far_water_and_solutions.jpg Far, ou l'histoire d'un groupe atypique assimilé trop rapidement à une scène néo-métal alors effervescente. Il est vrai que les preuves s'accumulaient à leur encontre : un album précédent qui flirtait avec le genre, des tournées en première partie des Deftones et consorts, la signature sur le (désormais feu) label Immortal Records qui avait à l'époque une forte identité néo-métal aux travers de son écurie (KoRn, Incubus entre autres...). Pourtant, musicalement, sur Water & solutions, produit d'une lente maturation d'un groupe qui a su se forger une identité, il n'en est rien ou alors si peu. Far évoluait dans un univers bien distinct à la frontière entre la pop et un rock musclé presque métallique (à la manière d'un Helmet) à forte tendance cyclothymique avec pour chef d'orchestre un Jonah Matranga, maître de son art. Vocalement, celui-ci semble être un compromis entre la naïveté pop d'un Rivers Cuomo (Weezer), la délicatesse d'un Jeff Buckley et l'expressivité d'un Troy Von Balthazar (Chokebore), n'hésitant pas à aller sur des territoires extrêmes en terme de chant arraché (le refrain de "Bury White", le final hurlé de "The system"). Il offre avec cet album l'exemple d'un songwriting racé qui ne souffre ici d'aucune faiblesse : Water & solutions est une collection de morceaux tous plus incontournables les uns que les autres. "Bury white" et ses décharges "No ! Never !" sont une entrée en matière explosive terriblement jouissive "Really here" et "Another way out" viennent nous démontrer que les Far excellent également dans l'élaboration de titres mélancoliques alliant passages apaisés low-tempo et déchaînement de guitares en mode distorsion. "Mother Mary" et "The system" mettent les points sur les "i" quant à la capacité du groupe à proposer des tubes incisifs aux refrains incendiaires : mention "excellent". Le combo de Sacramento avait aussi l'intelligence de se remettre en question et d'explorer d'autres contrées avec des compositions plus étirées et étoffées en matière d'arrangements ("In 2 again" et "Waiting for sunday"). Cette direction aurait pu laisser présager un avenir qui s'annonçait intéressant si ce Water & solutions n'avait pas été leur ultime album. Comme avec la plupart des groupes prometteurs éteints trop tôt, c'est avec regret que l'on s'interroge sur ce qu'aurait pu produire un éventuel opus supplémentaire.
Un dernier mot sur la pochette qui n'a jamais été aussi pertinente et en adéquation avec la musique d'un groupe : des moments lumineux et des zones d'ombre(s), des nuances et des aspérités. Cela pourrait être un résumé de Far qui nous livre avec Water & solutions ni plus ni moins qu'une référence en matière de rock à haute teneur émotionnel : brillant et indispensable.