lofofora : le fond et la forme Soi-disant, Lofofora se serait en quelque sorte assagi avec Le fond et la forme bien qu'à mon avis plusieurs coups de semonces nous sortent de la bulle magique où ils sont en train de nous entraîner... Pour le Fond c'est l'insatiable, l'infatigable Reuno sur un rythme qui se balance, lent, lourd et puissant, un groupe de métal aux envolées éthérées, on se retrouve transporté. Subtils passages sensuels qui rappellent les version soft du Double les guitares sont lancinantes, le groove toujours présent, on y croit Dur comme fer, car ça passe tout seul, et c'est juste pour la Forme. Paroles beaucoup moins noires que sur les autres albums, on assiste à un déferlement poétique, beaucoup plus intime, qui colle de près avec les mélodies. Intro tribale, voix franche, sans ambiguïté, "la folie des hommes chantent à l'unisson, passent dans les nuages de sombres images, comme la terre est ronde, comme l'eau est profonde, comme la route est longue…." ("Le fond et la forme"). Le mal est toujours le même, enraciné, mais cette fois il y a peut-être, un autre chemin que le fatalisme, cette lueur d'espoir qu'on ne connaissait pas encore chez Reuno "le 21eme siècle sera hardcore (…) y'a pas de haut pas de bas, tout dépend en quoi tu crois, les droits que tu t'octroies" ("Série Z"). Parfois la rythmique s'enhardit, la basse plus agressive, la voix lacère, déchire, les mots tranchent, intransigeant ("Social Killer", "Ici ou ailleurs", "Carapace"). Peut-être le meilleur titre de l'album, "Auto-pilote" est bien représentatif de Lofofora en 2003. "Il existe une autre loi que celle des hommes au regard gris, je me surprend à rêver, à décoller du sol ignorant les signaux, les appels qui m'ordonnent de redescendre" Une fois de plus la verve imagée de Reuno nous emmène dans son monde. Toujours aussi ravageur, le groupe joue cette fois la carte de la douceur et du charnel. On se laisse aller, divaguer, on s'élève tout doucement sur ces chansons qui rappellent au souvenir "les liquides de mon corps" ou "Visceral version hot" comme ici avec "Histoire naturelle" ou "Requiem pour moi même". Certains penseront que c'est un peu dommage d'ailleurs que certains titres soient si semblables, mais après tout, doit on toujours demander à un groupe de faire autre chose que ce qu'il sait faire de mieux ? Et doit-on se plaindre lorsque les compos nous restent inévitablement en tête ? Non, bien au contraire... surtout lorsque l'album évite la linéarité aussi facilement. Petite touche métissée avec "Comme à la guerre" et véritable délice musical. Les courroucés Lofo déversent leur rage avec des titres plus métal que jamais, "parfois je me demande quel futur pourri il doit nous attendre, sonnez l'alarme citoyens" ("Alarme citoyen") "tremblez mortels sur la terre comme au ciel !" ("Psaume"). C'est un peu ce qu'il risque d'arriver si Reuno persiste à gueuler ! Heureusement que les guitares sont là pour nous caresser comme sur "Bienvenue" , la voix et les paroles se font chaudes, paternelles, c'est une invitation à la continuité d'un rêve inachevé. Enfin "L'emprise" conclue en beauté cet album, tendrement querelleuse la compo alterne parties virulentes et instrumentales jouissives … "fais nous confiance" …
Les compos touchent nos points vitaux, (re)développent nos sens, et je ne parle même pas du titre instrumental caché (sinon il n'est plus caché). Lofofora va nous faire frôler l'extase avec Le fond et la forme à condition bien sur de ne pas avoir peur de s'envoler vers un autre monde...