Dream Theater - A dramatic turn of events L'annonce du départ de Mike Portnoy n'arrive sur les sites d'info que début septembre, il y a un an: "Je n'aurais jamais imaginé écrire ces lignes... J'ai décidé de quitter Dream Theater". Le batteur explique que la vie du groupe, cette "machine", commence à sérieusement le fatiguer. Quelques semaines plus tôt, il propose aux autres membres du groupe de marquer un temps d'arrêt, un hiatus, pour revenir sur scène quelques années plus tard. Les quatre autres se regardent et n'en croient pas leurs oreilles.

A ce moment là, Mike Portnoy est batteur de sessions pour Avenged Sevenfold. Il a enregistré Nightmare avec les Californiens et s'apprête à partir en tournée avec eux, au moins jusqu'à la fin de l'année. Les deux John, Jordan et James refusent d'accéder à la demande de Portnoy. Ils sont loin de vouloir arrêter. Ils laissent Portnoy réfléchir tout en lui affirmant qu'ils rentreront en studio en Janvier, quoi qu'il arrive. Quelques semaines après cette première réunion dans la chambre d'un hôtel New Yorkais, Portnoy annonce qu'il quitte le groupe. Jordan Rudess apprend la nouvelle par téléphone. Il est dans son studio, chez lui. "Je me suis pris la tête entre les mains et j'ai fondu en larmes", se rappelle le claviériste.

Octobre 2010. Plusieurs mois après l'annonce du départ de Mike, Dream Theater auditionne des batteurs pour le remplacer. Portnoy a déjà proposé à ses anciens compères de revenir. Leurs avocats auront répondu pour eux : c'est non. Les auditions sont filmées et compilées dans un documentaire posté en plusieurs parties sur Internet. Le dernier épisode dévoile le nom de Mike Mangini. Un choix logique : il enseigne à Berkeley (où John Myung, John Petrucci et Mike Portnoy ont débuté Dream Theater), est un des meilleurs batteurs au monde, un puriste de la technique (il a publié deux ouvrages sur la connaissance du rythme) et un type plus que sympa qui plus est. Le documentaire soulève beaucoup de questions chez les fans, surtout avec ce format un peu "télé réalité". Il peut être vu de depuis deux perspectives différentes :

- Une entreprise de totale transparence : à un moment crucial de la vie du groupe, Dream Theater n'a rien voulu cacher à ses fans. Des fans qu'il est nécessaire de rassurer puisque Mike Portnoy est tout de même le co-fondateur du groupe et a été maître de son histoire pendant 25 ans (le bougre a dû changer plusieurs fois de maison car sa collectionnite aiguë de tous les bootlegs / vidéos / bandes son du groupe nécessitait toujours plus de place)
- Donner suite à Portnoy : Mike était justement le lien privilégié des fans avec le groupe. Il multipliait les démarches pour les rencontrer, était très présent sur Internet, postait des vidéos... C'est lui qui entretenait la vie publique du groupe, et pas les autres. Le documentaire couvrant les auditions est donc un moyen pour le groupe de prouver que le départ de Portnoy ne changera pas grand chose sur ce point (ça reste à voir sur la distance).

A dramatic turn of events est tout de même un album écrit, enregistré et produit dans la sérénité, même si un rééquilibrage s'est opéré. John Myung en est le symbole: très présent dans le mixage réalisé par Andy Wallace, il a aussi participé à l'écriture des paroles de "Breaking all illusions", phénomène assez rare pour être souligné. John Petrucci a lui aussi assumé davantage de tâches qu'à l'accoutumée. Producteur de l'album, il est aussi derrière toutes les paroles (seul ou non), excepté sur "Far from heaven". La musique demeure une entreprise collective, bien que Mangini ne soit pas crédité. Le contenu de l'album s'inscrit donc dans l'héritage du groupe. Rien de surprenant, pas vraiment de réponse aux petits jeunes qui montent des groupes extrêmement techniques... Dream Theater produit un album de Dream Theater.

Si A dramatic turn of events avait été le premier album d'une formation américaine sorti cette année, il n'aurait pas eu beaucoup d'intérêt, car Dream Theater aurait déjà tout fait avant. Dans cet espace assez sécurisé, Dream Theater réussit tout de même à offrir un album d'une qualité supérieure. Pas un grand crû classé, mais ce n'est pas grave. En sortant un album digne de sa discographie passée, le groupe prouve que même sans le fondateur du groupe à leurs côtés, les Américains sont capables du meilleur. Reste à voir ce que Mangini peut apporter en live et sur le prochain album.