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The Dillinger Escape Plan The Dillinger Escape Plan Bâti sur les cendres d'Arcane au début de l'année 1997, The Dillinger Escape Plan est devenu depuis un des piliers du métal dit "avant-gardiste". Créé autour de Ben Weinman, Derrick Brantley (guitaristes), Adam Doll (bassiste) et Chris Pennie (batterie), tous originaires du New Jersey, le groupe est vite rejoint par le chanteur Dimitri Minakanis pour mettre au point un maxi de 6 titres puis un second un an après, Under the running board, sorti chez Relapse Records.

Repéré par ces derniers, le groupe a déjà une réputation scénique à faire pâlir certains. N'hésitant point à jouer là où bon leur semblent (magasins de musique, squats et bien évidemment dans les petits clubs), DEP déploie une énergie agressive complètement ébouriffante qui se traduira définitivement à la sortie de leur premier album intitulé Calculating infinity en 1999. L'enregistrement de ce dernier est précédé d'un drame au sein du groupe : Adam Doll, atteint de paralysie suite à un accident de voiture, est remplacé dans un premier temps par Ben Weinman pour jouer ses partie de basses en studio puis par Liam Wilson (ex-Starkweather) pour la suite des activités. Produit par Steve Evetts, Calculating infinity ne passe pas inaperçu au sein des rédactions et du public du fait de son mélange inattendu de métal complètement déjanté et de jazz. Mike Patton, très impressionné par leurs prestations en première partie de Mr. Bungle, leur suggère de collaborer ensemble sur un EP après le départ de Minakanis. Le résultat s'appelle Irony is a dead scène et bien que The Dillinger Escape Plan ait recruté Greg Puciato peu avant, il ne participe pas à l'enregistrement de ce 4 titres.

En 2004, Miss machine, le deuxième album, est mis en vente et déçoit certains fans de la première heure, le groupe relâchant un peu d'énergie sur certains morceaux. Deux ans plus tard, c'est au tour d'un mini-album de voir le jour. Plagiarism sort exclusivement sur iTunes et comprend d'anciens titres et des reprises. Les américains sont des habitués des changements de line-up, si bien qu'en 2007 et après le départ de Chris Pennie pour Coheed and Cambria, Ben Weinman reste le seul membre originel. C'est en novembre de cette même année que Ire Works sort dans les bacs. En 2009, après avoir annoncé la création de leur label, Party Smasher Inc, The Dillinger Escape Plan entre en studio au mois de septembre pour mettre en boite son quatrième album, Option paralysis, sorti le 22 mars 2010.

Review Concert : Dillinger Escape Plan, The Dillinger Escape Show @ Trabendo (sept. 2010)

Interview : Dillinger Escape Plan, The Dillinger Escape Interview II (Mars 2014)

Interview : Dillinger Escape Plan, The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)

Dillinger Escape Plan / Chronique LP > Dissociation

The Dillinger Escape Plan - Dissociation Dillinger Escape Plan fêtera ses 20 ans en 2017 mais qui en profitera vraiment ? Durant ces futurs concerts comme au moment d'écouter cet album, on ne peut s'empêcher de penser que l'aventure DEP va se terminer. Que le monde du métal va perdre un de ses groupes les plus aventureux, les plus tarés, les plus explosifs, les plus démonstratifs, les plus complexes, les plus techniques, un de ses groupes les plus cultes encore en activité.

Enfin, pour quelques mois seulement... Même si l'idée d'une reformation est déjà évoquée, il ne faut pas y penser avant 5 à 10 ans, Ben Weinman appréciant l'écriture (pourquoi pas d'autres musiques de film ?), les collaborations (comme avec Kim Thayil de Soundgarden), les remixes (de Thrice à Lacuna Coil en passant par Lil Wayne !) et tournant déjà pas mal avec Giraffe Tongue Orchestra tandis que Greg Puciato sera lui aussi occupé avec The Black Queen, leurs différends artistiques disparaîtront peut-être après avoir exploré davantage leurs envies dans ces différents projets (plus rock, plus électro...).

Avant de pleurnicher sur le passé et plutôt que d'imaginer le futur, profitons de l'instant présent et de Dissociation, un opus qui fatalement porte bien son nom... Parce qu'après l'écoute, y'a pas que le groupe qui sera éparpillé, si tu cherches à les suivre, ton cerveau se retrouvera en 1000 morceaux façon puzzle. Le seul point commun à cette dizaine de titres, c'est l'atmosphère chaotique qui y règne. Pas de surprise puisque c'est leur marque de fabrique, on a donc un condensé de ce que DEP sait faire de mieux. Tu veux des chevauchées mathématiques en mode fractales qui fracassent, rends-toi sur "Limerent death" ou "Wanting not so much as to", tu cherches un écorchement à vif sous fond jazzy, descends le "Low feels blvd", tu veux en prendre plein la tronche, affronte "Manufacturing discontent" enchaîné à "Apologies not included", tu veux un trip électro indus broyé par le silence, avale "Fugue", tu veux ta rasade d'ironie, finis-toi sur "Dissociation", le titre un poil funèbre par lequel Dillinger Escape Plan clôt les ébats, un titre assez cool et construit de façon simple, histoire de ne rien faire comme prévu.

