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Interview : Lethvm, Lethitw (avril 2020)

Lethvm / Chronique LP > Winterreise

Lethvm - Winterreise Comme un nuage maussade traversant le ciel dégagé,
lorsque sur la cime des sapins une brise légère souffle :
Ainsi, je suis mon chemin toujours plus avant en traînant les pieds,
au milieu de la clarté et du bonheur de la vie, solitaire et sans ami.
Si seulement l'air n'était pas si calme ! Si seulement le monde n'était pas si lumineux !
Pendant que les orages faisaient encore rage, je n'étais pas si malheureux.


Voilà une traduction d'un passage du voyage d'hiver, recueil de poèmes de l'allemand Wilhelm Müller qui date des années 1820 et qui ont inspiré Schubert pour son Winterreise. Même inspiration et donc même titre deux ans plus tard pour Lethvm qui nous emmène dans une neige particulièrement sombre... Le froid, la folie, la mort, le groupe belge survole ces sentiments, les investit parfois, joue avec la focale pour nous immerger dans le spectacle ou nous laisser à distance pour en profiter. Je ne sais pas moi-même s'il vaut mieux s'abandonner (à nos risques et périls) dans leur musique et se faire cabosser, ronger, taillader, ou rester à l'écart pour mieux l'observer et la voir nous faire hérisser les poils, nouer l'estomac, éroder le cerveau. Si l'univers est teinté d'outrenoir, la lumière arrive régulièrement à se frayer un chemin, par des breaks éthérés, par un chant clair assez présent, par certaines guitares non saturées ou par l'ouverture sur le paradis que propose Elena (chanteuse d'Eosine) invitée sur "Mournful".

Ainsi Winterreise est un album plein de contrastes où Lethvm donne de la beauté aux déchirements, utilise tous ses talents pour sublimer un texte et des sentiments, transformant l'errance et le désespoir en les rendant éblouissant.

Mon cœur reconnaît dans le ciel
Sa propre image
Ce n'est que l'hiver.
L'hiver glacial et sauvage !

Publié dans le Mag #56

Lethvm / Chronique LP > Acedia

Lethvm - Acedia C'est l'acédie, terme oublié qui donne son nom au deuxième album de Lethvm, les linguistes (à qui je fais une confiance aveugle) ont du mal à donner une définition du terme qui a évolué avec les temps et les graphies, le "manque de soin" originel est devenu "un état d'abandon malheureux et angoissé" qui faisait parti des 8 péchés, il a été transformé en "tristesse", en "mélancolie" et peut s'apparenter au "spleen" et a disparu de la liste religieuse des péchés capitaux. Je ne sais quel sens lui accorde Lethvm mais ni l'artwork, ni la musique proposée par les Belges, ne respirent la joie de vivre et les rares chants clairs sonnent comme des prières... Au Moyen Âge, les moines pouvaient être coupables de cette acédie s'il leur arrivait d'éprouver le dégoût de leur mode de vie. Se consacrer à Dieu, c'est souvent accepter de passer son éternité entre de vieilles pierres, ne parler à personne et se faire chier à recopier des bibles à la plume ou cultiver des carottes, interdiction pour autant d'être tenté par la dépression... C'est ce sombre horizon que dépeint le quatuor avec moults nuances de gris et de noirs, la lumière ne pénétrant que très peu dans des compositions qui confessent un amour pour l'Église d'AmenRa. Fidèles au doom le plus morose, les sept pistes serpentent entre marécages insalubres et rocailles griffantes jusqu'à une clairière sonore où un piano semble nous sauver... avant de sombrer lui aussi, emporté par un mur de violence sourde et éraillée, des riffs écorchés et une saturation qui hérisse les poils. Plus sludge que Celeste ou Regarde Les Hommes Tomber et assez proches dans la démarche d'un Phantom Winter, Lethvm ne peut laisser insensible et si tu acceptes de te faire malmener, laisse-toi tenter par Acedia, tu ne risques rien, ce n'est plus officiellement sur la liste des "Seven"...

Publié dans le Mag #42