Dirge - Elysian Magnetic Fields 3 ans et demi se sont écoulés depuis le monument Wings of lead over dormant seas paru à l'époque via feu-Equilibre Music (Sleepytime Gorilla Museum), un peu moins de quatre années pendant lesquelles, les Dirge ont façonné, taillé, sculpté dans leur coin, sinon au secret, au moins dans la discrétion qu'ils ont toujours eu, leur nouvelle offrande discographique. Un silence relatif aujourd'hui brisé à l'heure du débarquement massif, via le toujours excellent Division Records (ASIDEFROMADAY, Kehlvin, Rorcal, Unfold), d'Elysian magnetic fields, du nouvel opus des précurseurs de la scène "post-core" hexagonale, sinon européenne. Fatalement attendu au tournant par les inconditionnels du genre. Mais pas que...

Et s'ils réfutent d'eux-mêmes l'étiquette "journalistique" par trop réductrice il est vrai, l'inaugural "Morphée rouge" fleuve n'en épouse pas moins certains contours d'un mouvement musical qu'ils ont largement contribué à développer - et dynamiter - (avec les Cult of Luna et autres Neurosis). Mais là encore, limiter Dirge à ça reviendrait à passer à côté d'une partie de son sujet, le groupe empilant les couches sonores sludge/drone/industrielles à la manière d'un Godflesh post-moderne avant de se lancer dans un vertigineux grand-huit métallique avec "Obsidian". Un bloc de granit musical aux aspérités émotionnelles palpables, une densité hors du commun qui prend tout son sens lorsque les enceintes se mettent à crépiter alors que les éléments qui se mettent en ordre de bataille avant de se déchaîner, sous la direction d'un groupe qui maîtrise son art à la perfection durant les quelques 11'30 que dure "Cocoon". Impressionnant de maestria.

Un chant qui défie les ténèbres, les instruments qui s'entrechoquent et la pression qui monte encore de quelques crans ("Sandstorm"), Dirge délivre alors quelques passages plus aériens et légers, aux textures post-rock d'une rare élégance, fragiles et fugitives, avant que des torrents de riffs massifs ne se remettent à déferler sur la platine, puis qu'il ne joue avec les effets sonores (et quelques bricolages plutôt bien trouvés) pour s'en aller tutoyer les cimes du postcore-industriel ou descendre, sans filin, dans les tréfonds de son oeuvre (l'éponyme "Elysian magnetic fields"). Entre le chaos et les cieux, le ciel et les Enfers, les cinq se subliment une fois encore au travers d'un songwriting d'une précision d'orfèvre, une sorte de puzzle extrême dont les pièces se mettent en place sous nos yeux ("Falling"), entre les riffs mastodontes qui se superposent, le chant, modulé au grès des impacts recherchés et quelques samples essaimés ci-et-là pour donner encore un peu plus de corps à l'ouvrage métallique du groupe. Une "pause" salvatrice intervient entre-temps avec ce "Narconaut" aux effluves drones/ambient/indus avant que l'"Apogée" ne vienne définitivement parachever cet album aussi massif qu'animal. Et déchirant. La preuve que quinze ans après la fondation du groupe, les Dirge démontrent encore une fois que dans leur domaine, il y a eux... et les autres.