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Hypno5e Né en 2003 du côté de Montpellier et composé depuis ses débuts d'Emmanuel Jessua, Jérémie Lautier, "Gredin" et Thibault Lamy, Hypno5e vit ses deux premières années en tant que groupe à parfaire son art en couchant ses compositions d'alors sur une démo et un EP (H492053 puis Manuscrit Côté ms408 avant de passer par la case album long-format avec le très remarqué Des deux l'une est l'autre, par l'intermédiaire de feu-Overcome Distribution. L'excellent accueil, notamment critique, qui est réservé au groupe lui permet de tourner massivement, que ce soit en Europe ou sur le territoire nord-américain, en compagnie de groupes comme Gojira, Psykup ou The Ocean.
L'attente est désormais grande autour des quatre Montpelliérains mais ceux-ci vont alors prendre leur temps, continuer d'enchaîner des dates jusqu'en Australie, mais également initier un side-project neo-folk/rock/acoustique (avec exactement la même configuration de line-up) sous le patronyme de A Backward Glance On A Travel Road, dont le premier effort discographique, éponyme, sort au printemps 2011. Un an plus tard, c'est de nouveau avec Hypno5e que le quatuor ferraille, en livrant son deuxième album long-format : Acid mist tomorrow via Klonosphere/Season of Mist (Jenx, Hyperdump, Memories of a Dead Man, Nojia) et Pelagic Records (Abraham, Coilguns, Earthship, Kruger, The Ocean...).

Interview : Hypno5e, Manu sous Hypno5e (mars 2023)

Interview : Hypno5e, Hypno5e entre les lignes (nov. 2016)

Hypno5e / Chronique LP > Sheol

Hypno5e-Sheol Le blanc domine de nouveau l'artwork d'un album d'Hypno5e, le blanc qui évoque autant la pureté que le calme, deux adjectifs qui peuvent correspondre à ce nouvel opus où les lourds et sombres passages métalliques sont relégués au deuxième plan. L'atmosphère générale est davantage portée par des moments de douceur, une musique plus rassérénante que troublante quand bien même certaines structures sont saillantes et certains mots et riffs rappellent l'amour de dédales.

Sheol, c'est le séjour des morts, ici plus le paradis que l'enfer, d'ailleurs un des samples est extrait du film culte "Les enfants du paradis", avec cette ode poétique au théâtre, on peut aisément faire un lien tant les titres sont beaux, parfaitement agencés et rythmés. Chaque note est à sa place tout comme chaque élément de l'artwork vient s'agréger pour faire un tout agréable même quand il est déconstruit et réagencé. Les samples tiennent une place importante dans cet opus, qu'ils soient des extraits de films (Marcel Carné mais aussi Jean Cocteau), de poésie (César Vallejo), qu'ils soient en français, en espagnol ou en anglais, avec une voix masculine ou féminine, ils sont toujours justes et s'imbriquent parfaitement avec les instruments, on pourrait même imaginer qu'ils ont été posés avant la musique tant le mariage est naturel et élégant. Le travail de précisions est assez bluffant, chaque seconde proposée (et il y en a plus de 3700) semble avoir été réfléchie pour que les notes qui occupent cet espace de temps soient les meilleures. Dans cette optique, les sons, qu'ils soient de la guitare, de la basse, de la batterie ou d'autres instrus comme ce superbe violoncelle, sonnent avec une puissance incroyable, évite donc d'écouter cet album sur un appareil qui ne fait pas honneur au travail du groupe et de Chris Edrich, les mecs ne se décarcassent pas pour que l'on s'extasie sur une plate-forme de streaming qui compresse et écrase les finesses. En comptant davantage les points dans le combat entre la clarté et l'obscurité, je me rends compte que l'impression de "douceur" est certainement un trompe-l'œil, si le chant clair tient une grande place dans la transmission des mots, les guitares durcissent plus souvent le ton qu'il ne peut paraître après les premières écoutes. Dans le sillage de "Tauca, pt. I - Another" (donc le début du morceau présent sur A distant (dark) source) ou des deux autres "Pt 1" qui introduisent des morceaux plus violents, elles s'amusent à passer de la chaleur de l'acoustique à la brutalité de la saturation mais comme le chant ne suit pas toujours leurs élans, je reste dans un certain confort même quand tout peut s'écrouler ("The dreamer and his dream").

Toujours aussi exigeants avec eux-mêmes, les Montpelliérains poursuivent leur œuvre sans commettre la moindre faute, ils ont beau nous habituer à un tel niveau depuis plus de 10 ans, j'en reste encore assez béat à chaque nouvelle offrande. Au final, j'aurais pu n'écrire qu'un mot pour évoquer ce disque : "Merci".

