Selon moi, le Kallisti d'Empty Yard Experiment est l'un des meilleurs albums de l'année, c'est donc un groupe à faire connaître et à découvrir donc quoi de mieux qu'une interview pour mieux les cerner et profiter de leur expérience dans une région du monde pas forcément synonyme de rock...
On pense plus au pétrole, au luxe, à la folie et aux limites de la liberté qu'au rock quand on parle des Emirats Arabes Unis, c'est dur d'y faire de la musique ?
Oui et non... On a de la chance d'être basé dans une des villes les plus progressistes de cette partie du monde, ça veut dire qu'on peut trouver et jouer la musique qui nous plaît assez librement. Ce qui fait que c'est difficile, c'est que le marché est très jeune, et comme Dubaï est devenu un lieu de passage (si tu es un expatrié, tu ne peux être aux Emirats que si tu es employé à plein temps ou que tu possèdes un permis de travail), c'est dur de trouver des gens qui se consacrent totalement au rock et permettent ainsi à la scène locale de se développer autant que le reste du monde. Clairement, les choses avancent, mais malheureusement, ce ne sont que de petits pas et ça ne nous permet pas encore d'être au même niveau que les autres... On espère qu'un jour on y arrivera.
En France, on ne connaît presque rien de la musique venant du Moyen Orient, il y a des groupes que vous nous conseillez ?
A côté du phénomène pop en langue arabe dédié aux masses, le Moyen Orient abrite aussi des tas d'artistes très créatifs dans différents styles. Le groupe des Emirats qui s'exporte le mieux, c'est les métalleux de Nervecell. Sinon, aux Emirats Arabes Unis on est assez proches et fans de Absolace, Svengali, Benevolent, Gayathri, Bull Funk Zoo, Jay Wud, Anuryzm et Perversion. Sur un plan plus large, on conseille d'écouter Pindoll (Liban), Simplexity (Egypte) ou encore Voice of The Soul (Liban/EAU).
Vous avez un "modèle", une sorte de grand frère local ou vos références sont toutes étrangères ?
Honnêtement et en restant modeste, EYE était et est toujours un cas à part dans le coin à cause de notre approche autant de la composition que des concerts, dans les deux cas, on veut offrir une expérience visuelle et auditive. Personne ne faisait ça quand on a commencé, personne ne nous a montré les ficelles du métier, donc la grande majorité de nos influences sont étrangères.
Le groupe est formé de personnes de diverses origines, vous sentez-vous comme un groupe de Dubai ou un groupe "sans frontière" ?
On n'a jamais été fans des frontières. On vit tous à Dubai, c'est ici qu'on s'est rencontré, cette ville abrite plus de 90 nationalités et cet environnement a beaucoup d'influence sur l'aspect multi-culturel et la vision du monde du groupe. Bien entendu, les origines de chacun, Serbie, Iran, Inde, jouent aussi un grand rôle dans la nature éclectique de notre musique
Kallisti, c'est la pomme de discorde, qu'est-ce qui est le plus sujet à discussions dans le groupe ?
"Kallisti", c'est en effet ce qui est écrit sur la Pomme de Discorde de la mythologie grecque, si on traduit, ça donne "à la plus belle". L'un des aspects, c'est que ça représente le coeur d'un problème, basé au départ sur un petit souci mais qui a tendance à en devenir un gros. Le concept de l'album se focalise sur les idées de chaos et de discorde, c'est souvent un moyen de voir les interactions de chacun de nous avec les différents aspects de notre existence, que ce soient les autres, l'autorité, le divin, le subconscient... Et la discorde est certainement le meilleur moyen de décrire comment chaque membre du groupe interagit avec l'autre, c'est aussi comme ça qu'on a écrit l'album...
Le digipak est superbe avec un sceau à ouvrir, d'où vient cette idée originale ?
On avait plusieurs idées pour le packaging de l'album, certaines étaient très élaborées voire ambitieuses, on savait qu'on voulait présenter quelque chose à l'auditeur qui, sincèrement, pouvait le considérer comme un objet collector. Placer l'album dans une sorte d'enveloppe a tout son sens car on délivre la musique comme un "message", un peu comme dans l'esprit de ce que la déesse Éris a fait avec la Pomme de Discorde et son inscription.
Ça coûte plus d'argent de faire un aussi bel album? Est-ce un moyen de contrer les téléchargements ou c'est juste pour la beauté de l'objet ?
On se fout un peu des téléchargements. On est au 21ème siècle, il faut faire avec son temps et au final, l'important que les gens soient touchés par notre musique. Le téléchargement, c'est le meilleur moyen pour y arriver, y'a aucun doute là-dessus. Avec ça en tête, ceux qui veulent entrer plus profondément dans l'album achèteront une copie physique et ils auront quelque chose qu'ils garderont. Partant de là, on voulait vraiment offrir autre chose que la boîte en plastique standard que tous les groupes ont. Chaque album est scellé à la main, ça les rend encore plus personnels et uniques.
Certains titres sont proches de Tool, d'autres de Porcupine Tree, vous n'avez pas peur d'être considérés comme des clones ?
C'est super flatteur d'être comparé à Tool ou Porcupine Tree ! On adore ces groupes et c'est un énorme compliment que d'être associé à eux, musicalement ou pour un autre aspect de ce qu'on fait. Au final, notre musique, c'est une combinaison de plein d'influences différentes venues de genres assez variés depuis le prog jusqu'au post rock en passant par l'indie, la pop et le métal indus. Ca peut être parfois malencontreux si ça interfère sur la manière d'écouter et de consommer de la musique, mais en règle général, les auditeurs ont besoin de référence. On n'essaye pas de sonner comme un autre groupe, on a notre propre identité mais c'est évident qu'on est comparé à d'autres groupes qui évoluent dans le même registre.
Il y a un gros travail en studio, Josh Williams est presque membre du groupe, vous pourriez enregistrer avec quelqu'un d'autre ?
Josh a joué un rôle très important dans la manière dont Kallisti sonne, spécialement sur les arrangements, ceci dit, le coeur de l'album vient du groupe. Ca fait presque 5 ans qu'on travaille ensemble désormais et on a énormément appris avec Josh comme il a appris avec nous. En plus d'une relation professionnelle, on a également construit une véritable amitié qui fait qu'enregistrer notre musique, qui est intime, est bien plus facile et personnel. C'est pour ça qu'enregistrer avec quelqu'un d'autre est pour le moment difficile à imaginer, mais personne ne peut progresser s'il s'arrête à son petit confort. Josh répète toujours qu'on peut aller voir ailleurs mais au final, on revient toujours vers lui... Certainement parce qu'il nous connaît trop bien.
Le joli clip de "GHHR" n'en est qu'à 5.000 vues sur Youtube, c'est une déception ou vous ne faites pas attention à ça ?
C'est pas un truc auquel on prête de l'attention. C'est juste un moyen de s'exposer. Plus on fera de concerts, plus on écrira des morceaux, plus les gens pourront découvrir notre musique.
Le monde entier peut écouter Kallisti et semble apprécier, on sait que vous faites des concerts grandioses, peut-on espérer vous voir en Europe un de ces jours ?
On a de grands projets pour 2015 et bien sûr qu'on a l'Europe dans le collimateur !
Merci à Empty Yard Experiment et à Matt Benton chez Hold Tight !.