Il y a environ 14 heures de vol entre Tokyo et Paris, ça laisse un peu de temps... Diego, bassiste et chanteur, et Étienne, batteur, en prennent pour répondre à nos questions sur leur nouvel album, leur clip, leur passion pour les enfants possédés, la signature sur un label américain et donc ces quelques concerts donnés au Japon.
Karras au Hellfest
Cela fait maintenant quelques mois que l'album est sorti, les retours ont l'air plutôt positifs, non ?
Étienne : Les retours sont au top, j'ai l'impression que l'album est très apprécié.
Diego : Oui, les retours sont super positifs. La première chose qu'on nous a dit était que l'album était plus compact, plus urgent et plus agressif que None more heretic, notre premier album.
En effet, l'album semble à la fois plus lourd, plus rapide, plus sauvage... Vous vous étiez contenus sur le premier ?
D : La différence entre les deux albums est que None more heretic a été composé à deux, Étienne et moi, alors que We poison the young a été composé à trois avec l'arrivée de Yann à la guitare. On a composé 4 morceaux chacun cette fois-ci. Yann a des compos vraiment brutales, ce qui a, mathématiquement, durci le propos. Même si le résultat est compact, on a vraiment trois styles de compositions différents. La chose qui nous importe le plus est d'essayer de retoucher au minimum la première mouture du morceau pour garder ce coté primaire et sauvage que tu peux ressentir sur l'album.
E : Je pense que c'est une évolution naturelle pour un groupe extrême de repousser encore ses limites, notamment sur les premiers albums. None more heretic est un excellent album, mais on sentait qu'on pouvait aller plus loin sur ce deuxième disque, pour que Karras soit encore plus intense et frénétique.
Vous avez eu des critiques "négatives" ?
D : On n'en a pas eu, ou du moins ça n'est pas venu jusqu'à nos oreilles. Je pense que ceux qui aiment Karras nous le font savoir aux concerts ou sur les réseaux sociaux, et ceux qui n'aiment pas passent leur chemin sans commenter, ce qui est très bien. J'aime bien l'idée de commenter les choses quand on aime et ne pas le faire dans le cas contraire, ça évite les dramas, les haters et les bad buzz infernaux.
Vous avez connu des projets qui n'ont pas duré, à quel moment on se dit que celui-là va tenir le coup ?
D : Tu ne peux pas vraiment savoir à l'avance. Un groupe est comme un couple et comme dans tous les couples, l'harmonie et la cohésion sont mises à rude épreuve, il faut les entretenir. Avec le temps et l'expérience, tu apprends a écouter les autres et faire des compromis tout en te faisant respecter artistiquement. Si tu veux que ton groupe soit solide et qu'il tienne le coup, il faut entretenir tout ça et penser collectivement. Du moins, c'est mon point de vue.
E : La première fois qu'on a joué ensemble Diego et moi, on a tout de suite senti qu'on tenait quelque chose. Comme une évidence. Quand tu ressens ça musicalement, tu sais que ça va aboutir à quelque chose de sérieux et de solide.
On vous perçoit désormais bien plus comme un groupe, ça fait du bien de sortir de l'ombre de Mass Hysteria ou Aqme ?
D : Quand j'ai rencontré Étienne, en 2017 il me semble, on voulait juste faire du death metal ensemble. On a trouvé Karras comme nom de projet, et quand Yann est arrivé, c'est à ce moment là qu'on a senti que le groupe était vraiment au complet. Étant dans des styles complètement différents de Karras, je n'ai personnellement jamais ressenti d'ombre sur nous, mais si tu le penses et que les gens le ressentent, c'est que l'on nous considère comme un vrai groupe et c'est très cool.
E : J'ai vraiment pas l'impression que l'ombre de nos autres groupes, passés ou présents, soit quelque chose de gênant pour Karras. C'est peut-être même le contraire d'ailleurs. Le public français sait que nous sommes en quelque sorte des vétérans de la scène désormais, et que tout ce que nous faisons est motivé par une passion profonde et sincère pour la musique que nous pratiquons. Et ça se ressent dans nos disques je crois, tu peux pas tricher quand tu fais ce genre de musique et que tu l'as dans la peau.
Vous avez choisi "Roland Doe" parmi les titres à mettre en avant, c'est mon préféré de l'album, quels sont les critères pour bénéficier d'un clip ?
D : Le premier critère est d'être d'accord tous les trois sur le choix du morceau, c'est une question de feeling et on le sentait bien. De plus, j'avais déjà l'idée de tourner le clip dans les catacombes parisiennes et ce choix du morceau m'a donné l'idée d'y faire jouer un ado qui incarne Roland Doe, personnage central de l'histoire racontée dans l'album.
E : Yann était à fond sur le titre "Roland Doe" pour le choix du premier single, il adore ce morceau depuis le début, alors on n'avait pas vraiment de bonne raison de choisir un autre titre (rires) !
Karras
Est-ce que ce choix se fait juste à trois ou vous demandez l'avis du label, des amis...
D : Le label nous donne son avis, mais nous laisse libre de nos choix. Quant aux amis, on ne leur demandera jamais, on n'aurait pas encore trouvé de terrain d'entente et toujours rien sorti (rires)
Se mettre dans la peau d'un enfant possédé par le démon, c'est facile ?
D : C'est un combat de tous les jours.
On connaît les films mais peu la réalité qui les a inspirés, vous avez fait des recherches sur le sujet ?
