Metal Métal > Kayo Dot

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Entité hybride au line-up à géométrie variable, Kayo Dot fait bruisser la scène expérimentale nord-américaine dès 2003. A cette époque, plusieurs ex-membres de Maudlin of the Well, formation heavy-prog metal, décident de former un nouveau groupe à l'identité musicale originale. Conçu comme un patchwork de metal prog, de musique d'avant-garde et de rock expérimental, Kayo Dot sort rapidement son premier disque, Choirs of the Eye et le fait en insistant sur le caractère iconoclaste de sa musique puisque c'est via Tzadik, le label de l'inénarrable John Zorn que sort la bestiole. Par la suite, le groupe va se distinguer par l'instabilité chronique de son line-up et verra pas moins d'une douzaine de collaborateurs oeuvrer plus ou moins longtemps sur le projet. La seule constante étant depuis les débuts du groupe Toby Driver, architecte et désormais maître d'oeuvre de Kayo Dot.
En 2006, le groupe sort son deuxième disque chez un autre grand nom de la musique indépendante et expérimentale : Robotic Empire. Son titre : Dowsing anemone with copper tongue. La même année sort un split avec Bloody Panda et, malgré de nombreux remous internes, le groupe continue de composer et d'enregistrer. Entre 2007 et 2008, il peaufine son troisième album Blue lambency downward qui sort chez le poids-lourd Hydrahead Industries. Un an plus tard, Kayo Dot reste pour une fois fidèle à une structure et participe à la série des splits du label en figurant au tracklisting d'un volume des Champions of Sound avec Pelican, Zozobra et Steve Brodsky (le leader de Cave In en solo...).

Kayo Dot / Chronique LP > Coyote

Kayo Dot - Coyote Alors celui-là, dans le genre velu... il en tient une bonne. Pour faire court. Je n'ai rien compris. Rien de rien. Pas entravé une demi-mesure de ce disque complètement borderline. Enfin presque. Pour faire plus long (c'est que j'ai quand même une chronique à écrire là...), ce coyote est un labyrinthe free-jazz mâtiné de rock alternatif et de quelques très lointaines réminiscences metalliques, le tout placé sous une dominante tirant du côté de la musique contemporaine ("Calonyction Girl", "Whisper Ineffable"). Pour un résultat, on l'a dit, bien barré, étrange et insaisissable. Mais jusque-là, ça va, passe encore. C'est maintenant que ça va se corser. Parce que Kayo Dot a décidé de compliquer la chose en nous dévoilant des compositions aux trames sonores perdues dans des dédales expérimentaux, à la limite de l'égocentrisme artistique forcené, ET, drapé dans des circonvolutions avant-gardistes inextricables. Le savant dosage entre exigence artistique et perte de contrôle absolue de l'oeuvre sous de fallacieux prétextes d'expérimentations organiques est raté. Le diptyque "Abyss Hinge 1: Sleeping Birds Sighing In Roscolux" / "Abyss Hinge 2 : The Shrinking Armature" est à ce titre symptomatique d'un constat assez lapidaire. Kayo Dot y dévoilant des orchestrations pour le moins singulières, des articulations harmoniques hétérogènes pour ne pas dire disparates, mises au service d'un véritable néant sensoriel. On pourrait dire que la recherche d'âme et d'émotion n'était pas la clef de cet album, que Toby Driver et sa troupe ont trouvé l'aboutissement de leur démarche dans l'abstraction musicale et le non-sens émotionnel. Mais là, on commence à entrer dans une démarche pseudo-intello élitiste clairement casse-gueule. Parce que, certes on peut vouloir créer, innover, mais le prétexte du n'importe "original" quoi est trop facile pour dire que cela n'avait quasiment jamais été fait avant. Et quand s'avance "Cartogram out of phase", cinquième et dernière piste de cet "album", ses arrangements emphatiques appuyés par un chant faussement plaintif et clairement agaçant, on a juste envie d'appuyer sur "stop" pour arrêter le supplice. Pourtant on sent derrière cet album de longues heures de travail, une multitude de détails peaufinés encore et encore, une envie de sortir des sentiers classiques de la compositions, d'en redéfinir les limites, mais cela ne se substituera jamais à l'inspiration, au talent de parvenir à quelque chose qui transgresse le simple fait de créer quelque chose qui ne soit pas du vide. Et ici, même la caution auteurisante "made in Hydrahead" ne suffit pas, pas plus que l'artwork du disque, raté, comme quoi, il n'y a dans ce coyote là, pas grand chose à garder.

Kayo Dot / Chronique LP > Blue lambency downward

Kayo Dot - Blue lambency downward L'évolution. Telle est la clef de voûte du système Kayo Dot. Un premier disque chez Tzadik, le label du génial John Zorn, (qui s'inscrivait d'ailleurs en partie dans l'héritage du maître), un second paru chez Robotic Empire, structure indépendante spécialisé en groupes US aux tendances expérimentales ; et un troisième chez Hydrahead, une référence que l'on ne présente plus, à l'aura qui dépasse largement les frontières du continent nord-américain. Des changements de labels qui laissent entrevoir quelque chose de plus profond chez Kayo Dot, le groupe ayant acquis au fil des années un statut lui conférant une aura particulière faisant en sorte qu'il se retrouve désormais attendu au tournant. Ce qui pose un parallèle intéressant avec les notions de changement et de remise en question permanente que suppose le concept-même de la formation emmenée par Toby Driver.
En l'occurrence ici, en guise de changement on a eu droit à un véritable bouleversement puisque les trois quarts des membres de la formation ont quitté le navire, laissant de fait Toby Driver et Mia Matsumiya seuls aux commandes du projet. Toujours protéiforme, le vaisseau navigue désormais vers des récifs aux formes multiples et vers un horizon musical qu'il est parfois bien difficile d'identifier précisément. Le jazz, de par leur approche organique et évolutive, le math-rock psychédélique pour la maîtrise (a)rythmique et le découpage quasi mathématique, la musique contemporaine pour les divagations harmoniques s'éloignant, parfois de manière très radicale du système dit tonal., les compositions de Kayo Dot se révèlent à la fois denses et anxiogènes, insaisissables et d'une imprévisibilité rare.
Du coup, il est d'autant plus difficile de décrire les morceaux composant Blue lambency downward, notamment du fait de l'inventivité des architectures musicales, de leur mises en forme toujours plus complexes et parce qu'ils sont souvent eux-mêmes découpés en sous-mouvements. Le résultat n'en est que plus saisissant, "ovniesque" même et évoquant par instants ce que pourrait être la bande-son d'un road-trip cinématographique complètement halluciné. Analyser pour comprendre ou au contraire s'abandonner et se laisser submerger par ce qui ressort de l'album, les deux approches semblent avoir leur intérêt (et leurs défauts) au moment d'appréhender le troisième opus de Kayo Dot. Ce qui en ressort étant l'extrème inventivité qui le caractérise, mais également son explosivité expérimentale qui a parfois le défaut de sa qualité première, à savoir, celui d'égarer son auditeur dans un véritable labyrinthe de dissonances et d'assemblages d'instruments étrangement agencés. Etrange, complexe mais pourtant bluffant.