Isis : In the absence of truth Evolution, tel est le maître mot qualifiant ce nouvel album d'Isis. Reprenant les principes darwiniens à son propre compte, le groupe a cherché à poursuivre son oeuvre, celle-ci l'ayant emmenée depuis Celestial, jusqu'à cet In the absence of truth en passant par Oceanic et Panopticon sans jamais qu'Aaron Turner et ses partenaires n'aient commis deux fois le même album. Pour faire un raccourci rapide, d'un album à l'autre, Isis a toujours cherché à alléger son propos (pourtant parfois d'une lourdeur considérable...) pour travailler ses ambiances, ses atmosphères dans une logique de recherche d'intensité émotionnelle. Dès lors, il est clair qu'au regard des morceaux les plus heavy d'Oceanic par exemple, le "Wrist of kings" qui ouvre ce quatrième effort des américains a dans un premier temps de quoi surprendre les familiers de l'univers du groupe.
Les six premières minutes sont étonnamment aérées pour du Isis et ce n'est que dans l'ultime minute du morceau qu'Aaron Turner peut se laisser aller à pousser quelques hurlements rageurs pendant que les guitares alourdissent sensiblement le propos afin que l'on retrouve un peu nos repères. Mais dans le même temps, n'est-il pas bon d'évoluer encore et toujours ? N'est-ce pas l'essence même d'un artiste que de se mettre en danger, sans trop faire attention aux considérations économiques ? Second morceau d'In the absence of truth, "Not in rivers, but in drops" évolue, dans sa première partie, clairement plus dans des sphères rock que metal extrème. Un rock lourd et abrasif soit, mais assez éloigné du metal caverneux et pesant de ses débuts. Jusqu'au moment où le chant fait son entrée. Et là, ça envoie, Aaron Turner gueule jusqu'à plus soif pendant que paradoxalement, les instrumentations ne s'alourdissent pas d'un iota. Au contraire, évoluant dans un registre rock atmosphérique technique, elles parviennent à créer un paradoxe intéressant puisque la musique d'Isis allie alors rage destructrice, mélodies souterraines et arrangements éthérés. La transition est toute trouvée avec "Dulcinea", morceau conçu comme un crescendo très grand format où la tension, palpable, grimpe progressivement avant la très attendue explosion finale. Terriblement efficace quoique plus classique dans sa forme.
Et le groupe de pousser le concept à son paroxysme pour le morceau suivant : "Over roots and thorn". Rarement Isis se sera montré aussi atmosphérique et apaisé (quelques passages de chant clair assez étonnants), même si titre nous réserve quelques instants de rage brute implacable. Mais ceux-ci semblent se faire de plus en plus rares. L'impression tend à se confirmer sur le très toolien "1000 Shards", où guitares se font très rock alternatif pendant que la section rythmique impose sa maîtrise technique et qu'Aaron Turner passe en mode chant clair. Coup d'essai et coup de maître pour le groupe, qui ne manquera pas, un peu à l'image du dernier opus de The Haunted (The Dead eye), de dérouter les supposés puristes. Une fois passé un interlude instrumental ambiant, sombre, étrange et torturé mais relativement peu convaincant, le groupe passe à l'étape suivante. Accoucher de quelques riffs chauffés à blanc, lourds, telluriques avant d'encore une fois, livrer des mélodies aux atmosphères largement plus éthérées (presque psychées) que d'ordinaires (le très beau "Holy tears"), puis livrer un "Firdous E Bareen" particulièrement gourmant en subtilités de tous genres. Qu'importe ceux qui seront déçus de ne pas avoir droit à un Panopticon bis, Isis se remet en question, dépasse ses propres limites pour accoucher en guise de conclusion, d'un titre majestueux et intense qui cristallise en 9'14 tout ce que l'on a pu voir ou entrevoir sur un album finalement riche de mille nuances et petites finesses. Un nouvel effort puissant et aérien, plus raffiné que ses prédécesseurs et qui nécessite de nombreuses écoutes avant d'en avoir fait le tour... pour peu que cela soit possible un jour.