Avant que la soirée ne commence (joueront ce soir Kill Me This Monday et 7 Weeks avant de laisser la place à Klone), Guillaume, guitariste et pièce maîtresse des compositions du groupe m'accorde quelques minutes dans l'entrée des 4 Ecluses pour discuter des médias, des nouvelles orientations de leur musique, de clips et de tournées...
Klone - Dunkerque 2015
Tu peux commencer par préciser que l'interview est gratuite ?
Je pense qu'elle est gratuite ! Peut-être que je vais recevoir une facture (rires).
Est-ce que Klone paye pour avoir des interviews ?
Bonne question... Indirectement, ça peut arriver parce que certains médias fonctionnent comme ça, tu as un package avec une interview, de la pub et une mise en avant plus importante que si tu ne mets pas d'argent. Sur ce disque-là, je ne sais pas, c'est Verycords qui gère la promo et la pub pour la France, peut-être que ça a pu aider chez certains mais on n'a pas trop ce problème-là parce qu'on peut avoir des articles facilement. Pour les groupes qui commencent et avec qui je bosse, je sais que ça fonctionne parfois comme ça avec certains, je ne vais pas les citer, ils sont connus...
Et tu risques la diffamation !
Le truc, c'est que c'est pas juste avec quelques magazines, c'est aussi des radios qui te demandent 30 ou 40 euros par groupe... Et j'ai 150 radios en contact... Il y a même des webzines qui s'y mettent ! "Il faut bien qu'on vive" ouais, bah nous aussi... Ca se développe pas mal en Allemagne aussi, j'en discutais avec un mec de Rock Hard qui ne fonctionne pas du tout comme ça et qui est vraiment intègre là-dessus, il ne fait pas de deal à la con avec la pub, c'est la musique qui prime. En Allemagne, je peux caler un groupe qui n'existe pas, si tu payes, ils peuvent faire une interview bidon, si j'avais des thunes, je ferais un faux projet, je mettrais 10.000 boules sur un truc qui n'existe pas et tout le monde ferait des articles parce que les mecs vérifient même pas s'il y a de la musique ou quoi que ce soit, tu pourrais mettre l'album de quelqu'un d'autre, le mec capte rien. Avec du fric, tu peux faire un groupe qui cartonne ! Vu le mode de fonctionnement de cette presse et les chiffres de vente qui sont en constante baisse, je peux comprendre leurs impératifs en terme de budget, je peux me mettre à leur place mais ils sont sensés être journalistes. Ca devient juste de la pub, que ce soit des petits ou des gros magazines mais bon, là c'est gratuit... il me semble (rires).
Venons à l'essentiel, on commence par la pochette, elle est magnifique...
Merci. Merci au mec qui l'a faite, c'est-à dire Joël Robison, c'est un Canadien, on cherchait à bosser avec des graphistes et on a découvert ses travaux, on n'aime pas tout ce qu'il fait mais avec Yann (le chanteur), on a tilté sur ce truc, la démarche artistique nous plaisait et on arrivait à se passer la musique de l'album en la regardant, on n'avait pas encore les textes mais ça collait dans l'ambiance. On avait procédé pareil pour Black days, on avait tilté sur des visus quasiment terminés et prêts à être utilisés. On l'a contacté, on lui a fait écouter la musique, il a aimé en plus, on lui a demandé si ça l'intéressait et on a récupéré les droits pour son image. On est super content même si certains nous parlent de Koh Lanta, que j'ai jamais vu, je ne comprenais pas trop le rapprochement mais on m'a expliqué le truc des poteaux... La photo, on ne l'a pas retouchée, on l'a gardée telle quelle, sur la pochette, on n'a pas mis le nom du groupe directement, c'est sur un sticker pour garder l'image intacte.
C'est un album très calme, le plus calme jamais composé, pourquoi avoir abandonné les distorsions lourdes et le chant plus poussé ?
Parce que c'est ce qui venait sur le moment... Ca faisait un bout de temps que je mettais des morceaux de côté qui étaient du Klone en plus soft et qui n'allaient pas forcément avec les autres à l'époque, parce qu'on essaye de faire des trucs cohérents qui ne se barrent pas dans tous les sens. Là, il y a une logique dans le thème qu'on a exploité et bien que ce soit très clean, on arrive à avoir des changements de climats, y'a des ambiances différentes, des variations de tempos...
Ca c'est décidé au début de la composition ou c'est au final que vous vous êtes dit de virer les trucs bourrins ?
