Parce que le métal peut être "brutal" et mental, Eryn Non Dae. revient hanter nos nuits avec un nouvel opus intitulé Abandon of the self, un album emballé de la plus belle manière avec des images qui renvoient à quelques textes dans un livret aussi sobre qu'élégant jouant avec les ombres comme la lumière, apportant de la rugosité et des sensations jusqu'au toucher et à l'odorat (ce carton certainement recyclé si consistant et ô combien plus agréable qu'un papier glacé). Les Toulousains ne laissent jamais rien au hasard et reviennent plus en forme que jamais après un break qui aurait pu être fatal et 2 ans d'écriture pour sept titres ciselés où les ambiances post-métal s'entrechoquent avec des passages noise, d'autres black et constamment l'idée que cette musique s'écoute, se ressent, se vit plus qu'elle ne se bouge, car même si elle provoque quelques mouvements physiques incontrôlés (plus du headbang poing levé que du moulinet), c'est surtout dans la tête que ça se passe, on en ferme même les yeux pour mieux profiter des sensations auditives.
Le chant guttural qui attaque l'album est trompeur, la rage qu'il contient et qui semble empêcher les instruments de lâcher les sons n'est qu'une petite partie de la personnalité de Eryn Non Dae., les délicates sonorités claires qui viennent ensuite disputer la place au micro dénotent de l'étendue des capacités vocales du groupe (et de Mathieu en particulier). A différents moments, le chant passe par un phrasé en mélodies parlées avec cette pointe d'accent français (qui me rappelle Sleeppers) ce qui donne une autre ambiance à l'ensemble et davantage encore de profondeur et de proximité, car ces phrases, c'est à nous qu'elles sont destinées, on est intégré à la musique, comme si notre écoute provoquait une réaction. Musicalement, cette atmosphère sombre, souvent en retenue, aime les idées tortueuses et alors que le groupe sait aller droit au but en frappant fort et vite, il préfère les options les plus complexes, les chemins détournés, l'ajout de petites choses pour prendre leur temps et créer un œuvre qui dépasse le cadre d'un simple titre, Abandon of the self ne peut se découper en pistes, toutes sont reliées entre elles, non seulement par les thèmes mais également par les sons et quelques minuscules détails qui balisent l'écoute comme si, malgré tous ses efforts pour nous semer, Eryn Non Dae. ne voulait pas nous perdre.
C'est en travaillant cet aspect d'unicité dans un disque pourtant très ouvert qu'END réussit à créer un chef d'œuvre et mérite d'être comparé aux plus grands (Tool pour ne citer qu'eux) tout en étant différent. On a donc un album de classe interstellaire.
Publié dans le Mag #33
Re: Eryn Non Dae / Abandon of the self