kehlvin_rorcal_ascension.jpg Deux batteries ,deux basses, quatre guitares et deux hurleurs préposés au chant histoire d'en mettre plein les cages à miel, c'est le casting de ce split réunissant Kehlvin et Rorcal, deux des plus beaux fleurons de la scène post-hardcore sludge helvétique réunis par le label Division Records sur Ascension. Le concept ? Enfermer la dizaine de musiciens dans un même studio pendant 4 jours pour composer et enregistrer d'un bloc un seul et unique titre au format hors norme. Digipack classe, artwork élégant et musicalement... un morceau de quelques vingt-huit minutes et cinquante et une seconde d'une déflagration métallique et orageuse hors norme, l'"Ascension" du titre.
Et d'entrée de jeu, les duo de groupes suisses prend d'assaut nos conduits auditifs. Première vague : deux minutes et quelques poussières d'une saturation oppressante qui grimpe lentement le long de notre colonne vertébrale avant que la machine ne se mette définitivement en ordre de bataille. Deuxième vague, les guitares viennent nous terrasser de leur lourdeur écrasante, ce n'est pas Kehlvin d'un côté et Rorcal de l'autre, mais la fusion transversale des deux qui après avoir décidé de s'accoupler sauvagement, enfantent d'une créature hybride à la force de frappe démente. Dantesque, le "groupe", nous offre, quelques dix minutes durant, un véritable monument de sauvagerie brute. Une "Ascension" ? Plutôt une descente en rappel dans les profondeurs du royaume d'Hadès. Après la déferlante métallique post-hardcore, les deux formations relâchent progressivement la tension. Avec Kehlvin et Rorcal, la lumière a beau percer les nuages les plus menaçants, on n'est jamais à l'abri d'un retour de flamme, d'un éclair de rage éruptive. Ici, les deux groupes ont juste cherché à aérer un peu le morceau, lui offrant une bouffée d'oxygène bienvenue pour s'envoler quelques minutes vers des horizons post-rock célestes et découvrir des panoramas musicaux idylliques qui rompent complètement avec le chaos précédent... et imminent. Car l'accalmie de façade est de courte durée. Les guitares vont de nouveaux verser de la lave en fusion dans les amplis, les riffs, post-metal aux fulgurances prog, gagnent progressivement en densité sonore. Crescendo implacable avant l'inexorable explosion de démence psychotique. Des univers musicaux qui s'entrechoquent, des influences qui s'imbriquent naturellement, entre Neurosis, GY!BE, Knut et Pink Floyd, les suisses livrent une pièce d'orfèvrerie doom/post-hardcore aux ambiances malsaines et sursaturées.
Un final apocalyptique, où la férocité des deux chanteurs semblent entrer en conflit avec l'âpreté des guitares, pour mieux sublimer les ultimes secondes de cet Ascension, sombre, tempétueux, tourmenté et schizophrénique. Kehlvin, Rorcal : deux groupes, deux visions d'un même style musical et un seul objectif commun. La transcendance et le dépassement des frontières habituelles du concept que suppose l'idée d'un split CD. Une volonté de surpasser en commun ce que chacun aurait pu produire en commun. Un désir d'aboutissement artistique qui pousse à une profonde remise en question de sa manière de composer, de jouer, d'expérimenter afin de se contraindre soi-même à aller toujours plus loin. Tel est l'esprit dans lequel a été confectionné cet Ascension. Un split qui ne ménage pas ses efforts pour faire naître dans la douleur des émotions violentes, libératrice et d'une rare intensité. Salvateur.