Avant de nous quitter, DEP nous laisse donc une dernière offrande, on peut leur remettre une couronne de leur vivant, ne gâchons pas l'instant présent, on aura tout le temps pour se poser des questions après car on évite de disséquer tant que la mort n'est pas confirmée.

Dillinger Escape Plan / Chronique LP > One of us is the killer

Dillinger Escape Plan - One of us is the killer One of us is the killer, joli name-dropping. Et déjà, rien que le titre annonce une belle fessée taille patron assénée par les empereurs de la scène mathcore planétaire. Et pour cause, en entrée de ce nouvel opus sorti via le propre label du groupe, Party Smasher Inc., en collaboration avec BMG et Sumerian Records selon les continents, The Dillinger Escape Plan passe à tabac l'assistance avec un "Prancer" gorgé de cette sève corrosive qui suinte par tous les riffs de cet album taillé pour faire brutalement mâl(e). Exit Season of Mist qui s'était chargé de sortir un Option paralysis qui avait eu quelques difficultés à faire oublier Ire Works, cette fois, le groupe a tout pris en main et financé de sa propre poche. Une expérience salutaire.

"When I lost my bet" ironise avec son sujet, l'éponyme "One of us is the killer" confirme ce que l'on présentait : accélérations empreintes d'une frénésie incandescente, riffing sauvagement décharné, ruptures de rythmes brutalement terrassantes, DEP fait ce qu'il sait faire de mieux. En y mettant bruyamment les formes. Poussées de fièvres primales, passages jazz/pop/organiques parsemés ci et là façon Mike Patton avec Peeping Tom, micro variations stylistiques avec ce rock "reptilien" qui vient insidieusement prendre le contrôle des opérations, mélodies exhalant un magnétisme aliénant porté à ébullition par un contexte instrumental magnifique d'intensité mathcore (mais pas que), le groupe fait à peu près ce qu'il veut entre chacune de ses exécutions sonores parfaitement planifiées ("Hero of the soviet union"). En expérimentant, magnifiant l'intensité émotionnelle qu'exhalent les onze titres de ce One of us is the killer tout en respectant à la virgule près les codes de son math-core "à tiroirs" mais à l'efficacité redoutable, les américains donnent très exactement à l'auditeur ce que celui-ci était en droit d'attendre d'eux. Sauf qu'ils le font mieux encore.

Titres abrupts aux propriétés addictives effrayantes (sublime "Nothing's funny", "Paranoid shields"), boxon sonore rationnellement déstructuré, en témoigne l'explosif "Understanding decay", Dillinger Escape Plan a trouvé une énergie créative multi-stylistique (ce n'est pas la première fois mais sur ce nouvel opus, la mixture est plus aboutie que jamais) qu'il additionne à sa fougue mathcore athlétique que l'on qualifiera d'habituelle chez eux ("CH 375 268 277 ARS"). Et quand il s'agit plus simplement de mettre un peu de côté les fulgurances jazzy, tentatives pop et autres textures rock subversives, c'est pour expédier des brûlots purs et durs en travers de la platine. Façon sniper ("Magic that I held you prisoner" dont les lignes instrumentales inflammables ne calment pas les ardeurs mélodiques) ou en architectes du chaos sonore pour "Crossburner", ce avant que les riffs de "The threat posed by nuclear weapons" ne giclent en saccades discontinues sur les amplis, déversant leur féroce diatribe tout en décibels concassés et mettant en pièces détachés les dernières poches de résistance devant la tornade Dillinger Escape Plan.

Un disque âpre et sans concession, dopé par une inventivité et une maestria formelle sidérante. Mais plus que ça encore : un grand album.

