Lodz Lodz Le nom de Lodz vient de la découverte de scènes tournées dans cette ville par David Lynch, vous êtes allés sur place ?
Eric : Tout à fait, plus précisément le nom du groupe nous est venu suite au visionnage du film Inland empire de David Lynch. Prévois le pop-corn et la pause pipi : le film dure 3h20... Les scènes tournées dans la ville de Lodz nous ont inspirées. Non, nous ne sommes jamais allés sur place. je doute que ce soit une destination à privilégier d'ailleurs !

Quels autres réalisateurs pourraient vous donner des idées ?
Oliv : Notre musique est sûrement teintée d'une inspiration cinématographique, mais nous évitons de composer autour d'une scène ou un film car cela pourrait facilement nous éparpiller. Nous préférons composer un titre de façon plus spontanée car nous avons tous nos propres références, cependant le visuel est inspiré par Lynch car il est moteur dans Lodz.
À côté de ça, je suis un très grand consommateur de films, essentiellement nourri et inspiré par certains réalisateurs dans le cinéma "horrifique" au sens large. Pour ne citer qu'eux en quelques lignes : Kim Jee Won (notamment avec "I saw the devil" ou le dernier "The strangers"), Lars Von Trier (avec l'esthétique paralysante de "Antichrist"), ou encore "It follows" de David Robert Mitchell qui m'a vraiment marqué.
Eric : De près ou de loin, je dirai Richard Kelly, Kubrick, Gaspard Noé, Aronofsky, Von Trier, Inarritu, Nolan, Brad Anderson.

Quelles villes vous inspirent ?
Oliv : Beaucoup, c'est un peu par période, à défaut de pouvoir beaucoup voyager, certaines villes peuvent évoquer un sentiment unique juste en les voyant en photo, et ainsi se sentir inspiré sur le moment. Actuellement, je dirais qu'on est plus attiré par l'essence d'un lieu que des villes, les forêts froides d'Europe de l'Est par exemple.
Eric : Je n'ai pas de ville qui me vient en tête. au final, notre musique n'est pas vraiment « urbaine ». Mais si je devais faire un choix, ce serait surement une ville avec une histoire, un passé glorieux mais qui a perdu de sa superbe, laissant la place aux façades défraîchies et un ciel gris.

L'artwork est très joli, qui a eu cette idée ? Comment s'est-il construit ?
Oliv : C'est Éric le chanteur-guitariste ainsi que son épouse (on cite Studio Wire ? Oui !) qui ont réalisé tout l'artwork de l'album, nous avons été instantanément séduits après le premier essai.
Eric : Oui, c'est moi qui l'ait encore réalisée. On avait envie d'une certaine uniformité entre les pochettes de nos disques. Dans la tonalité, les thèmes, le traité graphique. créer un esprit de « collection » : qu'on puisse mettre les CD les uns à côté des autres et qu'on ait le sentiment d'une « continuité ». Ainsi, nous avons perpétué l'idée d'une égérie féminine qui incarne la part sensible de la musique de Lòdz, dans une nature onirique, irréelle, propice à l'évasion. C'est notre « Eddy The Head », ah ah !

Les images du clip de "Time doesn't heal anything" sont elles aussi très travaillées, c'est assez rare d'avoir un travail aussi léché, un tel niveau, c'est votre exigence ou celle du réalisateur ?
Eric : C'était notre exigence et c'est pour cela que nous avons choisi ce réalisateur. On a beaucoup échangé avec d'autres réal également très talentueux, mais Medhi était vraiment celui qui a su capter ce qu'on voulait. Nos références étaient les mêmes, on parlait le même langage. Lorsqu'on lui a soumis l'idée de départ, tout a été tout de suite très fluide. On avait déjà bossé avec lui pour le précédent clip de notre précédent album et on savait qu'on allait vite être en phase même si on lui demandait un vrai challenge : pouvoir tourner un clip sans montrer le groupe jouer, en dirigeant des enfants dans un scénario onirique, avec une image léchée. Le tout dans un budget très serré évidemment..
Oliv : On a donné carte blanche à Medhi car en effet il semblait vraiment inspiré par ce morceau, c'était aussi un défi pour lui de proposer un clip 100% scénarisé sans apparitions des membres du groupe, et nous sommes super fiers du résultat !