Publié dans le Mag #55

Hypno5e / Chronique DVD > A distant dark source experience

Hypno5e - A distant dark source experience Entre deux confinements, Hypno5e a réussi à sortir de son antre pour proposer un concert streamé le 27 février 2021 depuis Paloma, la SMAC de Nîmes où ils avaient donné un vrai concert (avec du public donc) pratiquement un an auparavant. Filmé avec de multiples caméras et profitant d'une mise en scène visuelle très poussée, cette expérience est désormais disponible à la fois en vinyle et CD pour le son ainsi qu'en téléchargement et en DVD pour le son et l'image. C'est à partir de la version digipak proposant le CD et le DVD que cet article est écrit. Un packaging cartonné, sobre et élégant qui, dans des teintes bleutées, renferme un show exceptionnel.

Mais pouvait-il en être autrement ? L'opus A distant (dark) source étant un petit bijou, sa version live se devait d'être une expérimentation sans égal, Hypno5e et son équipe nous a donc concocté un spectacle hors du commun. Premier constat, le son est prodigieux, on n'a pas vraiment l'impression d'écouter du live tant il est clair, net, précis et puissant. L'installation a été méticuleusement réfléchie, le groupe se présente en carré et aucune particule sonore n'échappe à la captation. C'est un régal pour les oreilles. Pour les yeux, c'est pas mal non plus avec 4 grands panneaux sur lesquels sont projetées des images, essentiellement en noir et blanc. Elles limitent le spectre colorimétrique d'autant que le groupe n'est éclairé là aussi quasiment que par du blanc. On a bien un peu de rouge/rose/violet de temps à autres mais dans les moments les plus tendus, l'apocalypse se joue entre obscurité et éclairs tranchants. Le titre annonce une "expérience" et le mot n'est pas galvaudé. C'est réellement très impressionnant de vivre (et revivre à l'infini) ce concert. En bonus, on a le méga-clip vidéo des trois parties de "A distant dark source" (plus de 18 minutes !), on profite alors au mieux des magnifiques décors... On a aussi celui de "Tauca - Pt. 2 (Nowhere)" et quelques teasers.

J'ajoute que ce superbe live a un goût particulier pour moi car le 20 mars 2020, je devais assister à un concert d'Hypno5e à Béthune (coucou Le Poche) et le confinement a débuté le 17... A l'heure où les concerts reprennent peu à peu (ce n'est pas encore évident partout), la boucle serait-elle enfin bouclée ?

Publié dans le Mag #50

Hypno5e / Chronique LP > A distant (dark) source

hypno5e - a distant dark source Que faire quand on a atteint la perfection ? Se fixer un nouveau défi comme illustrer un film ? Hypno5e l'a fait, il fallait donc revenir en studio et mettre de côté Shores of the abstract line pour commencer une nouvelle histoire sans dénaturer le passé. C'est chose faite avec A distant (dark) source qui est le deuxième volet d'une œuvre qui se décompose en plusieurs chapitres, d'abord parce qu'on attend le premier, ensuite parce que les compositions correspondent à des fragments de l'histoire, elle-même découpée en de multiples parties. Les morceaux qui ouvrent et ferment l'opus ("On the dry lake" et "Tauca") sont des "Part II" sans "Part I". Étrange mais pas illogique quand on s'attarde sur le thème abordé par Hypno5e, à savoir un lac aujourd'hui disparu... Le présent, c'est ce salar, ce désert de sel bolivien dont on ne connaît pas encore bien l'histoire, pour en comprendre le début, il faudra remonter dans le passé et donc découvrir qu'il existait un lac voilà plusieurs milliers d'années, non seulement un lac mais aussi une vie tout autour, peut-être est-ce là la première partie de l'histoire, nous le saurons plus tard... Aujourd'hui, on ne navigue plus sur les eaux calmes mais on marche sur des croûtes de sel, aveuglé par le soleil et dérangé par les esprits qui hantent un milieu qui n'est plus le leur.