Dillinger Escape Plan / Chronique LP > Option paralysis

Dillinger Escape Plan - Option paralysis Il fallait que cela arrive un jour, Dillinger Escape Plan a commis le successeur d'Ire Works. Dis comme ça, cela peut paraître curieux, mais toute la problématique quant à ce nouvel effort vient du fait que son prédécesseur était simplement monstrueux. Et celui d'avant également. Du coup, comment faire mieux ? Ou tout au moins aussi bien tout, en proposant quelque chose de différent. "Farewell, Mona Lisa", titre inaugural d'Option paralysis se charge de répondre à nos questions... à moitié. DEP livre ici un titre bicéphale, joyeusement bordélique, hardcore bien comme il faut, mélodique à sa manière, mais avec ce petit "truc" en moins qui fait qu'on n'est pas encore pleinement convaincu par la mise en route de l'album. Les Américains ne semblent pas encore complètement libérés et pire... jouent avec le frein à main. Que l'on se rassure, ils lâchent tout dès le titre suivant : "Good neighbor". Et là, ça calme les (h)ardeurs. Un choc des titans mathcore avec des guitares qui cisaillent dans tous les sens, un concassage frénétique des tympans et des plans qui se percutent les uns aux autres à pleine vitesse, sans que le groupe n'en perde une miette. Nous n'ont plus d'ailleurs. Un seul titre, c'est ce qu'il aura fallu à Dillinger pour remettre vraiment la machine en route. La classe.
Et ça enchaine sans sourciller : "Gold teeth on a bum" est d'une rare efficacité rock incandescente quand "Crystal morning" se lance dans l'une de ces séances de trépanation métallique bien tordue dont le groupe a le secret depuis une poignée d'album. Déviance émotionnelle, cadence infernale, chant complètement dément dans ses variations le faisant passer des beuglements hardcore aux mélodies rock super noïsiques, et last but not least, toujours ce sens aigu de la rythmique épileptique qui retombe toujours sur ses toms, Dillinger Escape Plan fait du pur DEP (cf : le très chaotique "Endless endings"). Et le fait parfois très bien. Le problème de cet album, outre le fait de ne pas aller aussi loin ou d'être aussi résolument créatif que ses prédécesseurs (en l'occurrence Miss machine et Ire Works), ce qu'il voit le groupe commettre des "trucs" aussi infâmes que "Widower" : sorte de marshmallow "popisant" absurde et franchement ridicule au bout d'une seule minute trente... C'est d'ailleurs pourquoi, un peu honteux, le groupe enchaîne à "core" perdu sur des titres de la trempe d'un "Room full of eyes" (un must) ou d'un "Chinese whispers" avant de se foutre royalement en l'air sur "I wouldnt if you didn't". Dommage. Innover, expérimenter, c'est bien, ne pas faire n'importe quoi c'est mieux, DEP avait parfaitement assimilé et maîtrisé cette notion sur ses deux derniers efforts en date, là, il passe parfois à côté de son sujet malgré une poignée de titres d'excellentes factures (un "Parasitic twins" en forme de DEP meets NIN meets Mike Patton). Paradoxalement un peu décevant et en même temps plus qu'honorable.

Dillinger Escape Plan / Chronique LP > Ire works

Dillinger Escape Plan - Ire works Acharnement et opiniâtreté, voici les deux mots qui caractérisent autant le travail des Dillinger Escape Plan que l'effort d'écoute des auditeurs sur cet Ire Works. Un parallèle que l'on retrouve à chaque milliseconde de cet album hors-norme, une somme d'intrications métalliques aux lectures multiples, une sorte de puzzle mental et auditif à la narration explosée, aux structures en quatre dimensions et à la logique quasi irrationnelle. DEP semble anarchique dans son raisonnement mathcore, il est en fait implacablement logique, sauf que sa vision, toute en prise de risques inconsidérés et joyeux bordel bien barré, ne se résume pas, elle ne se décrit pas par l'écrit, mais se vit, s'affronte en s'immergeant complètement dans cette oeuvre hallucinante... ou hallucinée... ou les deux. Schizo, mais virtuose, le groupe met tout sa hargne dans ses morceaux, véritables torpilles auditives qui, à l'image d'un "Black bubblegum" ou d'un "Milk lizard" font passer l'auditeur par toutes les émotions, de l'effroi à la fascination, de la perplexité à la conviction, celle d'avoir finalement à faire avec quelque chose de peu commun. Mélodie "Pattonienne" appuyée par une double pédale véloce et frénétique, déferlement hardcore irraisonné sur "Fix your face", mélange des genres iconoclaste ("Horse hunter"), les Dillinger Escape Plan sont exigeants avec eux-mêmes tout comme avec ceux qui se frottent à leur musique. Il y a là une forme de cohérence dans la complexité qui leur permet pourtant de ne pas non plus s'enfermer dans quelque chose qui soit absolument inaccessible. Précurseur du genre, le groupe se fait l'apôtre d'un mathcore salement violent et acéré comme une lame de rasoir, un metal subversif dans lequel les riffs se percutent entre eux. Un "Lurch" dantesque, une bonne dose de chaos technique directement injecté en intra-veineuse, DEP fait ce qu'il sait faire de mieux : foudroyer et diviser (pour mieux régner ?). Il y a ceux que chaque nouvel album déçoit et/ou (rayer la mention inutile) déroute un peu plus et il y a les autres, pour qui cet ensemble (faussement) complexe n'est qu'un amas de bruits épars ne menant à rien d'intelligible. Et puis il y a ceux qui seront bluffés par la maestria technique et l'inventivité permanente de ce groupe pas vraiment comme les autres, ce malgré quelques bizarreries un peu obscures. En voilà un qui a au moins le mérite de ne pas chercher le consensus. Hystérique et perfusé au son mathcore rock'n'roll moderne, excellemment produit et ravagé par quelques mélodies intenses et détonantes, Ire Works est de ces albums qui, écoute après écoute, marquent assurément les esprits...