Alors qu'on avait prévu de faire une interview lors de leur concert à Lille, ça n'a pas été possible, les Klone étant débordés au merch'. Pas grave, on s'est fait ça au calme en visio, chacun chez soi...
Klone
Ce nouvel album sonne un peu comme "Le grand voyage retour" ?
Sur les premiers retours que j'ai eu, pas mal de gens disent que ça change du Grand voyage parce qu'il y a plus de distorsions dans les guitares, c'est plus un disque à gros riffs qu'avec des arpèges, y'a du growl dans la voix mais il est aussi dans la lignée logique de ce qu'on a fait par le passé.
Y'a un côté tempétueux qu'on n'avait pas dans le précédent et c'est plus proche de ce que vous faisiez il y a 10 ans...
Oui, il y a un petit retour aux grosses guitares si tu compares aux deux derniers disques, mais on garde des éléments comme les voix, les traitements, la mouvance générale. On peut dire que c'est plus proche d'un The dreamer's hideaway ou Black days dans nos plus anciens disques, un peu moins noir cependant.
La sortie est prévue dans 1 mois, l'album est prêt depuis longtemps, c'est pas un peu long d'attendre ?
On commence à avoir l'habitude (rires), c'est un peu pareil à chaque fois... Là, il se trouve que pas mal de choses ont retardé la sortie. Les compos sont prêtes depuis longtemps mais il y a eu le COVID, on a encore tourné avec Le grand voyage, on a fait un mois de tournée aux États-Unis... on s'y fait, si on n'est pas patient, faut arrêter ! Le disque devait sortir en septembre mais KScope, le label anglais, a besoin des masters six mois à l'avance pour les vinyles donc cela a repoussé la sortie. Ça nous a laissé le temps de souffler, de se reposer, d'avancer sur de nouvelles choses et de faire quelques dates comme celles de Lille où tu as pu voir quelques-uns des nouveaux morceaux en live.
Ils ne sont d'ailleurs pas encore beaucoup mélangé aux autres ?
C'est une histoire d'accordage de guitare, on a changé la setlist à Lille, je ne sais plus dans quel ordre on a joué les titres, je sais qu'il y a "Rocket smoke" en deuxième, on a aussi joué les nouveaux dans les premiers pour voir comment les gens réagissent alors qu'ils ne les connaissent pas, avoir un peu leur ressenti.
Chris Edrich a enregistré l'album, qu'est-ce qu'il vous apporte en studio ?
Il a participé à l'album mais il a surtout été présent pour le mix, c'est Romain Bernat, notre autre ingé-son live qui a enregistré, Chris a travaillé à distance, il est à Dublin, c'était pas simple pour qu'il soit là pour les prises batterie, on a fait des transferts de fichiers pour qu'il écoute. Sur l'artistique, on a l'habitude de travailler seul sans avoir quelqu'un qui vienne mettre son nez dans nos compositions. Chris a surtout bossé sur le son, on n'a pas eu de retour sur les titres, savoir si c'est trop court, trop long, on travaille ensemble depuis 2015 donc ça se passe assez bien. Le seul problème, c'était la distance, pour travailler le mix de l'album, on était aux États-Unis dans un tourbus pour écouter le truc au casque en recevant des WeTransfer et en faisant des retours par e-mails, c'est pas évident, c'est long, c'est chiant... On a refait une session de mix de trois jours quand on est revenu en France, on a bossé ensemble, à distance, on écoutait chez nous sur nos enceintes et on a pu mettre en avant quelques éléments, on a peaufiné les premiers mix. C'est pas simple de bosser un mix quand t'es pas sur place. Avec Francis Caste, on était avec lui, ça allait beaucoup plus vite...
Prendre des gens qui gravitent autour de Klone pour la production, c'est une question de sécurité ?
On n'avait jamais bossé avec Chris sur un mix studio, il avait enregistré le live acoustique, c'est un autre exercice, c'est de la prise de son live avec deux guitares, un accordéon et une voix. Il nous suit depuis longtemps, il connaît bien nos attentes, on s'était dit que ce serait cool de bosser ensemble sur une prod' d'album, là, il était dispo c'était donc l'occasion, on n'a pas cherché ailleurs. Même au niveau du budget, c'est un avantage, on n'a pas la prétention de vouloir aller enregistrer aux États-Unis ou mixer avec un gros nom à la mode du moment. À chaque fois qu'on bosse avec des gens avec qui on a un bon feeling, ça c'est toujours bien passé, on ne s'est pas posé 50.000 questions, ça s'est bouclé très vite, c'était facile.