Côté production, aucun risque avec Fabrice Boy qui vous suit depuis longtemps, vous avez évoqué l'idée d'enregistrer avec quelqu'un d'autre ?
Eric : Fabrice est un ami proche mais pour autant, on se méfie de cela. Ca peut nous faire aller vers la facilité. On s'est posé la question de bosser avec quelqu'un d'autre car on voulait un résultat différent de nos deux précédentes sorties. Mais au final, on savait qu'avec Fab, on allait vite parler le même langage. On s'est tout de même un peu battus sur quelques sujets pour lesquels on avait une vision différentes et avons enregistré les voix de notre côté. Mais tout ça a été très constructif, nous sommes contents du résultat même si après coup, tu te dis toujours qu'il y a des points d'améliorations !
Oliv : La question principale qui s'est posée une fois la maquette de l'album finie était "Est-ce qu'on part sur une direction différente ? Plus métal ? Plus rock ? Plus froide/chaude ?" Les titres de l'album avaient besoin de quelque chose de plus organique, plus brut. Du coup, on a pas vraiment hésité à confier l'album entre les mains de Fabrice. On a bossé sur cet aspect authentique avec Fab, je pense qu'il y a un côté plus direct comparé à certaines productions actuelles où la modélisation et le trigg est un réflexe quasi automatique. Vous n'entendrez que des amplis à lampes et des vraies pédales d'effets qui ont gueulé fort dans des micros !

Pour le mastering, vous avez choisi Nick Zampiello, qu'est-ce qui fait que son travail est différent des autres ?
Eric : On a testé trois différents studios pour le mastering, avec trois approches bien différentes. Le mastering est une étape difficile à aborder pour ma part. J'ai du mal à savoir ce qui fait que ça marche chez l'un mais pas avec un autre qui peut pour autant avoir la même renommée et tout autant de talent. Il n'empêche que Nick a été celui qui a le mieux bossé sur ce coup-ci, tout simplement ! Et il est habitué à travailler avec des groupes qu'on aime beaucoup (Converge, Caspian, ISIS...)
Oliv : Il nous a aussi été conseillé par Fabrice car son studio avait déjà travaillé avec lui. On a fait plusieurs essais pour le mastering, celui ne Nick nous a paru être le plus frontal. On a beaucoup insisté sur la dynamique de l'album pour que les passages joués plus doucement ne soient pas aussi puissants que les passages joués forts, afin de conserver l'énergie originale de nos titres. Les morceaux se dévoilent pleinement avec un volume d'écoute assez élevé, ce qui convient plutôt bien à notre musique.

Lodz - Something in us died Le chant clair semble parfois fragile (sur "Negligence") alors qu'il ne l'est pas à d'autres moments, pourquoi avoir choisi de garder cette fragilité ?
Eric : C'est à la fois un choix et à la fois subi. Car je ne suis pas un interprète irréprochable, un super technicien, j'en suis bien conscient. Et j'aurai beau travailler comme un forcené, je n'aurai jamais les capacités vocales pour chanter du Disney, Ah ah (c'est pourtant pas l'envie qui manque !). Cela dit, dans l'univers cathartique de Lòdz, ces imperfections et imprécisions ont leur place je pense, car la fragilité est aussi une composant des émotions transmises dans notre musique. Mais ça peut être clivant pour des gens qui cherchent la perfection d'exécution, c'est sûr. Alors, oui, on aurait pu refaire encore et encore certaines prises pour une interprétation plus solide mais au final, on a préféré jouer la sincérité et laisser cette part de spontanéité sur certaines prises.
Oliv : Je pense que cette sensation est due au fait que la tonalité des guitares est légèrement plus haute que le reste des titres, plaçant la voix d'Éric dans une zone un peu plus fragile. C'est un peu volontaire d'avoir voulu ouvrir sur un titre plus sensible, peut-être pour poser une ambiance moins stable, moins confortable, et prévenir l'auditeur des contrastes entre dureté et fragilité qui se répondent tout au long de l'album.

