KoRn - The nothing Il y a presque 10 ans, Korn annonçait se rappeler qui il était avec un Remember who you are plutôt cool, la suite était moins glorieuse avec une série de trois opus qui sont au mieux "bien mais pas top", au pire "largement dispensable", The nothing aurait pu être le simple successeur de The serenity of suffering tant le groupe a cherché à utiliser ses vieilles recettes pour composer ce nouvel opus qui nous renvoie surtout à la grande époque de Life is peachy. Mais voilà, The nothing est plus que cela car il possède un supplément d'âme apporté par un drame. L'ex-femme de Jonathan, Deven, est décédée d'une overdose en août 2018 et même si les relations entre eux étaient devenues conflictuelles, elle restera la mère de deux de ses enfants et la femme avec qui il a partagé quinze années de sa vie.

Après l'entrée en jeu de l'iconique cornemuse, les premiers mots de cet opus sont "Why did you leave me ?" (pourquoi m'as-tu quitté ?), une interrogation marquée par des sanglots (qui rappellent ceux de "Daddy"), Davis a admis que cet opus était en quelque sorte une façon de faire son deuil, on peut bien donc tout (et trop) interpréter et se sentir d'autant plus touché par les ambiances de ce disque lourd et riche en émotions. Le leader de Korn trouve là un exutoire à ses doutes ("What is this I'm feeling ? / Is it a new beginning ? / Am I purging past regrets / Facing the hurt I'm dealing ?" sur "The darkness is revealing"), un miroir à ses pensées ("My shadow is waiting / But I gotta face the facts / Of a twisted reality / And it never got a hold of me" sur "Idiosyncrasy"), un moyen de confronter son sentiment de culpabilité de ne pas avoir pu sauver sa femme de ses addictions pour finir par accepter la mort comme une délivrance ("This life betrayed you, and you are finally free" sur "Finally free"). Jon est seul, perdu ("I"m lost" est souvent répété) et tente de fuir les démons qui l'ont pris en chasse, des ombres fantomatiques qui le poursuivent et le hantent ("God knew all along that He would take you / And the demons were set loose to claim their prize, I am their prize" sur "Surrender to failure") et son chant fait passer tout ça, Nick Raskulinecz n'avait pas réussi jusque-là à pousser le chanteur comme Ross Robinson l'avait fait dans les années 90, le destin tragique s'est chargé de cette basse besogne et ce malaise qui transparaît donne toute son intensité à The nothing.

Je ne sais quel est la part de Jonathan Davis dans l'écriture des parties instrumentales mais on sait que les membres de Korn étaient également proches de Deven, la musique est donc en adéquation avec la triste ambiance générale, la rage, le dégoût, l'incompréhension passent par des rythmes hachés et puissants, des changements de tempo, des harmonies qui viennent fracasser des passages violents, le chaos amené par le groupe à ses débuts refait surface, il est certes plus calculé, plus "produit" (malgré ses nombreux breaks, "Cold" reste facile d'écoute) mais on trouve une forme de lâcher prise qu'on avait perdu, des titres comme "You'll never find me", "The seduction of indulgence" ou "H@rd3r" sonnent "vrai", c'est la sincérité qui domine nos sensations, Korn a écrit pour lui avant de réfléchir à la portée de ses titres qui, avec le temps et la renommée, étaient devenus des moyens d'assurer sa subsistance. Même les mélodies ont cette puissance en elle qui fait qu'on les accepte pour ce qu'elles sont, une sorte de remède à la mélancolie ("The darkness is revealing", "Can you hear me", "This loss").

Délicates impressions que celles d'écouter un album aussi "plaisant" à l'oreille alors que c'est la mort et ses souffrances qui sont responsables de sa création. La famille Korn est passée de l'être au néant, The nothing est son chemin pour revenir vivre avec les vivants sans pleurer et en s'affranchissant d'un poids trop lourd à porter.