C'est avec un extrait de Jean Cocteau ("La machine infernale" qui reprend le mythe d'Œdipe) qu'on atterrit sur le lac asséché, les guitares et la batterie se déchaînent alors, un chant death prend le relais de l'extrait samplé (enfin, lu et enregistré) et alors que le tempo se radoucit, la clarté se fraye de nouveau un chemin entre quelques rafales de blast, tout au long de ce premier morceau labyrinthique, on ne saura pas où donner de la tête, les ambiances changeantes, les chants et les samples qui se mélangent (Guy Debord est même convié au spectacle), l'agressivité puis la douceur de l'ensemble brouillent les pistes mais d'un point de vue émotionnel comme technique, on se dit que si les Gojira allaient plus loin dans la déstructuration et l'aventure progressive, ils ne seraient pas loin de ce résultat. La suite est plus simple à appréhender puisque les titres se découpent en trois morceaux, "In the glow of dawn" est d'abord tout à fait clair et doux ("Part I") avant de sombrer dans un chaos saturé ("Part II") pour se terminer avec comme base de nouveaux samples ("Part III" et la lecture d'un poème d'Alfred de Musset). C'est peu ou prou le même schéma pour "A distant dark source" : calme / chaos / accalmie chaotique. Le tronçonnage en triptyque est parfois plus flou (sur "On our bed of soil") car les césures sont inaudibles, on pourrait même se demander pourquoi ne pas proposer qu'une seule piste, quitte à ce qu'elle s'étende sur plus de quinze minutes. Peu importe ces considérations, l'opus s'écoute d'une traite et personne n'a les yeux rivés sur le tracklisting, on se laisse porter, parfois malmener, et on admire le travail d'orfèvre réalisé par les Montpelliérains qui nous disent adieu avec la lecture d'un texte de Louis Aragon et une ambiance à la Opeth où la rage finit par se mêler à des pleurs déchirants.

On en veut forcément plus après une telle écoute, il nous faut le début de l'histoire, il faut retrouver l'histoire des vivants après avoir croisé les spectres, il faut qu'on soit vite dans le futur pour découvrir le passé et pouvoir mettre côte à côte toutes les parties de l'album.

Publié dans le Mag #40

Hypno5e / Chronique LP > Shores of the abstract line

Hypno5e - Shores of the abstract line Les amateurs de métal léché, réfléchi et prenant sont servis ces temps-ci puisque s'ils ne sont pas repus par le magnifique album d'Abysse, ils peuvent aussi se plonger dans la nouvelle offrande d'Hypno5e : Shores of the abstract line. Alors certes, ces deux formations ne sont pas très prolixes mais quand elles sortent un album, on en a pour un bout de temps avant d'en faire le tour (si jamais c'est possible), 4 ans après Acid mist tomorrow, nous revoilà fasse à une épreuve : devoir mettre des mots pour "parler" de l'album au lieu de simplement en profiter.

Je devrais donc me lancer dans une tentative de dissection de ce qui fait la magie des Montpelliérains pour te donner envie de rejoindre leur bataillon de fans (parce que si tu les connais déjà, tu n'as pas attendu ces lignes pour te procurer ledit opus). Faut-il parler de leur technique irréprochable, de ces breaks bien sentis, des incursions hispanisantes, des montées prog jouissives, des passages post-rock dialogués, du tabassage monumentale quand ça envoie ? Faut-il vraiment aller éplucher chaque mesure, chaque enchaînement de riffs, chaque sonorité ? Faut-il irrémédiablement explorer chaque rivage ? Suivre tous les chemins indiqués par la boussole pour cartographier leurs territoires ? Je risquerais de rompre le charme.

Alors je choisis de me taire. De me laisser porter par les émotions, de savourer chaque seconde, qu'elle soit délicate ou hurlée, éthérée ou condensée, d'une clarté limpide ou harmoniquement déchirée. De passer du bleu nuit au blanc éclatant, de rougir de plaisir à apprécier une pop hypnotique, de laisser des écrits finalement transparents comparés à une telle maestria.

Production parfaite, artwork parfait, qualité des compositions parfaites, instruments et voix parfaits, tout est parfait sur ce Shores of the abstract line sur lequel il n'y a finalement rien à dire et qu'il suffit d'écouter.

Hypno5e / Chronique LP > Acid mist tomorrow

Hypno5e - Acid mist tomorrow C'est quand même un peu une exception ce groupe-là. A contre-courant de toutes ces formations metal hexagonales (hormis Gojira et quelques rares cas particuliers) qui n'ont pas encore compris qu'il ne servait à rien d'enchaîner les albums tous les uns an et demi pour faire croire qu'elles occupent le terrain, alors qu'il faut les travailler en profondeur ces disques justement ; ou qu'il ne sert pas plus à grand chose de se cantonner à l'hexagone quand bien même lesdites entités seraient prophètes en leur pays. Hypno5e a parfaitement assimilé tout cela et n'hésite pas à aller jouer aux côtés d'un Gojira sur le territoire nord-Américain ou de traverser le globe pour s'offrir un petit road-trip live en Australie. Musicalement, c'est la même histoire : on oublie les modes et on cause crossover aux inspirations variées : la créativité au service de la puissance et non pas l'inverse, le songwriting avant la déferlante de décibels... l'un n'empêchant, dans le même temps, pas l'autre.