Vous adorez jouer sur les contrastes et varier les ambiances. C'est devenu une sorte d'obligation ou vous pourriez écrire des titres totalement "clairs" ou complètement "bourrins" ?
Eric : Ce n'est absolument pas une obligation pour nous. D'ailleurs si tu ré-écoutes "Cataract", la pression violente et le côté "bourrin" comme tu dis ne retombent jamais. Je ne crois pas qu'il y a une alternance systématique violent / calme dans notre musique, on compose la musique comme on la ressent tout simplement. On a déjà écrit un ou deux morceaux complètement clairs ou « bourrins ».mais effectivement sur le dernier album, on a accentué les contrastes. Mais bon, honnêtement, c'est pas vraiment calculé. On a fait ça comme ça venait. Notre seul critère est que « ça sonne » et qu'on ne fasse pas toujours les mêmes plans.
Oliv : En effet, c'est naturel pour nous de tisser nos compos sur cette alternance. On ne s'est jamais dit qu'il "fallait" un passage bourrin à ce moment, et un autre passage doux ici, en tout cas, on évite de faire ça sinon on perdrait une bonne partie de notre essence. C'est étrange car beaucoup de gens aimeraient qu'on fasse soit du 100% énervé, soit du 100% clean, mais pas sûr que ça nous réussirait.

C'est aussi la marque de fabrique d'autres groupes Lyonnais, quelles relations entretenez-vous avec eux ?
Oliv : Nous avons des relations amicales avec nos collègues lyonnais, même si nous ne jouons pas assez pour flirter vraiment avec la scène locale. On est toujours enthousiaste à l'idée de découvrir de nouveaux projets du coin, on pense notamment à Vesperine et à Cloud Shelter avec qui on va partager quelques dates !
Eric : Sans aucune langue de bois, on s'entend vraiment très bien avec les groupes lyonnais proches de notre style. On a tous déjà partager des scènes et lever des verres ensemble, l'ambiance est vraiment cool. Maintenant que tu le dis. Y aurait-il une petite lyonnaise touch ?

Vous êtes souvent comparés à Cult Of Luna, ce n'est pas trop lassant ?
Eric : Je t'avoue que je trouve cela assez étonnant. Je suis d'accord qu'il y a une passerelle entre nos musiques, c'est évident. mais qu'ils soient cités aussi souvent, je trouve cela vraiment étrange ! Je pense que c'est un repère « facile » car connu de tous et qu'une partie du public de Cult Of Luna pourrait sans doute accrocher sur Lòdz. Mais à mon sens, c'est une erreur de nous comparer.
Oliv : Cult Of Luna c'est vraiment un groupe immense, on a encore du chemin à faire avant d'atteindre un tel aboutissement. Ils ont inventé quelque chose d'unique, alors oui c'est flatteur d'être comparé à eux, même si en effet, je trouve qu'il y a d'autres groupes français qui mériteraient bien plus d'être assimilé avec Cult Of Luna.

Vous avez des projets de développement à l'étranger pour cet album ?
Oliv : On aimerait énormément avoir ce genre de projet, mais pour l'instant on essaye de fidéliser un public. Nous ne savons pas vraiment où il est susceptible d'être le plus réceptif à notre musique.
Eric : Des projets, des envies, oui. Des opportunités, nettement moins ! Notre label nous travaille aussi à l'étranger, on a des retours vraiment sympas mais ça s'arrête là pour l'instant.

Si vous devez vous vendre aux programmateurs, vous dites quoi ?
Eric : Je dirai avant tout que Lòdz est un groupe live. Le côté cathartique de notre musique s'exprime vraiment pleinement sur scène à mon avis. Et puis, je leur dirai qu'avec notre musique à la frontière de différents styles, on pourrait plaire à un public assez varié. On a d'ailleurs déjà été programmés sur des affiches vraiment variées : rock, punk, post, hardcore, metal. on a déjà joué devant des publics complètement différents !
Oliv : On a beaucoup à exprimer en live, visuellement on bosse sur quelque chose d'unique !
Vince : On est à nouveau prêts à en découdre avec les nouveaux titres, programmez nous qu'on casse tout ! Et merci pour les émotions.