : Un endroit où on est passé je sais pas combien de fois, un petit bar où y'a pas plus de 100 personnes, c'est bien fun
Phil : Et puis on pourra essayer de dire la même chose ce soir aprés le concert : "putain Dunkerque..."

A Dour, vous avez dit à nameless que vous pensiez enregistrer un Live, ça en est où ?
Reuno : On en parlait encore tout à l'heure tiens, au petit déjeuner, ça devrait se mettre en place
Farid : Ca se fait pas n'importe comment...
Reuno : T'imagines que ce live va être autoproduit, il faut qu'on réfléchisse pour savoir quels moyens techniques on a besoin, sur quelle date, comment mettre ça en place, etc... On n'a pas le moyens de dire "OK, on enregistre toute la tournée et on verra à la fin", on n'en est pas là... C'est avant tout une question financière, faut pas se planter, enregistrer les bons concerts dans les bonnes salles.

Sriracha, ce n'est pas que du management, c'est aussi une famille, les échanges par exemple avec Ekova, ça resserre les liens ?
Reuno : C'est déjà vachement intéressant en temps que musicien, d'être dans un lieu où repète des groupes aussi différents que Kabal, LTNO, Ekova...
[Farid : Black Bomb Ä]
Reuno : Black Bomb Ä
[Farid : Call Us As You Wish !]
Reuno : Call Us As You Wish, y'a plein de musiques [Farid : Oneyed Jack] différentes qui se côtoient [Farid : Ricky Martin] [rires], on s'aperçoit qu'on est pas si différents les uns des autres. D'un oeil extérieur tu vas avoir sous les yeux ou entre les oreilles les disques de tous ces groupes-là, tu vas te dire "ça doit être difficile de s'entendre" mais on s'aperçoit que finalement les gens auraient pu jouer dans le groupe de l'autre car on n'a pas des mentalités qui sont si éloignées que ça... les sensibilités non plus mais faut choisir...

Votre asso "Sriracha Sauce" est présente sur Internet, c'est important pour vous ce media ?
Phil : C'est une évolution... C'est une porte ouverte sur la communication donc on s'en sert aussi, c'est tellement pratique, plein de choses sont reliées, y'a de plus en plus de gens
Reuno : On a un pied là-dedans, comme je te disais tout à l'heure, parmi les membres du groupe, personne n'est connecté chez soi. Mais c'est quelque chose qui suscite pas mal de curiosité. C'est un moyen de communications assez exceptionnel. Au départ, j'avais un petit peu la mauvaise image des deux voisins de palier qui discutent l'un avec l'autre par satellite au lieu de frapper à la porte l'un de l'autre. Et je ne sais pas si parce que tu vas discuter avec 50 personnes par semaine à travers le monde ça va t'ouvrir pour autant plus à la communication dans ta vie quotidienne. C'est une question que je me pose. Il ne faut pas tout vivre à travers un écran ! La recherche des sensations en relief, en odorama [rires suite à euh, non, rien. Je balance pas !] et en stéréo c'est pas mal non plus [un portable sonne et bien évidemment "on" -je balance toujours pas...- l'approche du dictaphone]. C'est une question que je me pose.
Farid : C'était quoi la question ?
Reuno : T'avais qu'à écouter !!! Sinon, c'est un media intéressant
Farid : Arrête de mentir, il déteste internet...
Reuno : A mon avis, ça doit véhiculer le pire comme le meilleur mais plus t'as de sources d'informations sur un sujet, plus t'es apte à te faire ta propre opinion. Ca évite le monopole d'informations qu'on subit par les journeaux et la télévision qui ont un peu tous le même ton même s'ils font style "on va plus par ci, un peu plus par là". Là t'as accés directement à des infos différentes traitant d'un même sujet. Ca peut être un bien pour forger sa propre opinion, devenir un peu moins con... à la longue.
Farid : Si ça se trouve, y'aura de plus en plus de trucs et plus en plus de cons [rires]
Reuno : OK, bah ça t'es pas obligé de le mettre [rires]

Bouba : Par contre y'a le 5 titres qui sort
Reuno : Information : on ressort le 5 titres de Lofo qui était sorti avant le 1er album, il était sorti en 93 en indé et tiré à 500 exemplaires...