Le seul truc qu'on s'est dit c'est qu'on ne voulait pas faire un disque comme on l'avait fait avant même si on les aime bien, on ne voulait pas retomber dans les mêmes schémas, on voulait montrer qu'on savait faire autre chose. En gardant l'ambiance de ce qu'on faisait avant, on voulait ouvrir le spectre, miser sur quelques gros riffs mais aussi sur les lignes de voix, le climat général, la musique, ce n'est pas que les riffs de guitare, y'a plein de choses autour, on a bien bossé les détails de basse, de sax' comme on le faisait déjà un peu. Et on a réussi à avoir un truc qui se tient sans bosser plein d'arrangements, ça se tient tout seul, on n'a pas eu besoin d'ajouter un doublage de voix, c'est pur. Les harmonies se sont créées avec tous les instruments, chacun a son rôle, les riffs sont plus aériens, y'a plus de trucs joués aux doigts, y'a plein d'arpèges... Mine de rien, c'est le disque le plus difficile à enregistrer qu'on ait fait ! On l'a joué en live pour la première fois hier soir et on s'est bien rendu compte de la difficulté. La musique peut paraître simple à l'oreille mais techniquement c'est chaud. Même pour la batterie, les tempos qu'on a choisi, c'est assez bâtard et des grooves super chauds à choper, c'est plus dur qu'un groove speed dans lequel on baigne depuis toujours.
Le titre de l'album, Here comes the sun, ça fait penser aux Beatles
Ouais, j'aime bien les Beatles, ma culture pop vient de là, j'ai grandi avec eux. Y'a aussi le clin d'oeil parce que ça fait titre joyeux alors que le disque n'est pas si joyeux que ça... L'ambiance est assez sombre même s'il y a des éclaircies assez lumineuses, la thématique est assez lourde. Y'a des morceaux qui font chialer des gens, hier soir, un mec dans le public a pleuré pendant le concert ! C'est la première fois qu'on arrive à provoquer ce genre de choses. Quand j'étais petit, il y avait comme ça des titres qui pouvaient me faire chialer quand j'étais à fond dedans, par contre la référence qui me vient là, c'était Bernard Lavilliers que j'écoutais avec mes parents, le morceau s'appelait "Urubus", un titre des années 70 plus space que la variété qu'il fait maintenant. Il y a des morceaux comme ça qui te prennent, qui te transcendent... Quand tu fais passer des sentiments par ta musique à quelqu'un... alors que la personne ne sait pas d'où ça vient et pourquoi t'as fait ça mais qu'elle ressent ce qu'il en dégage, c'est vraiment cool. Certains sont complètement hermétiques "ouais ça m'endort, fais un truc qui me réveille", comme si c'était une vitamine pour aller bosser, on n'est pas dans cette dynamique, on ne cherche pas à ce que les gens soient contents... Ca te permet de te poser, de réfléchir, il y a un côté mélancolique, nostalgique, ça rappelle des trucs, des époques, des choses fortes émotionnellement, c'est le point fort du disque. Si tu te laisses aller, tu te laisses embarquer par les notes... Réussir à choisir les bonnes notes pour embarquer les gens, c'est cool. C'est la première fois que ça nous arrive, c'est pour ça que j'insiste là-dessus, mais un mec a mis un message sur Facebook, il a beaucoup écouté "Immersion" au moment du décès de sa mère et ça l'a aidé, ce genre de message, ça surprend, tu as entendu des gros groupes dire ça mais nous... Ca fait plaisir de toucher quelqu'un, c'est une vraie nouveauté pour Klone.
Le morceau "Summertime" est dans cette ambiance-là aussi, il a été repris avant la composition de l'album, il a influencé l'ensemble ?
En fait, ça fait un bout de temps que j'ai ça en tête parce que c'est un morceau que j'ai appris en CM2 pour un truc avec l'école et un prof du conservatoire, moi je ne connaissais pas et on devait le faire pour un spectacle sur l'Acadie, une chanson sur les champs de coton... Et cet air-là m'est toujours resté en tête, j'ai réécouté l'original plus tard et il y avait ce côté nostalgique et avec Here comes the sun, ça collait bien, ça me semblait logique de finir là-dessus. A part sur le net, il n'était dispo nulle part. Les avis sont mitigés, t'as deux écoles, ceux qui pensent qu'on a réussi à donner un second souffle à un morceau qui a été surjoué dans tous les sens, à donner une touche bluesy plutôt cool, et d'autres qui ne sont pas fans, certains jazzeux que je connais qui pensent que ça ne le fait pas parce qu'on n'y touche pas ou parce qu'il a déjà été trop repris. Ca reste un petit exercice de style, en plus en acoustique, il fallait faire progresser la chanson sans batterie, sans rien, juste quelques petits arrangements et on en est content.
Klone - Dunkerque 2015
Vous avez des retours de la presse pop/rock où vous restez estampillés "métalleux"
On cible tout le monde mais les Inrocks ou Rock N' Folk ne nous ont pas soutenus plus que ça ou alors pour des trucs autres que la zik mais y'a Zegut qui doit faire un truc sur nous, il avait déjà bien aimé le disque précédent, il en avait parlé sur son blog, c'est cool d'avoir le maître dans la promo qui parle de nous même si ça paraissait un peu inaccessible. Pour le reste, y'a pas grand chose qui se passe, même sur les radios Ferarock c'est pas la folie, je m'attendais à ce que ce soit plus que d'habitude mais non...
