Kodiak Kodiak et Denovali Records (structure européenne de référence dont on ne compte désormais plus les sorties de grande classe), c'est une affaire qui roule depuis plusieurs années maintenant et une poignée de sorties, pour les allemands, venues enrichir un peu plus la très imposante discographie du label de leurs compatriotes. Le seul bémol dans tout cela, c'est qu'à l'exception d'un split partagé avec Nadja, tous les efforts de Kodiak n'ont été jusqu'alors pressés qu'en vinyles et tirages extrêmement limités. Pas de souci répond-t-on du côté de chez Denovali, il n'y a qu'à coucher tout ça sur CD, packager le résultat dans un élégant digi' qui a des allures de mini-coffret et sortir le tout, en toute sobriété pour les collectionneurs, les mélomanes et les gens de bon goût(s).

Il n'y avait donc qu'à demander et voici aujourd'hui un effort éponyme signé Kodiak présenté sous la forme d'un 2xCD exhaustif puisque compilant le tout premier essai discographique des allemands (déjà éponyme), les morceaux figurant sur les splits partagés avec Nadja et Black Shape of Nexus, les titres de la collaboration ultra-limitée produite avec un autre allemand, le one-man band N, ainsi qu'une composition totalement inédite à ce jour. On dépasse donc allègrement l'heure de musique et demi, pendant laquelle Kodiak va faire du Kodiak pur jus. Autant dire du lourd, du lent (très lent), ambient metal doomy, parsemé de drones oppressant une matière sonore, un véritable magma "métallique" neuroleptique et aliénant. Tel est donc ce projet né du côté de Gelsenkirchen, une expérience sensorielle autant sur disque qu'en live (tout du moins a priori), une "suite" de titres assez monumentaux doublée d'une claque peu commune en son genre.

On pourrait croire que (c'est du reste trop souvent le cas chez bons nombre de leurs contemporains), mais on ferait erreur : les morceaux de Kodiak se ressemblent certes, c'est une évidence étant données les sphères musicales ici explorées, mais pour autant le projet allemand tend à évoluer en permanence. Que ce soit dans des directions plus ou moins extrêmes, tant en terme de violence "pure" que de partis-pris artistique exigeants, ou en termes de rendu émotionnel, ce qui semble être le plus dur dans le cas d'un projet qui pourrait, on l'a dit, aisément sombrer corps et âmes dans la redite permanente. Au fil des sorties, le collectif germanique a autant durcit son propos qu'il a su modérer son jeu, affinant son processus de composition afin de donner plus de sens à son oeuvre, à la fois musique d'esthètes exigeants et objet d'ignorance polie paradoxalement (et cruellement) compréhensible, Kodiak n'était certainement pas le projet musical le plus accessible qui soit. Mais pour une poignée d'irréductibles, c'est également un fantasme plutôt qu'une source de rejet en bloc. Et puis l'intégrité artistique est à ce prix...