Metal Métal > Junon

Review Concert : Junon, Junon, Lizzard et Klone au Black Lab (déc. 2022)

Interview : Junon, Qui est Junon ? (mars 2021)

Junon / Chronique LP > Dragging bodies to the fall

Junon-Dragging bodies to the fall Un des meilleurs groupes (Junon, les ex-General Lee pour ceux du fond qui n'ont pas suivi) avec un des meilleurs producteurs (Francis Caste) sur un des meilleurs labels (Source Atone Records), je me demande ce que ça peut bien donner...

Plus limité à un EP, les Nordistes peuvent donner leur maximum et étendre leurs idées, nous plonger dans leur magma avec des gants, le premier, c'est "Segue 1 - The final voyage", un titre introductif qui fait monter la lave et nous laisse le temps de fuir, il n'est pas trop tard, on entend que ça gronde, que les riffs s'aiguisent, que le chant prend de l'air et de l'ampleur, la menace se rapproche, si on reste, on sera enchaîné pour un dernier voyage en direction de la souffrance, la décrépitude, l'emprisonnement, les mensonges et le chaos. Tout un programme qu'on ne peut décemment pas refuser (contrairement aux mêmes propositions nationalistes pour les législatives qu'on fera tout pour laisser le plus loin possible du pouvoir). Et pour le coup, les promesses sont tenues, dès "Caught in hypocrisy loops", on se fait marteler la tronche, des variations dans le tempo, les chants, les sons donnent le tournis. C'est hébété qu'on se prend "Out of suffering", plus lourd mais aussi plus aiguisé, plus agressif mais aussi plus lent, c'est un modèle du genre "Junon". Si "The day you faded away" débute avec quelques caresses délicates, l'ambiance ouatée passe assez vite en mode "paille de fer", le genre de trucs qui ne fait que renforcer la douleur... Si tu t'es lavé les mains avec une solution hydro-alcoolique alors que tu avais une petite plaie ouverte, tu connais exactement cette sensation... Comme durant certains affrontements, on fait une trêve pour ramener les cadavres, ici, c'est "Segue 2 - Dragbody" qui lance un "Dead ends lead to somewhere" dont certaines idées empruntent au post-rock (les accords de guitare aussi clairs que progressifs) avant que le chaos rythmique ne détruise tout laissant une petite place au néant. Un vide comblé par un barreau de plus à la cage, morceau hard, morceau martial, morceau qui nous roule dessus, nous écrase et nous enfonce sous terre. "Making peace with chaos" apporte quelques rais de lumière mais ce n'est qu'une illusion, le ciel s'abat vite de nouveau sur nos têtes. Plus sludge et décousu, "Halo of lies" sonne comme notre agonie... mais tout n'est pas totalement terminé puisque "This dead place" surgit des ultimes profondeurs de la galette, un bon morceau bonus qu'il n'était pas nécessaire de cacher à mon sens, peut-être que ça pouvait aussi fonctionner en inversant ces deux-là.

Junon est une des incarnations de la transformation de la sauvagerie en beauté, n'est-ce pas elle qui a récupéré les yeux d'Argus après sa décapitation pour les mettre sur les plumes du paon ? Ainsi, Dragging bodies to the fall ne serait que férocité si Junon n'en faisait pas une splendeur.

Publié dans le Mag #61

Junon / Chronique EP > The shadows lengthen

Junon - The shadows lengthen Une quinzaine d'années à labourer les esgourdes, c'était suffisant pour General Lee qui rangeait la caisse au garage au printemps 2016. Mais voilà que cinq années plus tard, les mêmes gaillards pensent qu'ils ont encore des choses à dire et décident de se reformer... sans pour autant revenir avec leur vieux nom. Voulant se libérer de certains poids et repartir de zéro, c'est Junon qu'il faut désormais les appeler, c'est le premier titre de leur première démo, c'est donc un synonyme de commencement plus que de recommencement même si dans les sonorités, les ambiances et jusqu'à l'artwork, on retrouve pas mal d'éléments qui rappellent les débuts du General et en particulier Hannibal ad portas.

The shadows lengthen ne s'étend que sur un peu moins de 20 minutes et 4 pistes mais on retrouve des Nordistes qui n'ont rien perdu de leur mordant et se plaisent de nouveau dans des atmosphères lugubres et pesantes. De par la dichotomie riffs lourds vs sonorités claires, la tonalité d'ensemble est orientée post-hard-core (ce qui n'est pas pour me déplaire, désolé les gars de vous étiqueter encore comme cela) avec un travail assez fouillé sur les distorsions et les voix pour que le schéma ne soit pas trop "classique", on a du hurlé bien sûr mais on a aussi du chant clair, du spoken word, et pas mal de mélodies saignantes et comme chacun s'amuse à jouer sur ces registres (sons clairs / saturés ou rythmique lourde / éthérée), on obtient un ensemble d'une grande richesse malgré le peu de temps d'exécution, même un titre de moins de 4 minutes paraît "long" tant il apporte de sentiments. Sur cette base Neurosisienne (si si, ça se dit), ajoute quelques pointes de screamo et une grosse dose de rage "in your face" et tu comprendras pourquoi ce premier EP de Junon fait autant parler de lui. Il faut dire que le mariage est parfaitement réussi, et même si leur nom doit assez peu à la déesse romaine, il est bon de rappeler que la mythologie en fait la mère à la fois de Lucine (la lumière), Vulcain (le feu) et Mars (la violence).

"Sorcerer", "Carcosa", "Flood preachers" et "The bleeding", les noms des compositions offrent tout un programme et une fois ingéré le menu présenté ne déçoit pas, le malaise comme l'inquiétude hantent ces quatre titres où la souffrance l'emporte sur la luminosité de certains passages. Mais comme c'est grâce à cette dualité que le combo s'exprime le mieux, ce serait dommage que le combat prenne fin dès leurs nouveaux débuts...

Publié dans le Mag #46