Le blanc domine de nouveau l'artwork d'un album d'Hypno5e, le blanc qui évoque autant la pureté que le calme, deux adjectifs qui peuvent correspondre à ce nouvel opus où les lourds et sombres passages métalliques sont relégués au deuxième plan. L'atmosphère générale est davantage portée par des moments de douceur, une musique plus rassérénante que troublante quand bien même certaines structures sont saillantes et certains mots et riffs rappellent l'amour de dédales.
Sheol, c'est le séjour des morts, ici plus le paradis que l'enfer, d'ailleurs un des samples est extrait du film culte "Les enfants du paradis", avec cette ode poétique au théâtre, on peut aisément faire un lien tant les titres sont beaux, parfaitement agencés et rythmés. Chaque note est à sa place tout comme chaque élément de l'artwork vient s'agréger pour faire un tout agréable même quand il est déconstruit et réagencé. Les samples tiennent une place importante dans cet opus, qu'ils soient des extraits de films (Marcel Carné mais aussi Jean Cocteau), de poésie (César Vallejo), qu'ils soient en français, en espagnol ou en anglais, avec une voix masculine ou féminine, ils sont toujours justes et s'imbriquent parfaitement avec les instruments, on pourrait même imaginer qu'ils ont été posés avant la musique tant le mariage est naturel et élégant. Le travail de précisions est assez bluffant, chaque seconde proposée (et il y en a plus de 3700) semble avoir été réfléchie pour que les notes qui occupent cet espace de temps soient les meilleures. Dans cette optique, les sons, qu'ils soient de la guitare, de la basse, de la batterie ou d'autres instrus comme ce superbe violoncelle, sonnent avec une puissance incroyable, évite donc d'écouter cet album sur un appareil qui ne fait pas honneur au travail du groupe et de Chris Edrich, les mecs ne se décarcassent pas pour que l'on s'extasie sur une plate-forme de streaming qui compresse et écrase les finesses. En comptant davantage les points dans le combat entre la clarté et l'obscurité, je me rends compte que l'impression de "douceur" est certainement un trompe-l'œil, si le chant clair tient une grande place dans la transmission des mots, les guitares durcissent plus souvent le ton qu'il ne peut paraître après les premières écoutes. Dans le sillage de "Tauca, pt. I - Another" (donc le début du morceau présent sur A distant (dark) source) ou des deux autres "Pt 1" qui introduisent des morceaux plus violents, elles s'amusent à passer de la chaleur de l'acoustique à la brutalité de la saturation mais comme le chant ne suit pas toujours leurs élans, je reste dans un certain confort même quand tout peut s'écrouler ("The dreamer and his dream").
Toujours aussi exigeants avec eux-mêmes, les Montpelliérains poursuivent leur œuvre sans commettre la moindre faute, ils ont beau nous habituer à un tel niveau depuis plus de 10 ans, j'en reste encore assez béat à chaque nouvelle offrande. Au final, j'aurais pu n'écrire qu'un mot pour évoquer ce disque : "Merci".
Publié dans le Mag #55