Dans le même temps, vous rééditez High blood pressure qui est quasiment à l'opposé du Klone d'aujourd'hui...
Un peu à l'opposé parce qu'il y a des morceaux assez extrêmes avec de la double, du chant méchant mais aussi des morceaux plus clean très ouverts. On avait du mal à se rendre compte de cet écart mais hier en jouant les morceaux en live on s'est rendu compte qu'ils étaient très calmes, à un moment je me suis dit "putain je transpire moins que d'habitude", on passe de morceaux super bourrins à des trucs intimistes, c'est étrange pour nous, c'est pas la même approche sur scène.
Y'a une release party la semaine prochaine à Paris avec Hangman's Chair...
C'est un concert gratuit avec Oui FM, c'était en discussion depuis un petit bout de temps, là on a pu le caler à la bonne date pour la sortie du disque, il y aura la presse, ça devrait bien se passer.
Sur les dates à venir, vous allez jouer aussi bien avec Psykup que Nojia ou 7 Weeks, ça va être des atmosphères différentes, vous préparez les dates de la même façon ?
Oui, ça va être très différent mais nous, on ne change rien. C'est des groupes qu'on connaît, on a déjà joué avec eux donc ça se passera bien, avec leur public, on verra, hier on avait un peu peur de ça parce qu'on jouait avec un groupe de métal avec une voix heavy, on ne savait pas trop à quoi s'attendre et finalement ça a bien pris, même plus que ce qu'on pensait. Les gens étaient scotchés et nous on était content, plus que d'habitude même...
D'ici le mois de mai, il y aura quelques dates aux Pays-Bas, c'est Pelagic Records qui ouvre des portes ?
Non, c'est un tourneur avec qui on a bossé sur quelques plans et qui voulait nous caler dans ce coin-là. Avec Pelagic Records on a des plans sur l'Allemagne en juin après l'Australie et le reste ce sera à la rentrée...
Justement, il y a l'Australie qui arrive pour deux semaines fin mai début juin, comment c'est possible ?
On n'y croit pas encore en fait ! Tant qu'on n'y sera pas... On est dans les trucs chiants pour savoir comment s'organiser parce que si c'est joli sur le papier, derrière, c'est compliqué à gérer administrativement et financièrement. On a fait une tournée avec Orphaned Land en 2012 et sur la date du Divan du Monde à Paris, leur tourneur australien était là pour mater le concert. A la fin du concert, il vient nous voir pour dire "Pour votre prochain disque, je vous fais jouer en Australie". Un peu comme à chaque fois "c'était génial, on va bosser ensemble" et en général il n'y a rien qui se passe, surtout que là c'est un gros tourneur... Et il nous a recontacté, déjà deux fois, sur une tournée qu'on ne pouvait pas faire et là, ça c'est calé, on va jouer avec un groupe australien qui sera en tête d'affiche (Voyager), on sera deuxième... Il y a quelques personnes qui nous suivent là-bas, le mot se passe petit à petit, on a un gars qui va faire de la promo sur place, c'est tout nouveau pour nous, c'est super loin, c'est un peu flippant pour l'organisation mais c'est super cool, on va y aller à fond !
Vous allez y rester 15 jours, il n'y a pas que des concerts, vous allez faire du tourisme ?
Ouais, c'est chaud parce que ça a l'air joli mais ça coûte super cher... et on n'a pas beaucoup de sous. On a deux fois 6 jours de day off sur lesquels on est lâché dans la nature, on est en train de chercher comment on peut squatter, est-ce qu'on loue un van ou un camping-car pour dormir dedans... Tous les trajets internes se font en avion, plus les 24h d'avion pour y aller, on n'est pas trop habitués et avec les accidents en ce moment, c'est pas rassurant... Tant qu'on n'y sera pas, j'ai pas l'impression que c'est vrai... Et c'est pareil pour chaque tournée...
Vous avez un clip dans les valises ?
Comme à chaque fois, on a eu un léger problème... L'idée c'est de filmer un mec sous l'eau avec toute une scénographie. On a commencé en janvier et il faisait super froid, le mec qui allait sous l'eau était frigorifié, il pouvait pas rester plus de 2-3 minutes, on a tout arrêté et on a reprogrammé ça d'ici cet été. Ca va tout décaler mais on aura ce qu'on voulait, j'espère qu'il sera dispo en septembre mais on a toujours des merdes avec les clips...
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joelrobison.com (264 hits)
Merci à Guillaume et aux Klone ainsi qu'au staff des 4 Ecluses et de Klonosphère (Marion, Pat'...).