Earthship - Iron chest Entre doom-hardcore racé, metal alternatif et prog'n'roll rampant, Earthship rappelle un peu ce que n'est plus Baroness depuis son excellent Red album, le côté sludge en moins, l'efficacité virevoltante en plus. Un premier opus (Exit Eden), suintant la puissance éruptive, manquant peut-être d'un tout petit peu de personnalité mais affichant de jolies promesses et voici que les Allemands remettent le couvert un peu moins de deux ans après, toujours via Pelagic Records, avec un Iron chest à l'alliage acier trempé / laiton inoxydable et aux textures rock progressives particulièrement inspirées d'un bout à l'autre de l'album.

Les premiers titres moissonnent sévèrement les enceintes ("Old widow's glom") et désencrassent sèchement la mécanique, mais, rapidement, le groupe délivre un cocktail de hard bien plus sinueux qu'attendu. Les lignes instrumentales se font plus prog' que jamais ("Athena") mais la hargne(core) du chant, elle, ne laisse aucun doute sur la dominante HxC/doom/metal ravageuse de ce qu'est aujourd'hui Earthship (l'éponyme "Iron chest"). Soit un groupe qui parvient à proposer ici un distillat bien relevé de ses influences musicales, entre technicité fine, puissance charnue et inventivité roublarde... avant de se laisser aller à ses tentations les plus prog-rock sur "Boundless void", puis de faire de nouveau parler l'usine à riffs mastoc sur un "Eyes in the night" aussi vorace que tortueux, mélangeant à loisir cette puissance de plomb typiquement suisse et le réflexe d'inventivité qui caractérise en permanence l'album ("Brimstone").

Une forme de quasi imbroglio (post?)-metal que les Earthship mettent à profit pour surprendre et lâcher la bestiole sur des sillons moins escarpés mais plus calibrés metal au sens large et intelligent du terme. Le genre d'autoroute quatre voies sur laquelle les décibels s'entrechoquent joyeusement pendant que les trente-huit tonnes arrachent le bitume façon bulldozer ("Catharsis"). Pourtant, la formule est ici parfaitement acquise et développée bien que solidement charpentée, la machinerie teutonne évite de s'enfermer dans le cliché de la Panzer-division écrabouillant les enceintes sur son passage ; et laisse de nouveau son ensemble musical respirer sur des titres comme "8 silver decay. Ce, tout en se réservant néanmoins quelques moments de bravoure sludge/doom et post-métallique de premier choix histoire de mieux exacerber l'émotion brute, brûlante et viscérale qui se dégage de cet Iron chest (on pense notamment à l'excellentissime "Shattered"). Efficace, le groupe sait également, à l'expérience, masquer ses quelques petits défauts pour ne mettre en relief que le meilleur de son oeuvre.

Terriblement addictif sur la durée et au fil des écoutes, l'album gagne en épaisseur créative au fur et à mesure qu'il déroule son tracklisting, prenant du corps, de l'âpreté et de l'intensité pure avant de boucler la boucle sur un final (le musculeux "Teal trail") tout feu tout flamme, sorte d'apothéose à l'alchimie artistique totale. On valide, car un peu moins de deux ans après Exit Eden, Earthship, va ici plus loin, plus haut et surtout plus fort pour confirmer les excellentes prédispositions largement entrevues sur son premier effort. Une suite supérieure à un opus inaugural déjà plutôt pas dégueulasse, le groupe s'éloigne de la fausse-ombre (un peu encombrante) de son grand-frère The Ocean mais devra gagner en spontanéité naturelle pour s'affirmer encore plus et exceller de la première minute à la dernière seconde.