Certainement parce que "Recoller les morceaux" ça sonne moins bien que Kintsugi, Demande A La Poussière a choisi le terme japonais qui permet de rendre beau des trucs cassés. Un choix déjà fait par Death Cab For Cutie il y a quelques années lors du départ de leur guitariste Chris Walla, comment ici ne pas y voir l'évocation du passage de témoins entre Krys, parti se consacrer pleinement à Ecr.Linf, et Simon (Anthropovore, Muertissima...). Un changement de chanteur/guitariste qui, sans aller à dire qu'il se couvre de poudre d'or, se fait assez "naturellement" tant le combo a gardé son essence en restant à la fois doom, black et dépressif.
Les instruments s'installent histoire de préparer nos oreilles à la rencontre avec Simon, on lui fait de la place, le rythme disparaît presque et après quelques mots lointains, c'est une voix clairement black qui nous agresse en toute décontraction, appuyée par une série de riffs tranchants. Et si c'est franchement black, c'est aussi en français et assez intelligible, les cris se mêlent à une forme de spoken word, comme s'il fallait rendre plus accessible certains mots ("Qui marche sans but au sein d'un empire de...") et alourdir le poids donné à d'autres ("...poussière"). Le titre qui donne son nom à l'album coche quant à lui davantage de cases pour un metal extrême avec une double pédale à fond pour couvrir un riff plutôt lancinant, l'ensemble étant contrebalancé par d'autres parties bien plus légères qui nous font perdre l'équilibre tant il est instable. C'est à ce petit jeu que les Franciliens vont nous prendre tout au long de l'opus, variant les idées, réussissant à être parfois très groovy, d'autres carrément sludge, répondant à quelques appels post-hardcore pour apporter encore plus de teintes à un album dont on ne ressort pas indemne.
Si les pistes sont relativement courtes et les idées et inspirations nombreuses, on a un ensemble qui reste très homogène de par le chant ou le son des guitares, il est donc peu aisé de sortir un morceau du lot, le groupe a pour le moment choisi de mettre en avant "Kintsugi" et "La parabole des aveugles", mais cela aurait très bien pu être "Fragmenté" ou "Brisé", eux aussi très intenses et révélateurs de leur grande capacité à amalgamer des parties antinomiques.
Publié dans le Mag #61