"Within reach" puis "Bystander" sont sortis en avant-première, pourquoi ces morceaux-là ?
Le premier qu'on a balancé c'est "Within reach", c'est aussi le premier titre de l'album, on a pris cette habitude de mettre en avant le 1er titre de l'album, c'est une belle introduction à notre retour avec des éléments atmosphériques, y'a des gros riffs et un break assez hargneux avec un côté vénèr où Yann chante avec une voix un peu plus gueulée que sur nos derniers disques. On trouvait cool de montrer qu'on n'avait pas lâché ça, ça a toujours fait partie de notre musique. Pour "Bystander", on n'y avait pas pensé au départ mais on a demandé l'avis de proches et 3-4 titres ressortaient dont celui-là, Chris nous a poussé à le mettre en avant, il y a de la nouveauté dans les harmonies dans les guitares, dans les voix et il y a ce côté hargneux aussi, c'est un bon condensé pour nous représenter aujourd'hui... À la base, ce morceau, on l'avait appelé "Féérie compliquée", il y a un côté féérique dans la musique et pour les zicos qui comptent les temps, c'est pas mal de mesures composées, à jouer y'a pas mal de choses pas évidentes.
"Meanwhile" ça aurait pas mal, c'est un bon morceau et c'est le titre de l'album...
Il était dans la short list avec "Night and day" et "Apnea". On a préféré mettre des titres plus rentre-dedans, on aime beaucoup "Apnea" mais il est très aérien, moins représentatif de l'album. Ce qui est marrant, c'est que c'est une compo d'Aldrick qui est beaucoup plus métal que moi dans l'approche et a composé le morceau le plus calme du disque !
Aldrick a dépanné Gojira cet été alors que vous étiez en pleine tournée aux États-Unis, c'est quoi le sentiment qui domine quand tu apprends la nouvelle ?
On le savait un peu avant, j'étais trop content pour lui, c'est une super opportunité. On est fan du groupe, c'est trop de la chance pour lui, c'est une expérience très cool. Se retrouver aux États-Unis dans des salles beaucoup plus grosses que celles qu'on faisait. En même temps, faire la première partie de Deftones dans des arènes énormes avec plus de 10.000 personnes, c'est un truc de fou. Logistiquement, c'était un peu chiant parce qu'il a fallu qu'on s'organise mais on ne s'est pas vu en train de lui dire de ne pas le faire, même si notre première tournée aux États-Unis était aussi quelque chose d'important, cette opportunité-là ne se présente pas tous les jours. Ça c'est très bien passé, j'étais très content pour lui. Il est parti faire une dizaine de dates avec Gojira au milieu de notre tournée et il a fini avec nous.
Comment ça se passe concrètement, vous aviez imaginé ce cas avant de partir ?
Le sujet était là avant mais on ne savait pas quand ça allait se faire (NDLR : Christian est rentré en France pour assister à la naissance de son fils), on a dû s'organiser avec les papiers pour aller aux États-Unis, pour obtenir un visa depuis la France, c'était trop short en terme de délai. On avait la possibilité de trouver quelqu'un aux États-Unis mais jouer avec quelqu'un qu'on ne connaît pas, avec qui on n'a jamais répété, ça ne nous branchait pas trop. Il se trouve que Pain Of Salvation, le groupe avec qui on tournait aux États-Unis, jouait sans bassiste, leur basse est sur bande, Enzo est aussi guitariste alors on a mis la basse sur bande et Enzo a pris la gratte, on a fait comme eux. Comme on joue au click avec les samples, les arrangements, c'était assez simple et économique même si ce n'est pas évident au niveau des repères sur scène avec une personne en moins. Les gens n'ont rien capté, ils ne nous ont jamais rien dit, cool.
KLone
L'artwork est superbe, c'est une commande ou c'est une œuvre qui existait ?
