Réussir à remplir la salle du Trabendo, à Paris, quand on est un groupe qui ose le rapprochement entre la complexité du free jazz et la brutalité du heavy métal, est un sacré défi. Mais pour les Américains de The Dillinger Escape Plan, c'est le résultat normal d'un travail de longue haleine. Entretien.
the Dillinger Escape Plan à Dour 2009
"Je me souviens, aux débuts du groupe, j'avais postulé pour un travail de bureau. Je pouvais utiliser la photocopieuse comme je voulais pour faire des affiches". Ben Weinman, fondateur du groupe The Dillinger Escape Plan il y a 14 ans, se remémore avec une certaine nostalgie les premières galères de son groupe. Pas vraiment mastodonte planétaire mais plutôt un groupe innovant dénué de tout carriérisme, The Dillinger Escape Plan a su s'imposer grâce à un vrai travail de fonctionnaire abattu sans relâche du matin au soir. Tout ça pour un chèque de droits d'auteur de..., 0,10$ pour l'année 2010.
Malgré tout, le groupe a sorti quatre albums depuis 1996 et "arrive à vivre" de sa musique. Quasiment autofinancé, leur dernier album a reçu le soutien d'un label et distributeur français de poids : Season of Mist.
Greg vient de poster un teaser sur Facebook. Il assure que le show ce soir sera comparable au chaos qui règne à la Tour Eiffel (le quartier est bouclé en raison d'une alerte à la bombe). Ça promet !
Liam : Je pensais que c'était juste une référence à la première scène de Team America. Ils doivent être plutôt excités qu'on soit là. Où furax !
Ben : Au Japon un mec s'est fait arrêté juste devant nous dans le métro. Greg a trouvé le moyen d'en faire un post sur Facebook en se foutant de lui. C'était pas vraiment approprié...
Liam : C'était plutôt marrant !
Ben : Ici le public est incroyable donc on peut s'attendre à un sacré bordel.
Jeff : Peut-être qu'ils ont vu la photo de moi à poil devant la Tour Eiffel. J'ai probablement été filmé par une caméra de surveillance (rires) !
Ben : En tout cas on est super content d'avoir traversé l'Atlantique et d'être ici. C'est le tout début de notre tournée européenne* !
Comment s'est passé le Warped Tour (festival itinérant aux Etats-Unis) pour vous ?
Ben : C'était pas notre public habituel, mais c'est l'intérêt de ce festival pour nous.
Liam : Ici on joue pour les fans. Là bas, pour les fans potentiels. Ça repousse nos limites.
Ben : C'est parfois nécessaire de jouer devant un public complètement inconnu. On est un groupe qui joue depuis longtemps et nos fans ont grandi. Mais on essaye d'en intégrer de nouveaux.
Liam : De toute façon la plupart d'entre eux ne peuvent pas se pointer pour nous voir à 14h.
Ben : Pour éviter de rouiller, on essaie de se mettre dans des situations inconfortables de temps en temps. Ces concerts sont l'occasion pour nous de se battre pour gagner un nouveau public. Mais même pour nous, jouer à midi, c'est bizarre...
Liam : ... Pas de lumières, pas d'effets scéniques, rien de tout ce que l'on utilise d'habitude. Mais ça nous pousse.
Ben : On ne peut plus tricher, c'est très "vrai".
Se retrouver dans des situations inconfortables est un peu le fil rouge de votre carrière...
Ben : Exactement. Même du point de vue de nos fans. Les mettre un peu mal à l'aise de temps en temps.
Comment Mike Garson (Nine Inch Nails, David Bowie) s'est retrouvé à jouer du piano sur "Widower" ?
Ben : On l'a connu via Nine Inch Nails, il jouait avec Trent Reznor. Il était intéressé pour jouer avec nous et on était dingue à cette idée ! Mike est venu en studio pour des piges sur d'autres morceaux qui n'avaient pas de piano à l'origine. Et puis il a interprété "Widower", sans écouter les maquettes ni rien. « Faisons juste quelques prises, pour voir », c'est ce qu'il a dit. Je lui ai montré les accords et il a improvisé le reste.
Est-que votre présence scénique, qui fait votre réputation, serait moins intense si vos titres étaient plus progressifs, comme certains sur Option Paralysis ?
Ben : Je n'ai pas d'autre groupe, donc je ne peux pas m'avancer. Mais on a davantage de dynamiques dans nos titres maintenant. Comme "Widower", qui n'est pas aussi chaotique et violente que ce que nous avons fait jusque-là, où même d'autres titres de l'album. Finalement, c'est la bande son de nos vies. Donc il y a des moments forts et d'autres plus doux, différentes nuances et de nouvelles émotions. Notre passion est la même pour les titres directs et agressifs que pour ceux avec du piano.
Liam : Certains titres te tranchent les yeux. "Widower" te prend aux tripes.
Comment naissent des titres aussi compliqués que les vôtres ? Est-ce que vous vous dites "Ah tiens je vais jouer tel riff pendant deux temps et demi, puis un break sur une mesures puis..."
the Dillinger Escape Plan à Dour 2009
Jeff : ... Tu viens juste d'écrire notre prochain titre (rires) !
Ben : En fait on écrit comme beaucoup d'autres groupes...
Liam : ... Sauf qu'on le fait mieux !