D : Pour We poison the young, je suis revenu à la genèse. L'Exorciste-le film a été inspiré par L'Exorciste-le livre qui lui a été inspiré par un fait divers. Je me suis donc intéressé à ces deux derniers et j'ai découvert l'histoire situé à la fin des années 40 dans le Maryland aux États-Unis de ce jeune adolescent du nom de Robbie Mannheim rebaptisé Roland Doe par l'église pour protéger l'anonymat de sa famille. Cet ado supposé possédé a subi les premières séances d'exorcisme reconnues par l'église luthérienne. Je trouvais l'histoire hyper intéressante et j'ai donc écrit une fiction inspirée de ce fait divers que tu peux lire au travers des paroles.
Vous n'avez pas peur d'être enfermés dans ce "genre" ?
D : À partir du moment où l'on reste sur ce credo de la fiction inspirée de faits divers, tu peux faire ce que tu veux, il n'y a aucune limite. Je sais déjà quel fait divers va inspirer les textes du troisième album, un truc fou qui s'est passé dans la région où je suis né. Il y est toujours question de possession, mais dans un contexte et un univers complètement différents. Karras n'aura jamais assez d'album pour faire le tour du sujet (rires).
E : Je crois qu'on ne s'impose aucune limite à ce niveau-là. Le sujet est assez vaste pour qu'on ne se sente pas enfermés, et puis si ça arrive un jour, on n'hésitera pas à faire évoluer nos thématiques si on en ressent le besoin.
Vous êtes désormais chez M-Theory Audio, comment on arrive sur un label américain ?
D : J'ai envoyé la maquette de We poison the young à une cinquantaine de labels plus ou moins gros, j'ai pris le temps d'écouter les rosters de chacun et de leur envoyer un message personnel. M-Theory Audio m'a écrit un message enthousiaste et intéressé en retour. Je ne les connaissais pas beaucoup mis à part qu'ils avaient Sworn Enemy, Shadow Fall et God Forbid dans leur roster. J'ai pris le temps d'échanger pas mal d'e-mails avec Marco Barbieri, le boss pour les connaître plus. Il m'a appris qu'il avait commencé chez Metal Blade dans les années 90' puis avait monté Century Media US quand les Allemands ont voulu s'implanter aux USA dans les 2000 donc c'était du sérieux. Après une courte pause, il a monté son propre label, M-Theory Audio avec forcément moins de moyens mais avec toute son expérience et en ne signant que ses coups de cœur. J'en ai parlé aux gars, on a fait une visio tous ensemble, ça s'est super bien passé et on a dit "go".
Des dates aux USA, c'est du domaine du possible ou il faut s'organiser des vacances avec des sets dans des clubs ?
D : Avec notre label, on a déjà un bout d'orteil la-bas puisqu'on y est distribué donc tout est possible, mais c'est encore trop tôt je pense. Il faut du temps avant que ton nom circule et que les gens s'intéressent à ton groupe mais j'y crois, je sais qu'on le fera... Pour l'instant, on se concentre sur la France pour se développer encore plus ici, une escale au Japon puis pourquoi pas l'Europe, pourquoi pas les États-Unis et le reste du monde. Je ne nous mets aucune frontière.
Vous revenez de quelques jours au Japon pour 4 concerts, c'est fou, non ?
D : Je suis justement dans l'avion du retour en train de te répondre. Cette expérience a été incroyable à tous les points de vue. Le Japon est vraiment un pays à part, j'ai eu l'impression d'être sur une autre planète. Tout est tellement à l'opposé de la culture et du monde occidental. Il faut y aller pour le voir, c'est dur à expliquer. On a aussi eu une super connexion avec Obituary, des mecs hyper sympas, fun et surtout tellement humbles par rapport à ce qu'ils représentent pour la scène death metal mondiale. Les Japonais ont semblé adorer Karras. On a vendu pratiquement tout le merch qu'on avait ramené dans nos valises et les t-shirts qu'on a fait fabriquer là-bas. Étant distribués au Japon, j'ai aussi vu des gens arriver avec nos skeuds en main devant les salles, achetés chez les disquaires locaux... Ça parait énigmatique, mais ça m'a rendu fier. Ce périple m'a aussi conforté dans l'idée qu'on avait une relation solide tous les trois et notre crew. Partir à l'autre bout du monde et être les uns sur les autres tous les jours n'est pas toujours facile, mais ça s'est super bien passé et ça renforce encore plus nos liens.
E : Le Japon a été une expérience fantastique pour nous, avec plein de bons moments qui resteront gravés dans nos mémoires.
Des concerts doivent être annoncés pour le printemps, on peut espérer vous voir ailleurs qu'à Paris ?
D : Oui carrément ! On joue au Plan de Ris Orangis le 7 avril, puis le 27 avril au Transbordeur à Lyon. Ensuite le Motocultor le 16 août et le Furios Fest dans le Cantal le 25 août. Il y a aussi plusieurs autres options qui vont probablement se concrétiser bientôt...
Si vous pouviez jouer dans un lieu un peu particulier qui ne reçoit pas de concerts, quel serait le spot idéal ?
D : Sur le parvis de la pyramide de Teotihuacán au Mexique, lieu sacré des Toltèques.
On peut aussi demander à Rachida Dati pour jouer sur le parvis de Notre Dame de Paris pour sa réouverture ?
D : Je lui aurais demandé si elle avait été Toltèque (rires).
Merci à Diego et Étienne, merci également à Elo (Agence Singularités) pour le relais.
Photos : JC Forestier
Publié dans le Mag #59