Dream Theater - Black clouds & silver linings Dream Theater qui rentre n°6 au Billboard 200 pour son dixième album, on croirait rêver. Même si le groupe est toujours sur la pente ascendante, le quintet semblait englué dans une routine créative. Mais rebelote, le groupe est encore une fois là où ne l'attend pas et n'a jamais autant vendu d'albums. Si Roadrunner y est pour quelque chose, les principaux artisans de ce succès sont les fans, inconditionnels et totalement dévoués, qui achètent rituellement leur nouvelle galette des Américains tous les deux ans.

Black clouds and silver linings a été vendu par Mike Portnoy comme le meilleur de la crème de la discographie du groupe concentré en un peu plus d'une heure. L'effet d'annonce en moins, on retrouve en effet les éléments métal ("A nightmare to remember"), techniques ("The shattered fortress") et mélodiques ("Wither", "The best of times"). Pas de concept cette fois-ci, pas de réelle mise en danger, mais un album qui surpasse facilement un Systematic chaos finalement un peu plat. "A nightmare to remember", le premier des six titres, explore des horizons gothiques jusque-là inexploités : intro magistrale, accords typés black metal, énorme riff, du blast (!!), ça explose de tous les côtés. Juste assez pour apprécier le calme du refrain. Et les refrains, voilà un aspect de l'album qui se fait remarquer dès le début. Chaque chanson possède son refrain, mélodique, catchy, dans un style à chaque fois différent.

Les deux singles, "A rite of passage" et "Wither", démontrent combien le groupe est toujours aussi efficace lorsqu'il s'agit de s'attaquer à des rythmiques plus "simples", un côté live déjà développé avec "Constant motion" et "Prophets of war" sur Sytematic Chaos. Pourtant, les titres « fist in the air», c'est pas tellement le leitmotiv du groupe. Trouvant difficilement sa place dans les grands festivals, Dream Theater a néanmoins encore progressé dans le mix de technique et de métal traditionnel qu'il propose, assurant la place du métal prog, et c'est déjà bien. L'ovni de BCASL, c'est "The best of times". Cet hommage au père de Mike Portnoy, décédé d'un cancer, trouve difficilement sa place au milieu du marasme de notes qu'est cet album, surtout quand "Wither" remplit déjà son office de ballade attitrée. Sans enlever au mérite du batteur de vouloir rendre un hommage spécial, le titre en lui-même développe une ambiance bien trop à l'ouest. Cette progression téléphonée n'a d'intérêt que pour l'énoooooooooooorme solo de John Petrucci, pour une fin en mode "bave". Futurs guitaristes, écoutez et apprenez. Finie la branlette de manche, l'ours à la six corde prodigue des solos d'une finesse incroyable, même agrémentée d'éléments techniques.

Autre pièce incontournable, "The shattered fortress". Enfin la voilà la pièce finale de la série des AA, entamée par "The glass prison" sur Six degrees of inner turbulence. Le quasi quart d'heure du titre, principalement instrumental, reprend les différents traits des anciens épisodes mais va au-delà du patchwork en proposant des modulations surprenantes. Le fan n'y trouvera rien de très nouveau, mais cette conclusion fait honneur au reste de la série. Reste plus qu'à voir ça en live. Le traditionnel long format de l'album reprend une mésaventure du père Petrucci, perdu dans la campagne italienne en compagnie d'un baron complètement givré. Le résultat est une aventure rondement menée, dans la lignée d'"Octavarium", mais bien plus musclé. Et puis encore ce refrain, et encore cette fin qui reste dans la tête... pfiou, du grand art !

Malgré l'évidente routine dans laquelle le groupe s'est installé depuis trois albums, Dream Theater réussit encore à surprendre. Au moins un peu. S'il n'est pas indispensable au regard de la discographie des Américains, cet album aura le mérite de mettre en avant un John Petrucci des grands jours. Un autre bon point pour James Labrie, qui muscle sa voix et fera peut-être taire les critiques.