Ben: Ce qu'on écrit est inédit. D'habitude ça commence avec une l'idée précise. Mais la différence chez nous c'est qu'on essaye de nouvelles choses. "Widower" a été écrite au piano. D'autres comme "Room full of eyes" sont nées sur un ordinateur. Mais on finit par se rejoindre pour jouer ensemble.
Liam : Ça ne commence quasiment jamais en répétition, tous ensemble. On ne se dit pas Hey les mecs on verra bien ce que ça donnera. Il y a un but, une idée derrière. Les transitions apparaissent lorsque l'on joue ensemble, mais on ne fait que développer des idées en morceaux, on ne les crée pas sur place.
Ben : Ce qui nous différencie des autres groupes dits technique, c'est notre habilité à ne négliger aucune manière d'écrire, que ce soit avec un ordinateur, en lançant un riff de guitare ou en creusant un pattern de batterie. On sait que les morceaux doivent posséder une dynamique, créer une émotion. C'est là que jammer ensemble devient important. On voit rapidement si nos idées fonctionnent dans le contexte du live.
Et d'habitude qui ramène les meilleurs idées ?
Ben : Aucun de nous, sinon on jouerait dans des salles bien plus grosses (rires) !
Liam : Oui l'idée c'était genre "Hey faisons la musique la plus rapide et nauséeuse possible" !
Jeff : Carrément, "Ecrivons des titres que presque personne ne peut comprendre"! Quelle idée stupide (rires) !
Les lumières sur scène sont réalisées par une compagnie française. Comment ça s'est fait ?
Ben : Oui on essaye d'incorporer de nouvelles choses sur le plan scénique. Au début on allumait nous même des sortes de lampes qu'on achetait avant le concert. Des trucs pétaient en permanence. On a jamais été feignants, on voulait sortir du lot. Avec le temps on s'est aidés d'amis pour atteindre un autre niveau, comme avec Thomas, qui est un ingénieur et un musicien. Il a créé avec sa boîte (ExperiensS, ndlr) un système interactif de lumières. Et pendant la tournée on essaye des nouvelles choses, on change.
Ben tu es aussi le manager du groupe, ce qui doit prendre énormément de temps...
Ben : Tout le monde s'implique énormément dans la vie du groupe, mais personnellement j'y travaille en permanence et ça me plaît ! C'est important pour nous d'être présent dans tous les aspects du groupe. Ce n'est peut-être pas la meilleure attitude, mais jusque-là ça marche bien. Il faut trouver des personnes qui ont confiance en ton travail et qui te veulent du bien, d'une certaine manière. C'est une famille. Tu ne peux faire confiance à personne, sauf ta famille.
Ça doit être frustrant de passer ses journées à faire ça au lieu d'être créatif...
Ben : En effet, c'est l'aspect le plus négatif.
Liam : Je ne peux pas parler pour toi mais des fois tu dois te dire, en montant sur scène, "ça y est je peux enfin m'amuser".
Ben : Oui... (pause) Mais j'ai toujours naturellement pris en charge de genre de choses. Je n'ai jamais voulu devenir le meilleur guitariste du monde. Je ne reste pas cloîtré avec ma guitare, j'ai une vie et c'est ce qui m'inspire pour écrire. Je n'apprends pas les chansons des autres par exemple. Si j'avais fait ça il n'y aurait pas eu de Dillinger Escape Plan comme on le connaît aujourd'hui.
Liam : C'est mieux d'être le guitariste le plus écouté plutôt que d'être le meilleur.
Ben : J'ai toujours voulu avoir le meilleur groupe, pas être le meilleur instrumentiste.
Dans une récente interview, Billy (batterie) a déclaré que The Dillinger Escape Plan sonnait mieux avec lui derrière les fûts. C'est ce qui s'appelle s'affirmer !
Ben : C'est certain qu'il a apporté une fraîcheur dans le groupe. Il n'a pas seulement pris la suite d'un batteur qu'il admirait, mais il nous a fait progresser.
* Entretien réalisé en septembre 2010, publié en avril 2011 parce que... ben parce que.
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Terrier : Paris
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Charlotte Noailles
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Terrier : DTC
et puis c'est rien moins que l'un des groupes les plus brillants techniquement et intègres des 15 dernières années
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http://theaurelio.blogspot.com/
http://dominomediaagency.wordpress.com/
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
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Qu'est-ce qu'on est serré au fond de ce webzine, chantent les fenecs, chantent les fenecs entre les chros et les infos.
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Terrier : Paris
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Charlotte Noailles
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Terrier : Val de Marne
Sur la fin des derniers alboums ça se Faithnomorise, je trouve.
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W-Fenec ou vivre tout nu, zat iz ze couestionne...
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Terrier : Lille
Je crois que Miss Machine est mon préféré aussi : c'est celui ou l'équilibre violence/mélodie est le plus savamment dosé...Après, je suis tout aussi client d'Ire Works ou Calculating infinity, c'est juste sensiblement plus la même musique car les DEP ont l'intelligence de ne jamais se répéter.
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Hey show me the way to the W-fenec.org ! And don't ask why !
Re: Dillinger Escape Plan / The Dillinger Escape Interview (sep. 2010)
Terrier : LILLE
2011 : Toujours du mal avec eux