Inys - Enkrateia "La musique d'Inys est l'expression de ce feu qui dévore. Passion. S'abandonner toujours un peu plus en lui, briser nos propres barrières avec l'espoir d'en entrainer d'autres. Visiter l'angle mort ensemble, et croire un instant que nous ne faisons plus qu'un. Chaque instant où la communion opère est une raison de plus pour nous de continuer et d'aller plus loin", c'est en ces termes que nous est présenté le groupe et ses offrandes musicales. Partant de ce constat, la découverte d'Enkrateia ne se fait pas sans avoir souligné au préalable le soin apporté par le groupe à l'"objet". Edition limitée à quelques 200 exemplaires, pochettes en carton recyclé et CD sérigraphiés à la main, Inys a le goût de la chose bien faite et va le prouver tout au long des 40 minutes que compte ce premier effort.
Dès "Notre immersion", le décor est planté, le groupe délivre six minutes et très précisément quarante quatre seconde de postcore éruptif à la production très brute et à l'écriture trempée dans l'encre d'une noirceur presque palpable. Un son très rêche, un esprit DIY affirmé, des moments d'apaisement relatifs qui succèdent à des éclairs de rage, lesquels parsèment avec une effrayante régularité ce titre inaugural chargé de nous faire pénétrer les méandres labyrinthiques et torturés d'un groupe à l'univers sombre et oppressif (on pense parfois à Overmars ou à Year of no light...). Tâche dont il s'acquitte au demeurant fort bien. Des riffs qui sonnent comme autant de coups de poignard plantés dans notre cortex cérébral, précipitant un peu plus notre lente et inexorable chute vers les abîmes de l'aliénation mentale, des hurlements déchirants stigmatisant ce désespoir permanent qui enveloppe Enkrateia.
Un chant volontairement écrit et interprété dans la langue de Voltaire et des complaintes à fleur de peau qui ne sont pas sans évoquer celles du vocaliste d'Amen Ra, les Inys pouvant être du reste comparés à leurs voisins Belges sans que l'on ne soit obligé de crier au crime de lèse-majesté. Les français assument ici l'usage de leur langue natale et, ce qui peut parfois limiter considérablement l'impact d'un groupe dans un registre pop-rock prend ici tout son sens. Il faut dire que dans le même temps, voix et instruments ne font plus qu'un '"Derrière ces murs, l'orage"), le groupe parvenant à donner une puissance étonnante à son cocktail post-hardcore sludge psychotique. "Que la lumière...", est le titre le plus long de l'EP, l'atmosphère y est viciée, la tension, permanente, Inys transpire la douleur, cette rage incontrôlable qui trouve sa source dans les conflits intérieurs déchirant les compositions du groupe. En de rares instants plus apaisé, "De l'angoisse à l'ecchymose" donne le change, mais finalement, le groupe revient fatalement emprunter les sillons de ce postcore saturé donc il écrit ici une belle page. Inys, quatre lettres pour quatre titres d'une musique épidermique et sans concession.