On ne fait plus de commande avec Klone depuis 2008 car à chaque fois on s'est retrouvé avec des pochettes qu'on aimait pas trop, on devait faire des choix par défaut... On n'a plus la même approche, Yann et moi, on est à l'affut de graphistes, depuis Black days, c'est que des compositions qui existent qu'on a trouvé en fouinant sur Instagram. Quand on a une pré-sélection avec Yann et qu'on a bien avancé sur les compos, on se fait une session et on voit ce qui pourrait coller. C'est plus simple que de faire confiance à quelqu'un pour créer quelque chose qu'on a en tête, devoir expliquer ce qu'on imagine et de le retrouver sur papier, c'est quasiment impossible... Y'a des gens pour qui ça marche, nous jamais. Quand on a vu cette image, on a su direct que c'est ce qu'il nous fallait pour le disque, ça collait trop bien avec la musique. Avec Yann, on se fait une écoute du disque avec la probable pochette en grand et on vérifie que l'imaginaire marche bien pour tous les morceaux. Le côté nuageux, aérien avec l'animal rageux, ça colle très bien avec les nouveaux morceaux, tout le monde a validé.
La release party se fait au Trabendo avec The Old Dead Tree, qui a choisi le groupe ?
On a un tourneur qui nous cale la date et qui nous produit, c'est Syncope Prod, sur cette date, il y a aussi Cartel Concerts. Il te manque un groupe sur l'affiche, c'est pas encore annoncé, c'est Patron, c'est cool parce qu'on a pu choisir les groupes. D'habitude, on n'a pas notre mot à dire, soit le tourneur met les groupes de son catalogue, soit c'est l'organisateur qui gère, là on a pu choisir. Parmi les dernières sorties Klonosphère, j'ai beaucoup aimé Patron, le disque est mortel, c'est l'occasion pour lui de jouer dans une grosse salle à Paris. Et The Old Dead Tree, c'est un groupe qui est présent sur la scène française depuis longtemps, il s'est reformé, il refait des concerts. Il y a un ou deux mecs du groupe qui suivaient notre actu, avec qui j'ai échangé quelques messages, on est très content de faire ça avec eux. Ça aurait pu être Hypno5e ou Hangman's Chair qui sont des groupes qui colleraient bien artistiquement mais c'était pas possible. Ça va faire une belle affiche avec des styles complémentaires et variés. J'espère que les Parisiens vont aimer cette affiche, et pour les journalistes, c'est une bonne occasion de voir Patron en live et j'espère qu'ils vont accrocher.
Vous allez aussi repartir en croisière...
Pas cette année ! Pas mal de monde croit que c'est cette année mais c'est en 2024 ! C'est annoncé super tôt mais c'est comme ça que le festival procède. On va donc se concentrer sur la France pour le moment... et sur l'Europe puisqu'en mars on va tourner avec Devin Townsend.
En 2020, de nombreux concerts ont été annulés, à quel point ça a impacté la vie du groupe ?
Ça nous a mis dans une ambiance assez étrange. Au début, on pensait que ce serait très court... On se disait "un mois ou deux, on va s'en remettre" mais ça a traîné, économiquement, ça a joué des tours à pas mal de salles et d'assos. Produire des concerts, c'est devenu plus difficile, t'as le COVID, t'as les frais d'essence, c'est un merdier dans tous les sens pour mettre en place une tournée. J'étais pas si flippé que ça pendant la période COVID mais pour un organisateur, c'est encore un risque de produire une date. J'ai organisé des concerts pendant 10-15 ans et c'est flippant car quand c'est ton argent propre qui entre en jeu, tu investis beaucoup en temps et en argent et au final, t'as peut-être des dettes à payer, tu te mets dans la merde pour faire plaisir à des gens... On était aussi content de pouvoir rester à la maison et d'avancer sur plein de choses, continuer de faire de la musique, avoir du temps pour soi... On a refait des dates à la fin de l'année et je ne ressens plus le truc bizarre au moment de la sortie de la période de confinement avec des concerts assis... Avec du recul, je trouve ça étrange car fin 2020, on faisait des concerts avec des gens assis et masqués alors qu'il y a plus de cas par jour en ce moment... Les restrictions étaient certainement abusées, aujourd'hui tout le monde s'en fout...
Vous avez joué en Australie, aux États-Unis, il y a des pays où vous voudriez aller ?
