Forceed - Ivory marsh On ne le dira jamais assez mais la Suisse est définitivement une terre fertile en formations post/hardcore/noise de très haut niveau. Art of Falling, Kehlvin, Palmer, Shora, Vancouver, etc... ou les dérivés avec d'une part Unfold ou Knut pour le brut sauvage qui décoffre, d'autre part les Equus et Shelving (avec des ex-Forceed tiens...) pour le raffinement métallique plus délicat. Difficile de compter tous les groupes helvétiques désireux de faire imploser les enceintes et y parvenant avec une maestria absolument bluffante. Forceed n'est plus en activité depuis quelques années maintenant, mais l'oeuvre que le quintet laisse derrière figure (soit trois disques) trône en bonne place au Panthéon du paysage postcore/noise Jurassien.
Après un EP éponyme et un premier album long-format remarqué Idyl of estraya, les Forceed restent fidèles à la référence que constitue le label Division Records et sortent en 2006 cet Ivory marsh qui met tout le monde d'accord. Ce groupe-là, c'est du lourd, du nerveux qui défouraille et fait mal aux tympans. Dans l'agression permanente ("27", les déflagrations éruptives de "Red july"), le groupe livre ici une véritable démonstration de puissance, obsessionnelle et compulsive, bien aidé en cela par une production très sèche qui renforce l'aspect âpre et incisif de sa musique. La mécanique est parfaitement huilée, le groupe ferraille et n'y va pas à reculons. Il avance encore et encore, droit devant, peu importe l'obstacle se dressant devant lui et entravant son inexorable progression.
"Glar" est à ce titre l'illustration même de cet état de fait. Le groupe n'y va pas en frontal mais une fois lancé, en mode downtempo, rien ne peut plus l'arrêter. Corrosion émotionnelle qui trouve son origine dans le soin si particulier apporté au son, les riffs vient s'empiler les uns sur les autres, le groupe parachève tranquillement son oeuvre. Sans ciller. Et là, on n'en est qu'au deuxième titre d'un disque qui n'en comporte pas moins de huit. Pour près de 50 minutes de gros son qui nous transperce de part en part. Ecrasant mais pas trop, aéré juste ce qu'il faut, massif, destructeur et mené de main de maître par les pulsations glaciales d'une batterie métronomique ("Ties of senses"), un chant hurlé qui fait exactement ce qu'il faut, les Forceed réussissent tout ce qu'ils tentent ("Dull/dud", l'interlude "Scheme", le final avec "Iron gap"). Le résultat n'en étant que plus impressionnant. Un brillant sans faute.