Lorsque l'on vous apporte votre plat au restaurant, combien de fois vous êtes-vous dit que la tranche de tomate et la salade sur le côté n'étaient pas vraiment de la décoration et n'avaient pas non plus d'intérêt gustatif, et bien soyez tranquille ! Nous avons interviewé Hammok, le jeune trio de Oslo fait actuellement sensation et ils nous ont servi des réponses sans fioriture à l'instar de leur musique qui va droit au but. Vous allez déguster...
Bonjour Hammok, comment décririez-vous votre groupe au public ? Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Notre intention est de ne jamais décrire complètement ce que nous faisons au public. Nous faisons simplement la musique que nous voulons entendre, c'est finalement le reflet de nos personnalités et l'énergie qui nous anime en tant que groupe. Ferdinand et Tobias ont grandi ensemble et ont commencé Hammok en 2011. Ils avaient 13 ans à l'époque. Après avoir déménagé à Oslo, auparavant, ils vivaient à Horten, en 2017, Hammok était en plein hiatus. Ferdinand et Tobias ont rencontré Benjamin en 2018 dans le cadre d'un autre projet. Le résultat de tout ça est que Hammok a été ramené à la vie pendant la pandémie.
Quand on mentionne votre nom, on pense au roman de Stephan Zweig, Amok. Il semble que ce nom vous soit venu d'une manière plus simple. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le nom "Hammok" n'est pas basé sur quelque chose de spécifique, et il n'y a pas plus de signification profonde derrière ça. Hammok est tout simplement né d'une coïncidence fortuite et c'est resté depuis.
Votre précédent LP Jumping/Dancing/Fighting est sorti sur le label Loyal Blood (Blood Command) d'Yngve Andersen, comment est née cette collaboration et comment s'est passé l'enregistrement ? Comment cet album a-t-il été reçu par la presse et le public ?
En grandissant, Blood Command a toujours été une source d'inspiration. Quand Hammok a été sur le point de sortir Jumping/Dancing/Fighting, ça a été une approche naturelle d'entrer en contact avec Loyal Blood. On leur a envoyé un e-mail et rapidement la collaboration a commencé. Concernant l'enregistrement, c'est notre ami Anders Fedøy, l'ingénieur studio, qui a conçu l'EP, et Tobias Osland, notre chanteur, s'est chargé de la production. Le processus a été très DIY comme pour tous nos projets jusqu'à présent. Nous voulions un son simplifié qui incluait très peu d'overdubs et peu ou pas de superpositions dans la production. L'EP a été très bien accueilli. Il a élargi notre public et a été hautement apprécié par les journalistes, les blogs musicaux. D'une certaine manière, il nous a placés sur la carte en tant que groupe de hardcore international.
Votre nouvel album est sorti sur Thirty Something, un label plutôt habitué à rééditer des albums des années 90 et 2000 ? Vous avez dû éveiller chez eux un intérêt extraordinaire, comment est-ce arrivé ?
On cherchait en effet des labels pour sortir cet album. Avec l'aide de Philippe, notre agent pour l'Europe, nous avons pris contact avec Matthias de Thirty Something Records et heureusement pour nous, il était très enthousiaste à l'idée de produire notre album.
Quels sont les thèmes des chansons de Look how long lasting everything is moving forward for once, ce nouvel album ?
Il y a beaucoup de thèmes différents tout au long du disque. La plupart de ces thèmes sont vagues et sujets à interprétation. La chose la plus importante est le sentiment que vous évoque notre musique quand vous l'écoutez, aussi bien dans sa production que dans son énergie.
Pouvez-vous nous parler de votre pochette et de son designer ? Comment cela fonctionne entre vous ?
Le designer de la pochette et sa conceptrice visuelle est la sœur de Tobias, elle s'appelle Milla Osland. Tous deux travaillent en étroite collaboration pour trouver un langage visuel qui accompagne notre musique et soit représentatif du courant hardcore actuel.
Vos vidéos sont faites maison ("Seance"), on imagine qu'au-delà du travail que cela nécessite, vous devez aussi vous amuser. Quel est votre processus de création pour ces vidéos ?
Oui, oui, c'était très amusant de faire le clip de "Seance". Nous jouions à un festival dans notre ville natale, Horten, le week-end où nous l'avons enregistré. Comme nous l'avons mentionné lors de précédentes interviews, nous puisons beaucoup d'inspiration dans différents genres. L'idée de faire une vidéo comme "Seance" a été particulièrement inspirée par les réalisations des frères Safdie et leurs films Good time et Uncut gems. On voulait aussi faire une vidéo dans un style "run and gun" (NDLR : run and gun est un type de shoot them up où le joueur contrôle un personnage plutôt qu'un vaisseau) à la façon des vidéos de JPEGMAFIA. La vidéo devait paraître imprévue et spontanée.