Il y a pas mal d'endroits où on aimerait aller se promener, notamment l'Amérique du Sud, y'a deux jours je lisais une interview de Mario de Gojira qui disait que c'est là que le public est le meilleur, c'est hallucinant combien les gens sont à fond. Les lives que j'ai vu de groupes qui jouent là-bas, c'est assez fou, on aimerait bien découvrir pour ça et aussi parce que je n'y suis jamais allé. Je suis aussi intrigué par le Japon, j'aime bien ce pays et sa culture, si on peut faire des dates là-bas... Pareil pour la Chine, je n'irais pas forcément en vacances mais j'aimerais y être pour avoir le ressenti des gens qui y vivent, dans pas mal de pays qui sont sous des formes de dictature, tu n'as pas forcément cette sensation. Je suis allé en Turquie, en Tunisie qui sont des pays avec des gouvernements autoritaires où tu ne fais pas ce que tu veux mais les gens sur place ont un regard différent de nous qui sommes occidentaux et avons des images par les médias. Chez nous, on fait comme si c'était tout beau tout rose, quand t'as un gouvernement qui frappe ses manifestants, à l'étranger, c'est les méchants contre les gentils mais quand c'est chez nous, c'est normal. J'aimerais voir comment ça se passe quand on y est et en discuter avec des gens qui le vivent au quotidien.
Il y a des pays où Klone marche bien ?
Dans nos stats Spotify, les États-Unis sont devant, ensuite c'est la France et l'Allemagne. J'étais surpris de voir que les États-Unis sont le pays où on fait le plus d'écoute, avant la tournée, ce n'était pas le cas, donc c'est peut-être grâce au bouche à oreille... Il y a aussi plus d'habitants et c'est davantage dans leur culture. On s'est aussi retrouvé sur des grosses playlists "prog métal" et "rock prog" chez Spotify.
Vous avez rencontré Steven Wilson depuis 2020 ?
Non, pas du tout. On n'a jamais eu d'écho et même l'espoir de faire un jour sa première partie, c'est réglé car il ne prend pas de groupe en première partie. La seule fois où je l'ai rencontré c'était en 2003 à Bordeaux au Koslow, il jouait devant 200 personnes. Je l'ai vu à la fin du concert pour lui donner notre premier album et je ne l'avais pas trouvé sympa, l'anglais très froid qui te zappe super vite... Je ne sais pas quel regard il a chez KScope sur les groupes, peut-être qu'il ne cherche pas à écouter tout ce qu'il sort. Je sais que notre manager le connaît car il échange avec lui mais je n'ai pas de retour sur notre musique.
KLone
On peut avoir ton retour sur le dernier Porcupine Tree ?
J'ai bien aimé mais c'est pas un disque que je vais réécouter 50 fois, j'ai pas un affect de ouf avec ce disque, c'est pas aussi important que Stupid dream ou Lightbulb sun, des disques qu'il a sorti avant In absentia, je préfère ce qu'il a fait de plus pop. Là, ça me touche moins, je me suis peut-être aussi un peu trop gavé parce que je l'ai beaucoup écouté, le Transmission IV ou ses albums solo...
Il y a 25 ans, c'étaient les débuts de Klone, quand tu envoies la démo au W-Fenec, c'était une démarche évidente ?
Ouais. Ça devait être les pré-maquettes de Duplicate. Je devais lire 2-3 webzines, il y avait peut-être VS Webzine, Nawak Posse je ne me souviens plus mais il n'y en avait pas beaucoup. Quand tu commences la zic, t'es content de savoir ce que les gens en pensent...
Les zines sur le net sont aujourd'hui très nombreux, comment se fait le tri quand on fait de la promo ?
J'envoie le lien promo à tout le monde, j'ai pas de restriction particulière. Après, certains écrivent mal ou ne disent pas grand-chose, ils font ce qu'ils veulent mais je ne vais pas relayer... C'est dur de faire le tri, je dois avoir plus de 200 contacts de webzine... Je connais un peu les conditions, plus de 90% des gens font ça en plus de leur taffe à côté, ça prend du temps de répondre aux messages, aux sollicitations de tous les attachés de presse, tous les labels, quand t'as une vie de famille et qu'on bosse, j'arrive bien à capter la complexité d'être au taquet sur tout, j'ai beaucoup de respect pour ceux qui font ça. Et donc pour vous qui faites ça depuis 25 ans ! C'est beaucoup, hein !
Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour 2023 ?
Que la sortie du disque se passe bien, qu'on fasse plein de dates de concerts, qu'on arrive à tourner à l'étranger, que le projet continue d'avancer petit à petit comme depuis le début. On est content d'être là, on est toujours vivant, on n'a jamais lâché, tenir un média sur la longueur, c'est compliqué, mais tenir un groupe aussi. Quand je vois le nombre de projets qui ont disparu depuis que j'ai commencé à jouer... Je suis content de toujours faire ma passion sans faire de concessions sur quoi que ce soit. J'espère que ça continuera !
Merci Guillaume, merci Klone.
Publié dans le Mag #54