Si le premier album du quartet (Des deux l'une est l'autre), avait révélé une griffe musicale particulière, une personnalité artistique déjà affirmée, Acid mist tomorrow, conjointement sorti par la Klonosphere (Jenx, Nojia, Memories of a Dead Man) et le label de The Ocean Pelagic Records (Abraham, Kruger, Earthship...), affine le propos des montpelliérains, lesquels s'affranchissent désormais de toute vaine tentative de classification stylistique (forcément réductrice) pour proposer quelques chose qui flirte avec la puissance métallique dévastatrice d'un Gojira, les aspirations atmosphériques évoquant la géométrie "Toolienne", les contorsions mélodiques d'un Opeth et les expérimentations post-rock cinematiques chères à Microfilm. On arrête là le petit jeu des comparaisons foireuses et on accepte de se laisser happer par le morceau-titre inaugural, grandiose ouverture d'un album désormais placé sur des orbites situées à des années lumières de la très grande majorité de ses contemporains. Dix minutes et quelques d'une symphonie métallique aux fulgurances rock/prog/post-rock/pop et au climax déchirant : Hypno5e vient de mettre la scène alternative hexagonale à ses pieds.

On attaque le (faux) diptyque "Six fingers in one hand she olds the dawn I & II" par une intro de quelques quarante-deux secondes (ça c'est la partie I) avant un second volet (un peu moins de huit minutes cette fois) qui de nouveau, prend d'assaut les enceintes avant de les lacérer de quelques foudroyantes déferlantes hardcore/screamo écorchées vives. Pendant ce temps, la frappe de batterie est phénoménale, agissant comme un bulldozer (death)metal en mode blitzkrieg "guerre éclair". Pour autant, les passages les plus apaisés, orientés progressif/post-rock ne sont toujours pas aux abonnés absents et le groupe a autant recours à un chant clair particulièrement mélodieux qu'aux samples vocaux, avant de s'offrir de nouvelles poussées de fièvres metal(core) de premier choix. Le terme peut ici paraître choquant, comme certaines comparaisons précédentes obséquieuses, mais là encore Hypno5e ne fait rien comme les autres. On pourrait qualifier le quartet frenchy d'"expérimental" certes mais dans le même temps, sa musique reste extrêmement accessible. Complexe oui, mais compréhensible par le commun des mortels. Ou l'intelligence de simplifier des concepts afin de se faire entendre du plus grand nombre. Et derrière des structures soigneusement élaborées et une foule de détails qui n'apparaissent à l'auditeur qu'au prix d'écoutes attentives et répétées, le groupe envoie les décibels s'entrechoquer sur une partition dont les silences volent régulièrement en éclat, cédant sous les coups de boutoir d'une musique à la violence éruptive... qui sait également retrouver son calme aussi soudainement qu'elle l'a perdu ("Story of the eye").

Un triptyque pour asseoir un peu plus sa position de véritable cas particulier de la scène dite "metal" frenchy, Hypno5e prend tout son temps pour développer des morceaux amples et aussi labyrinthiques qu'émotionnellement intenses. Un premier mouvement où règne un calme quasi absolu, un second qui s'offre quelques séquences de démembrement math-metal avant de tourner le dos au gros son qui karchérise les tympans pour s'en aller voguer vers des courants prog/pop ; puis un retour au gros metal empreinte d'une douleur indicible qui trouve sa catharsis dans l'expression d'une violence sonore épidermique. Le troisième et dernier mouvement de "Gehenne" laisse planer un calme relatif quelques minutes durant lesquelles il parle un langage aux mélodies pop secondées par quelques instruments qui se font régulièrement discrets... avant qu'une fois encore, les éléments ne se déchainent sous les déferlements exaltés d'un quatuor dont les poussées de fièvre aliénantes rythment elles-aussi la dynamique de l'album. Et si l'on s'était assez légitimement attendu à retrouver la même mécanique sur les deux dernières pistes de cet Acid mist tomorrow, un diptyque encore une fois ("Brume unique obscurité Part I & II"), Hypno5e surprend en segmentant son propos : un premier épisode au minimalisme feutré propice à l'accalmie sensorielle, puis une réponse immédiate en forme de tsunami métallique à l'émotivité exacerbée.

Pas étonnant qu'il se soit écoulé cinq années entre le premier album du groupe et Acid mist tomorrow : cet opus qui donne l'effrayante impression d'en contenir l'équivalent de trois en son seul sein. Et quelques cinquante minutes d'un quasi chef-d'oeuvre passionnel signé par un groupe qui semble avoir décidément tout compris, ce avec une étonnante facilité... tout en étant capable de mettre en oeuvre ce qu'il a à l'esprit avec un talent évident et une maestria proprement ahurissante. La très grande classe.