Récemment, Daniel P. Carter sur BBC Radio 1 a programmé votre chanson "Seance" juste après un morceau de One Step Closer. Comment voyez-vous cette scène hardcore émergente (Triple B) et son évolution sur les grands labels comme Run For Cover ou Epitaph ? Quelle vision avez-vous de la scène hardcore américaine actuelle ? Même question pour la scène hardcore européenne, quels sont vos groupes préférés en ce moment ?
Nous sommes vraiment excités de voir où en est actuellement la scène hardcore. Il y a beaucoup de super groupes qui font vraiment des choses énormes pour le mouvement et qui sortent désormais sur des labels plus mainstream. La scène semble avoir une approche plus ouverte de la créativité, elle englobe les différents styles et identités, ce qui est une attitude positive nécessaire. Nous sommes constamment inspirés par la scène hardcore américaine, c'est probablement là où nous éprouvons le plus d'engouement. Nos groupes favoris en provenance des U.S.A sont The Armed, Title Fight, Scowl, Knocked Loose, Code Orange, Drain et beaucoup beaucoup d'autres. Cela dit, nous avons toujours été très concentrés sur la scène hardcore américaine, donc notre connaissance du hardcore européen est assez faible. Des groupes vraiment géniaux me viennent à l'esprit comme Oathbreaker et Birds In Row, qui ont été tous deux très influents pour nous depuis des années. On citera également Trueandtrue et Akersborg, deux très bons groupes norvégiens qui sont nos amis proches.
Quelle est votre vision de la scène norvégienne actuelle dans son ensemble ? Que pensez-vous des nominés pour Spellemann 2024 (Awards musicaux norvégiens), y a-t-il des artistes qui vous plaisent particulièrement ?
Parfois, la Norvège peut être un endroit difficile pour les artistes et l'underground. Il n'y a pas beaucoup d'habitants en Norvège donc un courant de niche devient très petit par nature. Il y a de grands groupes, mais ils n'ont pas toujours la meilleure exposition. Quant aux Spellemann Awards, ne croyez pas que nous sommes les seuls à penser que l'ensemble semble cruellement loin de la représentation de la musique norvégienne dans sa globalité. Cette année étant particulièrement mauvaise si l'on considère que les principaux sponsors de l'émission sont Pepsi, TikTok et Nettavisen (journal à sensation qui appartient au 2ème groupe de presse norvégien). Les nominés sont biens, mais globalement l'émission ressemble à une blague et sous-estime la valeur de la musique norvégienne.
Pour nos lecteurs, pouvez-vous revenir sur vos performances à l'ESNS 2024 (Groningen) et celle du Best Kept Secret Festival ?
Les deux concerts que vous mentionnez se distinguent comme nos meilleurs jusqu'à présent. L'ESNS était un show vraiment sous haute pression, nous étions conscients de l'importance de ce festival et la salle Vera est iconique. Ce succès a été très satisfaisant et nous a donné beaucoup d'opportunités, l'une d'entre elles étant d'être programmé au Best Kept Secret Festival. Le concert du Best Kept Secret a été à la fois le plus chaleureux et le plus chaotique qu'on ait jamais joué. Le public était formidable, et nous avons fini par être extrêmement reconnaissants envers tous ceux qui étaient venus et nous ont soutenus.
Vous avez entrepris une tournée de 21 dates à travers l'Allemagne, les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni. Comment abordez-vous cette tournée et votre rencontre avec les différents publics ?
Évidemment, notre première tournée en tête d'affiche dans l'Union Européenne et au Royaume-Uni est une incroyable aventure, c'est grâce à FKP Scorpio et Upsurge Artists. C'est vraiment génial de voir comment notre musique est reçue, accueillir notre public à nos concerts et voir combien notre musique compte pour eux. À nos concerts, quand le public chante, c'est une sensation étrange mais tellement incroyable. Ça signifie vraiment beaucoup pour nous. Le public norvégien est parfois un peu réservé, donc rencontrer un autre public en Europe et au Royaume-Uni est très stimulant.
Avez-vous un message pour nos lecteurs ?
Nous répondons à cette interview depuis Hanovre où commence notre tournée. Nous sommes excités à l'idée de jouer et tout retourner dans les salles. On a beaucoup entendu parler du Supersonic à Paris, de sa réputation et de sa culture du spectacle. On a hâte d'y jouer. Comme toujours, nous apprécions tout cette affluence à nos concerts et on vous remercie du fond du cœur.
Merci à Vennlig Hilsen, Ole Benjamin Thomassen, Tobias Osland.
photo (bleue) : Milla Osland
photo (groupe) : Christoffer Bya
Publié dans le Mag #60