Lofofora - simple appareil Voilà, Lofofora l'a fait ! Sortir un disque acoustique était une étape que le groupe - qui est "plus près de la fin que du début" ("Les boîtes") - aurait pu ne pas envisager, comme beaucoup. Pourtant, l'idée s'est formalisée au bout de 28 ans d'existence par le biais de Phil, l'un des fondateurs encore présent avec son compère Reuno. Le temps de récupérer un batteur (Kevin Foley, connu pour ses blasts et son groove dans des formations aussi diverses que Benighted, Mumakil, Sepultura ou Nostromo) afin de remplacer Vincent le temps qu'il finisse son tour du monde en vélo avec sa nana, et le groupe est allé retrouver son producteur actuel, Serge Morattel, pour lui lancer le défi de façonner cet album acoustique dans les anciens studios des Disques Vogue à Villetaneuse. Un challenge que l'équipe tout entière a pris à cœur et qu'on attendait fatalement avec impatience et avec une certaine curiosité. Car Lofofora ne s'était jamais essayé, à notre connaissance, à l'exercice de la chanson acoustique.

Simple appareil met clairement à nu Lofofora. Sa musicalité fait logiquement preuve d'une légèreté qui en devient exquise au fur et à mesure de sa découverte, même les vocalises sont, de bout en bout, d'une étonnante clarté et l'on découvre finalement que Reuno est un chanteur qui sait s'adapter à tous les terrains dont celui de la chanson acoustique rock. Oui, Lofofora reste un groupe rock, même débranché, avec les aspérités qui le caractérise. Qu'elles soient vibrantes et punchy ("L'appétit", "Troubadour", "Sven"), qu'elles inspirent de la quiétude ("Théorème", "Les anges") ou qu'elles nous saisissent d'émotions par ses mélodies légères ("La splendeur", "La dose"), les onze compositions de ce Simple appareil sont comme une bonne sauce aigre-douce accompagnant un plateau de fruits de mer. On s'en délecte, les goûts varient selon le moment et si la formation est passée en acoustique, ce n'est pas pour autant qu'elle rejette d'un geste auguste sa marque de fabrique. En effet, on distingue clairement le riffing et les gimmicks de guitare de Daniel sur des titres comme "Les boîtes" ou "L'appétit" même s'il aime s'essayer à d'autres tonalités comme l'orientale "Le martyr". La basse de Phil a toujours été l'ossature de Lofofora et ne change pas de rôle sur Simple appareil où elle s'impose et se marie merveilleusement bien à la batterie grâce à ce son congrûment granuleux et gras. Quant à Reuno, ses textes non braillés et plus personnels s'en trouvent ainsi davantage mis en valeur et apporte une sensibilité supplémentaire à l'ensemble instrumental comme il a pu le faire par le passé chez Madame Robert. Quelques influences du chanteur viennent se répandre ci-et-là telle l'ombre de Bashung planant sur la langoureuse "Les anges" ou bien sur le titre-hommage au guitariste de Parabellum et du Bal Des Enragés, "Sven" ("On sait que tu n'es pas mort car le soleil brille encore").

Ce nouvel album un peu à part dans la discographie de Lofofora est un nouveau tour de force du groupe. Changer de style (donc une approche de composition différente), d'instruments (les gratteux ont du racheter et se faire la main sur du nouveau matos), incorporer un nouveau batteur habitué à des genres musicaux opposés et plus frontaux, revoir le chant et la façon d'écrire les textes pour qu'ils épousent au mieux l'acoustique, préparer une tournée en réadaptant certains des anciens morceaux, autant de travail et de bouleversements pour une formation même expérimentée comme celle de Lofofora, nous oblige à leur tirer un grand coup de chapeau car Simple appareil a tout de l'album réussi. Encore plus naturellement lorsqu'on a des affinités avec ce quatuor inoxydable.